J'explique pour ma part les choses ainsi, et j'espère que tu vas faire enfin un effort de lecture et de compréhension.
Hitler est un maître du dévoilement partiel, du dévoilement qui laisse encore des voiles. Il enrobe, j'oserai même dire qu'il poétise car je ne suis pas de ceux qui ne lui accordent aucun talent d'artiste, surtout à partir du moment où, fin 1918, sa folie le stabilise et lui permet de faire enfin oeuvre. D'autre part, il masque volontiers ce talent sous des dehors primaires et vociférants. Donc, il peut y aller, en ce 30 janvier 1939 : il menace de se venger d'une plongée du monde dans une seconde guerre mondiale par l'action des Juifs en faisant disparaître ceux-ci d'Europe. Les termes méritent d'être cités et pesés
http://www.cicad.ch/index.php?id=110 :
Citation:
Il y a encore une chose que j'aimerais dire en ce jour, qui peut-être sera un jour mémorable pour tous et pas seulement pour nous Allemands: dans ma vie, j'ai souvent été prophète et on s'est moqué de moi pour cela. A l'époque de ma lutte pour le pouvoir , c'était d'abord la race juive qui accueillait mes prophéties par des rires, quand je disais qu'un jour je prendrai la direction de l'Etat et celle de toute la nation, et qu'entre autres, je réglerai le problème juif. Leur rire était tonitruant, mais je pense que depuis quelque temps, leur rire s'étrangle dans leur gorge. Aujourd'hui, je serai encore une fois prophète: si les financiers juifs internationaux en Europe et au dehors réussissent une fois de plus à plonger les nations dans une guerre mondiale, alors, il en résultera, non pas une bolchevisation du globe, et donc la victoire de la Juiverie, mais l'annihilation de la race juive en Europe !
(Wenn es dem internationalen Finanzjudentum in und außerhalb Europas gelingen sollte, die Völker noch einmal in einen Weltkrieg zu stürzen, dann wird das Ergebnis nicht die Bolschewisierung der Erde und damit der Sieg des Judentums sein, sondern die Vernichtung der jüdischen Rasse in Europa)
Il n'est pas faux que Vernichtung puisse signifier, à l'extrême rigueur, une disparition par émigration. Mais dans cette bouche ? à ce moment ? et surtout, par définition, dans le cadre d'une Europe en guerre ? Puisque à partir de ce moment les Juifs seront considérés, en territoire allemand ou dominé par l'Allemagne, comme des ennemis, est-il envisageable de prendre des gants ? De mettre à leur disposition l'équivalent des futurs charters de MM Pasqua ou Guéant ? Non. Dans un tel contexte c'est bien la ghettoïsation, avec son cortège de morts par famine et manque de soins, c'est bien la prise de toutes ces populations en otage et c'est bien le traitement nazi des otages en temps de guerre si l'ennemi ne se comporte pas comme souhaité, qui se dessinent.
Cependant n'allons pas trop vite en besogne. Le dictateur qui profère ces menaces dans une période relativement paisible au sein d'un long discours, et qui est considéré comme un bluffeur qui "nous a bien eus" au moment de Munich, est moins pris au sérieux que jamais, et le sait. Tout le monde va penser qu'il s'excite un coup, et basta. Le dévoilement est sans risque. Il reste parfaitement compatible, y compris lorsque cette "prophétie" est rappelée à plusieurs reprises dans des discours de 1941 ou 1942, avec le secret qui entoure la mise en oeuvre de la Solution finale.
Enfin, même en admettant une seconde que Heydrich ait dans presque tous les domaines une autonomie totale et travaille "en direction du Führer" sans songer à vérifier auprès de lui que c'est la bonne, ni en recevoir de directives, il reste que par cette prophétie et ses répétitions Hitler montre bien qu'en matière de persécution des Juifs il s'arroge les principales décisions. Heydrich, qui dispose d'un accès facile à sa personne, serait fou de ne pas vérifier, soit directement soit par Himmler interposé, qu'il veut effectivement que les Juifs soient mis à mort.