Jesse Darvas a écrit:
Monsieur Delpla,
Je n'ai pas trouvé sur votre site (mais peut-être ai-je mal cherché) d'analyse du livre majeur de Saul Friedlander.
Bonjour et bienvenue.
N'oubliez pas la petite formalité :
viewtopic.php?f=2&t=865Le manque de temps est la cause unique du phénomène qui vous inquiète... et que l'inénarrable suceur de roues Boisbouvier s'empresse d'attribuer à une censure.
J'ai beaucoup de considération pour les travaux de Saül Friedländer... et un désaccord essentiel avec lui : il ne cerne pas la part personnelle de Hitler dans la persécution (ce que j'appelle sa folie, une psychose déclenchée fin 1918). Il ne comprend pas ce que son antisémitisme a de radicalement neuf et unique... malgré tous les efforts des imitateurs postérieurs.
Pour amorcer la discussion, je citerai aussi ce que je disais de lui en 1999 dans la bio :
Citation:
L 'histoire psychanalytique
A peu près en même temps que son corps, l'âme du Führer fit, vers 1970, l'objet d'une attention renouvelée. Une floraison de recherches inspirées par la psychanalyse vit alors le jour. Saül Friedländer publia coup sur coup un livre sur l'antisémitisme nazi, d'inspiration psychanalytique, puis un ouvrage théorique sur l'application de la psychanalyse à l'histoire, puisant dans l'aventure hitlérienne une bonne partie de ses exemples . C'est aussi l'époque où le rapport commandé par le gouvernement américain, en 1943, au psychanalyste Walter Langer, fut enfin publié. C'est donc par ce travail, chronologiquement antérieur sinon publiquement pionnier, que nous commencerons.
(...)
Un essai bref et ambitieux de Saül Friedländer, Reflets du nazisme, tire en 1982 un bilan de ce qu'il appelle un « nouveau discours ». Il évite presque complètement la confrontation avec ses collègues universitaires et, de tous ceux qu'on peut classer historiens, n'aborde un peu longuement que Fest... cependant qu'il répudie en quelques mots l'histoire psychanalytique, y compris celle que naguère il signait . Donnant aussi une grande place à Speer, il s'attache surtout à des œuvres littéraires ou cinématographiques. Il constate que Hitler n'est plus le Mal absolu dont on ne parle que pour le dénoncer et que le nazisme devient un sujet de fiction très à la mode . Il s'en inquiète sans s'en indigner, voyant là une pente fatale sur laquelle il entend cependant poser des garde-fous. Et s'il se détourne de l'histoire psychanalytique, c'est au profit d'une sorte d'analyse collective et culturelle : il voit à présent dans le nazisme la rencontre de deux courants jusqu'ici bien séparés de la culture occidentale, « l'appel à l'embrasement universel » des sectes millénaristes, et la « soumission au pouvoir établi » (p. 136). L'« attrait pour l'apocalypse » serait, pour la première fois, pris en charge par un gouvernement stable. L'analyse, qui fait un grand usage du mot « kitsch », rejoint celle de Stern tout en la complétant : le nazisme, c'est la destruction ; le professeur de littérature traque dans son fonctionnement les pièges esthétiques permettant de conduire vers l'abîme des masses aveuglées et l'historien inventorie dans sa postérité les jeux sulfureux d'artistes fascinés par le néant.