Le Forum de François Delpla

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MessagePosté: Dim Déc 31, 2006 6:41 pm 
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Permettez-moi tout d'abord de remarquer qu'il s'agit de la première contestation argumentée (celle de Vanwelkenhuyzen était entièrement sarcastique et récréative) subie par mon interprétation de l'ordre d'arrêt depuis sa première apparition, en 1992.


En ce qui me concerne, j'ai lu à la fois sur papier et sur Internet bien des discussions argumentées de l'ordre d'arrêt. Je n'ai pas lu les deux bouquins de Vanvelkenhuyzen en référence à "la ruse nazie" mais par intérêt, et je les ai donc trouvés solides dans leur argumentation (mais une fois de plus, ils sont peut-être imparfaits comme contestation, il faudra que je relise les passages idoines).

Citation:
Ce que Göring dit à Dahlerus est précis : quand l'armée allemande aura atteint Calais, il faudra signer, très vite, faute de quoi nos "conditions généreuses" s'aggraveront. Le message est connu par Nordling, qui fait suivre à Paris, mais nul doute que Göring, qui s'est souvent servi de Dahlerus pour atteindre Halifax, s'adresse aussi à ce dernier. Or Calais est investi le 23 mai, l'ordre d'arrêt tombe en fin de matinée le 24 et les journées du 25 et du 26 sont riches en discussions sur la paix à Paris, à Londres et entre les deux capitales. Disons plutôt : discussions en France, tentatives à Londres, car Churchill y met autant que possible le holà. Cependant, Halifax prend sous son bonnet de recevoir l'ambasadeur italien Bastianini et de lui demander la médiation du Duce, le 25 à 17 heures... et il s'en ouvre à Reynaud le lendemain !


Et... ? J'avoue que je ne suis pas bien la logique à l'oeuvre, là.

Rappelons que la thèse c'est "Hitler arrête Guderian le 24 pour donner un signal diplomatique aux alliés". Mes questions sont donc:

1. Pourquoi le 24 ? Pourquoi ne pas lancer l'ordre d'arrêt avant de capturer Calais ? Pourquoi cet ordre ne concerne-t-il que l'avant-garde de Kleist ? La 6e armée continue d'attaquer, la BEF reste engagée par les blindés jusqu'au 28 il me semble, et l'assaut contre Boulogne, entamé le 22, se poursuit jusqu'à la capture de la ville le 25.

Si le but était d'adresser un signal aux alliés, pourquoi choisir cette date plutôt que, par exemple, le 20 - ce qui permettrait de dire "regardez, nous n'avons pas Calais, tout est encore possible pour peu que les bourgeois nous amènent les clés à genoux et la corde au cou" - et surtout pourquoi rendre le geste si difficile à interpréter en n'arrêtant pas le reste des troupes ? Une fois de plus, les troupes alliées et notamment les britanniques n'ont pas eu l'impression qu'on leur avait accordé un répit.

2. A quoi ça sert ?

En supposant que, pour une fois, on puisse croire Göring sur parole quant aux intentions allemandes - et l'histoire montre bien que se fier à la parole d'Hitler, comme de ses sous-fifres, n'était pas une bonne idée - alors pour quelle raison les Allemands pourraient-ils croire que l'arrêt d'une partie de leurs forces aurait un impact diplomatique ?

Après tout, ils peuvent supposer que Dahlerus a déjà remis son message au moment où l'assaut sur Calais démarre. Or les Britanniques défendent la ville pied à pied au lieu de proposer la paix. Qu'est-ce qui permet de supposer que faire un geste servirait à quelque chose ?

Mes questions sont donc: pourquoi les Allemands voudraient-ils faire un geste, et pourquoi choisir ce geste là et à ce moment là ?

Il me semble que la réponse à ces questions est indispensable si on veut soutenir la thèse d'une maneuvre diplomatique. Parce que les arguments militaires (et de politique interne, cf. Frieser) qui poussent à l'ordre d'arrêt le 24 sont bien documentés, donc il n'y a pas de raisons de croire que l'explication militaire soit insuffisante.

Je suis prêt à accepter une explication diplomatique, encore faudrait-il qu'elle se révèle supérieure à ces arguments militaires. Or pour l'instant, je ne vois rien qui vienne l'étayer. Je vais fouiller dans mes cartons pour voir si je n'ai pas "La ruse nazie", sinon j'enverrai un chèque. Mais j'aimerais quand même bien lire quelque chose de logique.

A la place, je lis comme explication que Göring a menacé que ça irait mal après la prise de Calais. Logiquement, si Reynaud est sensible à la menace, il va réagir dès le 15 quand Gamelin lui annonce que c'est fichu. Au lieu de ça, il vire Gamelin et le remplace par Weygand. Ce dernier ne lui dit pas que c'est perdu, il lui annonce au contraire que la situation n'est pas irrémédiable grâce au "plan Weygand". Il faut attendre ce fameux conseil de guerre, justement, pour qu'ils se rendent à l'évidence. Donc là encore, si Reynaud réagit en fonction de l'offre de Göring, il cache bien son jeu puisqu'il cherche à refaire la Marne sur le terrain au lieu de limiter la casse diplomatiquement.

Quant à évoquer l'agitation après le 25 mai, à partir du moment où les Allemands ont atteint la mer, pas besoin de Göring pour faire paniquer les états-majors alliés: un coup d'oeil à une carte suffit. Comme c'est la panique, on explore toutes les options: les achats d'armes aux Etats-Unis s'envolent, on évacue l'or, on replie l'armée de l'Air, etc. Evidemment, ça vaut aussi pour les pacifistes de droite dans la ligne "Mussolini est un bon gars qui peut modérer Hitler, il ne faut pas que la lutte contre l'Allemagne fasse le jeu du communisme". C'est une vision qui a connu un triomphe à Munich, représentée par les Halifax, Bonnet etc.

Donc là encore, je ne vois pas en quoi les traces - indéniables - de panique fin mai sont la preuve d'un plan allemand ourdi trois semaines plus tôt. Le dossier diplomatique est peut-être riche, mais de quoi ?

Citation:
Alors que le dossier militaire est plus plat qu'une pancake bretonne, et surtout complètement bidonné par le Führer : des confidences de lui dans des oreilles choisies sur sa crainte d'une contre-attaque, un jeu de grand-guignol avec Göring pour faire croire qu'on veut laisser "l'aviation, arme nazie, finir le travail à Dunkerque", un enrôlement de Rundstedt à son corps défendant pour lui faire cautionner un bref arrêt...


1. Sur la contre-attaque:
1.a. Les alliés ont encore, sur le papier, les moyens d'une contre-attaque et les Allemands ont raison de s'en douter.
1.b. Les craintes d'une contre-attaque ne sont pas émises que par Hitler
1.c. Hitler a déjà fait part d'une nervosité équivalente au cours d'autres opérations risquées du même genre, notamment en Norvège.
1.d. Un autre argument à prendre en compte est l'usure des unités de pointe qui pensent (à tort, mais ça arrive souvent à la guerre) devoir livrer un assaut en règle pour capturer Dunkerque.

Quelles sont les signes que tout ça est complètement bidonné ? Quand Kleist réclame une pause, c'est parce qu'Hitler le lui a soufflé ?

2. Sur l'aviation.
2.a. Nous savons, nous, qu'on ne peut pas se rendre à un bombardier. Et encore, les Américains l'ont oublié à plusieurs reprises, la dernière au Kossovo en 1999. Donc ce n'est pas si invraisemblable que ça comme théorie, et à l'époque on y croyait vraiment.
2.b. Le bombardement aérien avait eu un effet décisif pour hâter la reddition d'au moins deux pays: la Pologne et les Pays Bas. Si j'étais taquin j'ajouterais peut-être Munich, et certainement la Tchécoslovaquie en mars 39. En l'état des informations disponibles à l'OKW, il n'était pas absurde de penser que la Luftwaffe pourrait amener la capitulation de la poche de Dunkerque.

Mais si c'est bidonné, alors quels sont les raisons de croire que Göring et Hitler savaient que la Luftwaffe n'avait aucune chance ? Et s'ils étaient si savants, pourquoi a-t-elle néanmoins engagé une action d'envergure contre la poche ?

3. Je ne dispose d'aucune information me permettant de conclure que l'ordre d'arrêt à été imposé à von Rundstedt à son corps défendant.

Au total, le dossier militaire me semble bien garni, mais c'est sans doute parce que la krampouze bretonne à laquelle j'ai été initiée dans mon enfance est bien plus copieuse qu'une simple pancake, et certainement pas plate avec les patates rissolées qui en dépassent. Méfiez-vous des imitations ! 8)


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MessagePosté: Ven Jan 05, 2007 2:17 pm 
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Inscription: Sam Juil 01, 2006 8:20 am
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en m'excusant d'être beaucoup plus bref et de ne pas entrer dans les détails de toutes vos questions (mais nous y reviendrons dans la suite si vous le souhaitez), je pense, surtout après les travaux de Frieser et en dépit du fait qu'ils convergent avec moi sur l'inexistence, le 24 mai, de justifications militaires objectives ou subjectives à l'ordre d'arrêt, qu'il y a deux écoles et pas trois (avec bien sûr, des classes et des cours de récréation différentes) :

-ceux qui pensent que Hitler pense;

-ceux qui le voient comme un bouffon bouffi de vanité, de cruauté et de tout ce qui fait les mauvais chefs (thèse que Frieser pousse à un degré extrême en expliquant l'ordre d'arrêt par une bouffée d'autoritarisme vis-à-vis de Brauchitsch et de Halder).

Si Hitler pense, il ne se lance pas dans une guerre mondiale sans calculer comment il pourrait en sortir. Il a donc prévu une guerre à l'ouest très limitée, et dans le temps, et dans le terrain parcouru, puisqu'il veut le céder aussitôt en échange de la paix. Il donne donc le mode d'emploi à Dahlerus, via Göring, le 6 mai : quand je serai à Calais (= le 23), signez vite sinon adieu les "conditions généreuses". Tout ce qui compte donc, le 23 au soir et le 24 au matin, ce sont les signes de paix venus de Paris ou de Londres. Cöté Paris, ça baigne : promotions de Pétain et de Weygand, déculottades envers l'Italie et tentative de séduire Franco... Bref, c'est à Londres que ça ne va pas. Pourtant, avec Halifax et Chamberlain majoritaires au cabinet si on néglige les travaillistes qui ne pèsent rien au parlement, Churchill devrait se sentir un peu isolé, d'autant qu'il a plutôt jusque là une carrière de looser, à laquelle lui-même vient de mettre la dernière touche en envahissant la Norvège. Bon alors quoi qu'est-ce qu'ils foutent ?

On va leur laisser un peu de temps. Mais pas beaucoup. Car on ne dit rien aux généraux, on les abreuve de raisons militaires. Logique : si la paix à l'ouest ne vient pas la guerre à l'ouest continue au moins un peu, et il ne faut pas démobiliser ces imbéciles qui se croient en train de prendre une revanche sur leur reculade de 1918.


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MessagePosté: Ven Jan 05, 2007 3:35 pm 
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Inscription: Sam Juil 01, 2006 11:49 am
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Bonjour, Bronski,
Il y a quelques elements dans cette affaire dont, apparemment, vous ne tenez pas compte :

- Dans le message "de paix" transmis aux Allies par Dahlerus, Hitler etait tres clair : Nous prenons Calais puis, ensuite, sommes prets a arreter les frais. La prise de Calais s'imposait donc, demonstration de force oblige.

- Les pacifistes, les partisans de "l'appeasement" etaient presents en force dans le gouvernement britannique et etaient tout a fait pret a accepter ces propositions "genereuses". La surprise, qui a fait capoter le plan d'Hitler, c'est Churchill. Mais, fin mai 40, sa fragilite etait telle que parier qu'Halifax allait "lever les bras", comme les Francais, etait tout a fait jouable.

- La contre-attaque des Allies en Belgique etait possible, comme vous le dites vous-meme, sur le papier. Mais voila des troupes enfoncees, etrillees, qui ont vu successivement les Hollandais puis les Belges capituler et qui se trouvent encerclees, coupees de la France. Sur le papier, pas sur le terrain.

- L'arret eu lieu a quelques kilometres de Dunkerque (20 ? 25 ?). Pourquoi ces forces n'ont elles pas, au moins, maintenu le contact, la pression ? L'usure, la fatigue, le manque de carburant, le retard des unites d'infanteries, je veux bien, mais pas sur une aussi courte distance, d'autant plus que les unites avancees en question beneficiaient toujours d'un support aerien important. Sur le plan militaire, perdre le contact etait une grossiere erreur. L'explication est donc ailleurs.

_________________
Cordialement
Daniel
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MessagePosté: Ven Jan 05, 2007 4:51 pm 
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padac avec ceci :


Daniel Laurent a écrit:

- Dans le message "de paix" transmis aux Allies par Dahlerus, Hitler etait tres clair : Nous prenons Calais puis, ensuite, sommes prets a arreter les frais. La prise de Calais s'imposait donc, demonstration de force oblige.


Göring dit précisément (d'après le seul document disponible, un résumé de propos tenus par Nordling à un membre du cabinet Reynaud le 20 mai) : "quand l'armée allemande aura atteint Calais...". Donc la prise de la ville n'est pas expressément prévue, au contraire c'est le siège mis devant elle qui est le signal que les Alliés doivent se grouiller de signer la paix.

En revanche, Louis, le fait que l'armée allemande continue à attaquer sur la plupart des fronts n'a rien de contradictoire avec le signal envoyé via les Suédois. Car ce n'est pas un ordre d'arrêt qui est annoncé, et l'armée allemande ne s'engage à rien, c'est au contraire aux civils de prendre la parole s'il leur en chaut, aux civils de Paris et de Londres.

L'arrêt est là pour signifier aux Alliés non pas que les Allemands deviendraient moins méchants, mais qu'il leur reste une chance, à saisir tout de suite, d'arrêter les frais avant qu'ils ne s'aggravent considérablement.


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MessagePosté: Ven Jan 05, 2007 10:26 pm 
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Inscription: Mar Déc 19, 2006 5:03 pm
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Coucou, Daniel.

Daniel Laurent:
Citation:
- Dans le message "de paix" transmis aux Allies par Dahlerus, Hitler etait tres clair : Nous prenons Calais puis, ensuite, sommes prets a arreter les frais. La prise de Calais s'imposait donc, demonstration de force oblige.


Je ne vois là rien de clair, ni en particulier de crédible. Qu'est-ce qui permet d'affirmer que Dahlerus est envoyé par Hitler ? Pourquoi Hitler, qui n'a tenu rigoureusement aucun de ses engagements depuis 1935, serait-il digne de confiance cette fois ? Pourquoi Calais serait-il si important et pas un exemple pour dire "la côte", vu la date à laquelle a été émis ledit message ?

Etc.

Daniel Laurent:
Citation:
- Les pacifistes, les partisans de "l'appeasement" etaient presents en force dans le gouvernement britannique et etaient tout a fait pret a accepter ces propositions "genereuses". La surprise, qui a fait capoter le plan d'Hitler, c'est Churchill. Mais, fin mai 40, sa fragilite etait telle que parier qu'Halifax allait "lever les bras", comme les Francais, etait tout a fait jouable.


Il est courant de se moquer de cette lopette de Chamberlain qui s'est couché à Munich et qui a fini par démissionner ignominieusement pour laisser la place au vrai chef de guerre (tadaaam).

C'est oublier que Chamberlain était quelqu'un de très déterminé, il a décidé le réarmement, il a donné une garantie à la Pologne, il a déclaré la guerre. Rien ne dit qu'il était pour la paix. L'appeasement était un échec retentissant, même Chamberlain en convenait, et des fractures commençaient à apparaître au sein du parti conservateur à cause de ça.

En d'autres termes, avant de comparer Chamberlain à Bonnet, faudrait voir à un peu faire riper les arguments, monseigneur...

Daniel Laurent:
Citation:
- La contre-attaque des Allies en Belgique etait possible, comme vous le dites vous-meme, sur le papier. Mais voila des troupes enfoncees, etrillees, qui ont vu successivement les Hollandais puis les Belges capituler et qui se trouvent encerclees, coupees de la France. Sur le papier, pas sur le terrain.


Sur le terrain, comme je l'ai écrit, deux divisions blindées (1st Armoured, 4e DCr) plus les restes de deux divisions de cavalerie (2e et 5e DLC) attaquent à Abbeville. L'attaque est menée de manière inepte, mais il s'en faut de peu qu'elle réussisse, la 57e division d'infanterie allemande part en déroute, il reste 2 (ou 3, je ne sais plus) canons de 88 qui tiennent en respect les chars le temps que le commandant du corps allemand (un certain Manstein) remette un peu d'ordre.

Au total, en une semaine, environ 500 blindés seront engagés dans ce secteur, bien plus qu'à Arras. La différence c'est que Rommel n'est pas Manstein et au lieu de se vanter d'avoir sauvé la situation à lui tout seul, son "cant" d'officier prussien lui impose l'attitude inverse "nous avons la situation bien en main". C'est ce qui explique, en partie, qu'Arras soit mieux connue.

En tout cas le danger d'une contre-attaque alliée est réel. En pratique, nous savons qu'il n'en est rien parce que les généraux sont des ânes. Des ânes teigneux, comme De Gaulle, mais pas des flêches quand même.

Daniel Laurent:
Citation:
- L'arret eu lieu a quelques kilometres de Dunkerque (20 ? 25 ?). Pourquoi ces forces n'ont elles pas, au moins, maintenu le contact, la pression ? L'usure, la fatigue, le manque de carburant, le retard des unites d'infanteries, je veux bien, mais pas sur une aussi courte distance, d'autant plus que les unites avancees en question beneficiaient toujours d'un support aerien important. Sur le plan militaire, perdre le contact etait une grossiere erreur. L'explication est donc ailleurs.


1. Les unités ont rempli leur mission: atteindre la mer. Leur mission principale est donc de maintenir le couloir en attendant l'infanterie.

2. L'avis des experts (des deux camps !) c'est qu'une évacuation n'est pas possible. Donc capturer Dunkerque c'est la cerise sur la chantilly mais pas du tout indispensable, et ça ne doit pas mettre en danger le reste.

3. Les blindés lancent des pointes pour voir si la voie est libre, ils tombent sur des bouchons. Les bouchons auraient sans doute été bousculables, mais les panzers ne le savent pas, donc ils croient qu'il faudrait un assaut en règle, et ils ne sont plus trop en forme alors que Dunkerque n'en vaut, pense-t-on, pas la chandelle.

4. Le soutien aérien n'est pas tactique, il est dans la profondeur, les Stukas commencent à avoir des problèmes de portée.

5. Surtout, surtout, le gros des blindés ne s'arrêtent pas ! Calais et Boulogne sont attaquées et investies. Le corps de Reinhardt poursuit la BEF l'épée dans les reins. Ce n'est pas une grêve de la RATP !

François Delpla:
Citation:
En revanche, Louis, le fait que l'armée allemande continue à attaquer sur la plupart des fronts n'a rien de contradictoire avec le signal envoyé via les Suédois. Car ce n'est pas un ordre d'arrêt qui est annoncé, et l'armée allemande ne s'engage à rien, c'est au contraire aux civils de prendre la parole s'il leur en chaut, aux civils de Paris et de Londres.


A quoi sert un signal qui ne peut pas être interprété ?

Comment les alliés vont-ils savoir qu'il y a eu ordre d'arrêt puisque les combats continuent presque partout, y compris avec des chars allemands ?

Ils n'ont pas les cartes de situation allemandes. Les cartes de situation disponibles sont bien moins précises, on peut les consulter au SHD.

Citation:
L'arrêt est là pour signifier aux Alliés non pas que les Allemands deviendraient moins méchants, mais qu'il leur reste une chance, à saisir tout de suite, d'arrêter les frais avant qu'ils ne s'aggravent considérablement.


Mais ça ne répond pas à ma question: pourquoi l'arrêt leur signifierait-il ça ?

Sur la "démonstration" de Frieser, je reviendrai une autre fois, livre en main. Itou sur la commission d'armistice dans l'autre fil.


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MessagePosté: Dim Jan 07, 2007 4:25 am 
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Inscription: Lun Juil 17, 2006 11:01 pm
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je viens de lire dans un texte que l'arret etait en fait demandé par l'etat major de la heer , et a ensuite été repris sur son nom par hitler .
Ceci coupe bien des images et idées .
Kluge et rundstedt decident entrte le 23 et 24 mai d'un arret progressif .
Hitler prends a son compte cet ordre le 24 .

Ou est donc l'aspect diplomatioque ici ?


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MessagePosté: Lun Jan 08, 2007 7:54 am 
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Inscription: Sam Juil 01, 2006 8:20 am
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Alain : ce que tu as lu ne se réclame pas, du moins je l'espère, de documents d'époque de première main, journaux de marche, télégrammes etc. C'est plutôt de dixième main, cela émane de gens qui ont lu et relu des interprétations militaires de l'ordre d'arrêt, avec des déformations croissantes. La vértié c'est que tous les généraux protestent contre l'ordre d'arrêt dès qu'ils le connaissent sauf Rundstedt, qui, l'ayant signé sous la pression, s'accorde 48h pour dire qu'il a assez duré.

Louis : la documentation actuelle ne fait pas apparaître que l'ordre ait été signalé aux Alliés. En revanche, ce qui pour eux est patent, c'est que le siège n'est mis que devant Calais et Boulogne, Dunkerque étant encore libre et son arrière-pays plus encore, d'où le dilemme : soit on s'accroche comme on peut à cette peau de chagrin en ne sachant pourquoi ni jusqu'à quand, soit on se dit, propositions de Dahlerus aidant, qu'il y a là une occasion de limiter la casse.

Nous verrons bien ce que vous tirerez de Frieser, en tout cas je le trouve convaincant quand il dit qu'une brusque interruption de l'offensive si bien partie à 20 bornes de Dunkerque était parfaitement inadéquate aux risques de contre-attaque tels qu'ils pouvaient apparaître le 24 vers midi.


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MessagePosté: Lun Jan 08, 2007 4:34 pm 
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Inscription: Mar Déc 19, 2006 5:03 pm
Messages: 97
Ceci est une réponse à plusieurs messages de François, sauf indication contraire tous les passages cités et auxquels je réponds sont de lui.

Citation:
en m'excusant d'être beaucoup plus bref et de ne pas entrer dans les détails de toutes vos questions (mais nous y reviendrons dans la suite si vous le souhaitez)


En ce qui me concerne, je préfère une réponse argumentée sur les points que j'ai soulevés, quitte à ce qu'elle tarde un peu pour des raisons d'emploi du temps à une réponse ad hominem immédiate.

Citation:
il y a deux écoles et pas trois (avec bien sûr, des classes et des cours de récréation différentes) :

-ceux qui pensent que Hitler pense;

-ceux qui le voient comme un bouffon bouffi de vanité, de cruauté et de tout ce qui fait les mauvais chefs (thèse que Frieser pousse à un degré extrême en expliquant l'ordre d'arrêt par une bouffée d'autoritarisme vis-à-vis de Brauchitsch et de Halder).


C'est quand même la deuxième fois que je vois une tentative d'attaque ad hominem plutôt qu'une réponse à mes arguments. Evidemment, il est beaucoup plus facile et rapide de chercher à cataloguer ses interlocuteurs que de répondre sur le fond. Le fin du fin, c'est comme ci-dessus de cataloguer ET de caricaturer, là on est bon pour sa carte du Parti (PCF/LO ou FN, au choix).

Normalement j'évite, parce que ça ne fait pas avancer le dialogue. Mais je peux faire: par exemple,
Vois-tu Tuco, le monde se divise en deux catégories. Ceux qui étudient l'histoire pour comprendre la réalité, et ceux qui y voient un réservoir d'anecdotes qui, savamment combinées, permettront d'alimenter leurs lubies personnelles.
Mein Kampf contient bien des exemples de cette dernière démarche.

Citation:
Si Hitler pense, il ne se lance pas dans une guerre mondiale sans calculer comment il pourrait en sortir.


Les hommes pensent, calculent, et se trompent souvent.
Chamberlain est un type très intelligent, il pense, il effectue un calcul rationnel, le résultat est la stratégie de l'appeasement qui est un échec cuisant.
Gamelin est un type que tous, même ses détracteurs, s'accordent à reconnaître comme un grand penseur, son plan de campagne ouvre la porte à une défaite décisive.
Staline est un type pas idiot, il met au point un super plan génial avant de s'en mordre les doigts un an plus tard, en encore plus deux ans plus tard.

Des exemples comme ça, il y en a des tas.

Hitler est loin d'être un imbécile, il a calculé un certain nombre de choses mais tout ne se déroule pas selon ses plans. Par exemple, la guerre avec la France et l'Angleterre vient plus tôt que prévu. Il l'accepte tout de même, mais le déroulement n'est pas ce qui était prévu non plus: il veut une offensive immédiate, et si la météo avait été meilleure l'attaque aurait sans doute été déclenchée le 12 novembre 1939.
En ce qui concerne ses réactions, on a quand même pas mal de documents.

Citation:
Il a donc prévu une guerre à l'ouest très limitée, et dans le temps, et dans le terrain parcouru, puisqu'il veut le céder aussitôt en échange de la paix.


Rien à ma connaissance ne permet d'affirmer une chose pareille (qu'il entend céder aussitôt le terrain conquis en échange de la paix). Par exemple, autour du 17 mai il dit que la victoire est en vue et que les Alliés devront rendre "tous les territoires volés à l'Allemagne depuis 400 ans" plus naturellement les colonies. Compte tenu de ce qu'il définira plus tard comme ayant été terre d'empire (p.ex. Verdun), les buts "limités" vont représenter le Bénélux et une grosse tranche de France.

D'ailleurs, il a des buts tellement limités qu'il n'aime pas le plan que lui propose initialement l'OKH parce que justement il n'est pas assez décisif.

Qu'est-ce qui permet d'affirmer qu'il se serait contenté de concessions "limitées", et lesquelles ?

Citation:
Il donne donc le mode d'emploi à Dahlerus, via Göring, le 6 mai : quand je serai à Calais (= le 23), signez vite sinon adieu les "conditions généreuses". Tout ce qui compte donc, le 23 au soir et le 24 au matin, ce sont les signes de paix venus de Paris ou de Londres.


1. Hitler ne peut pas savoir quand le message sera remis, ni quelle sera la situation militaire à ce moment là. Par exemple si le message tombait le 14 ou le 15 et qu'il était pris au sérieux, les Français auraient pu se redéployer pour contrer la course à la mer au lieu de se couvrir également face au sud et à l'est.

2. Si ce fameux message représente bien le mode d'emploi, et en supposant qu'Hitler ait été informé de l'heure à laquelle il a été remis, la situation c'est que ce fameux ultimatum déguisé (rendez-vous tant que je n'ai pas atteint Calais, sinon...) a été rejeté: trois jours ont passé, Reynaud n'a pas esquissé l'ombre du début d'un signe de rapprochement. Entretemps Calais a été atteint, ça y est, c'est terminé. Si c'était si clair, et si telle était l'intention d'Hitler, alors la situation c'est que sa tentative est un échec au soir du 23.

A la limite, les choses sont plus claires selon la version de Benoist-Méchin (oui, je sais... mais elle reprise par d'autres auteurs): c'est le 15 que Nordling voit Göring à Berlin, la percée a déjà eu lieu, Göring lui dit que les Français feraient mieux de ne pas attendre pour demander la paix, que plus ils attendront plus dure sera la paix. Il s'abstient naturellement de donner des précisions tant sur la date que sur les conditions de paix espérées: on est donc dans la tactique nazie habituelle de négociation qui consiste à mettre la pression à l'adversaire en donnant des dates courtes, tout en entretenant un savant flou artistique sur le contenu des propositions.

C'est cette deuxième version que je connaissais. Le 6 mai est donc une percée historiographique ? Quels en sont les détails ? Qu'est-ce qui permet d'affirmer que ça vient de Hitler, et pourquoi s'y prend-il si tôt ?

Citation:
Cöté Paris, ça baigne : promotions de Pétain et de Weygand, déculottades envers l'Italie et tentative de séduire Franco... Bref, c'est à Londres que ça ne va pas. Pourtant, avec Halifax et Chamberlain majoritaires au cabinet si on néglige les travaillistes qui ne pèsent rien au parlement, Churchill devrait se sentir un peu isolé, d'autant qu'il a plutôt jusque là une carrière de looser, à laquelle lui-même vient de mettre la dernière touche en envahissant la Norvège. Bon alors quoi qu'est-ce qu'ils foutent ?


1. La promotion de Weygand et de Pétain peut très bien se comprendre comme une tentative de redresser le cours des événements, c'est d'ailleurs probablement ce qu'elle est dans l'esprit de Reynaud. Que les Français paniquent, c'est normal vu la situation militaire: ils ont paniqué aussi en 1914 tout en lançant la bataille de la Marne...

2. Pourquoi systématiquement supposer qu'Halifax et Chamberlain sont prêts à signer une paix avec Hitler ? Chamberlain avait la possibilité d'abandonner la Pologne quand il était PM, il ne l'a pas fait et au contraire il a déclaré la guerre. Il n'a pas été remplacé par Churchill parce qu'il était trop mou mais parce que le fiasco de la campagne de Norvège était venu s'ajouter aux autres fiascos d'un début de guerre décevant, lui-même suivant l'échec cinglant de la diplomatie britannique depuis 1937.

Donc le "loser" c'est Chamberlain, et c'est pour ça qu'il est viré. Le contrôle qu'il a sur sa majorité est très théorique dans ce contexte.

Citation:
On va leur laisser un peu de temps. Mais pas beaucoup. Car on ne dit rien aux généraux, on les abreuve de raisons militaires.


Comment expliquer alors d'une part le premier ordre d'arrêt du 17 mai, ordonné par Hitler en l'absence de toute tentative de paix ? Comment expliquer surtout qu'on n'ait pas eu besoin d'abreuver ces ânes de généraux de raisons militaires et qu'ils se soient arrêtés tout seuls comme des grands le soir du 21 à cause de l'attaque d'Arras ?

Citation:
Louis : la documentation actuelle ne fait pas apparaître que l'ordre ait été signalé aux Alliés.


La documentation est toujours incomplète, mais c'est bon à savoir, merci.

Citation:
En revanche, ce qui pour eux est patent, c'est que le siège n'est mis que devant Calais et Boulogne, Dunkerque étant encore libre et son arrière-pays plus encore, d'où le dilemme : soit on s'accroche comme on peut à cette peau de chagrin en ne sachant pourquoi ni jusqu'à quand, soit on se dit, propositions de Dahlerus aidant, qu'il y a là une occasion de limiter la casse.


Ce qui est patent change selon la date. Tout dépend aussi de qui sont "les Alliés". Je ne sais plus à quelle date Weygand se rend probablement compte que son "plan" n'a plus aucune chance de réussir, sans doute après son retour à Paris vers le 23 mai. En revanche, officiellement l'attaque est uniquement repoussée au 24, puis au 26 et au 27. Donc dans l'esprit des dirigeants politiques alliés, Reynaud et Churchill, la situation n'est pas encore désespérée avant le 26 (Churchill) et le 27-28 (Reynaud).

Sinon, mettons le conseil de guerre du 25, où Weygand est beaucoup moins clair qu'il n'a prétendu l'être par la suite (puisque justement il n'a toujours pas annulé sa contre-attaque).

A cette date, quelle est la situation ?

Les forces alliées subissent une pression forte de tous les côtés de la poche: au nord et à l'est avec l'infanterie du groupe d'armées B, au sud-est avec les panzers de Hoth qui s'attaquent notamment (6e et 8e) à la BEF. Au sud-ouest, le corps de Guderian attaque à la fois Boulogne (qui tombe le 25), Calais (qui tombe le 26) et cherche à passer le canal de l'Aa vers Dunkerque.

Cette dernière poussée se traduit par une série d'attaques entre Graveline et Watten, qui démarrent le 24 mai, se poursuivent le 25 et reprennent le 27, date à laquelle la ligne est finalement percée mais le "haltbefehl" est levé depuis la veille. Ces attaques sont menées par des détachements des 1ère et 2ème panzer renforcées par le LSSAH et de l'artillerie de corps.
Le gros de ces divisions - déjà pas mal éprouvées par l'avance rapide - étant engagé simultanément contre Boulogne (2.PzD) et Calais (1.PzD) ça ne laisse évidemment pas suffisamment pour forcer le passage, à part une petite tête de pont au nord de Watten conquise le 24 et qui sera résorbée par une contre-attaque française le lendemain matin.
Cette tête de pont insignifiante suffit à Frieser pour écrire, au garde à vous et le doigt sur la couture du treillis, "Le 24 mai (...) Les premières unités avaient déjà franchi le canal de l'Aa, le dernier obstacle naturel." Mais bon, on a déjà bien rigolé avec la percée supposée de la position de Gembloux par Hoeppner le 15 mai, donc on est habitué maintenant... :twisted:

Alors oui: si la 10ème panzer avait été disponible pour lancer une attaque contre Dunkerque, elle aurait sans doute forcé le passage. Mais elle est en réserve de corps. Est-ce la faute de Hitler ? Même pas: l'ordre date du 21, c'est le résultat de la panique liée à Arras (Frieser, fin du chapitre 7).

Mais les Alliés, et je le répète depuis le début, n'ont aucune raison de penser qu'on leur a accordé une pause: de leur point de vue, il y a des chars allemands et cherchent à percer vers Dunkerque et ils ne sont arrêtés que grâce à l'héroïsme de nos vaillantes troupes. Le haut-commandement allié ne se doute pas, et n'a aucune raison de se douter, qu'on vient de lui faire cadeau d'une division blindée maintenue en réserve.
C'est une des raisons pour lesquelles il ne peut pas s'agir d'un quelconque message, d'ailleurs: les Allemands savent très bien qu'identifier correctement des unités dans une bataille mouvante est difficile. En plus, ils utilisent le système "inviolable" Enigma, n'est-ce pas ? :wink:

Citation:
Nous verrons bien ce que vous tirerez de Frieser, en tout cas je le trouve convaincant quand il dit qu'une brusque interruption de l'offensive si bien partie à 20 bornes de Dunkerque était parfaitement inadéquate aux risques de contre-attaque tels qu'ils pouvaient apparaître le 24 vers midi.


J'ai relu Frieser. Il s'emploie de bout en bout à minimiser le "haltbefehl".

Quelques citations (pages de l'édition française, ça m'évite de traduire):

p.275 (à propos de l'ordre d'arrêt du 17 mai dans lequel Guderian donne sa démission puis est autorisé à poursuivre des "reconnaissances en avant"): "On peut même en déduire que si l'attaque allemande n'avait pas été freinée du 16 au 18 mai, le "miracle de Dunkerque" aurait eu peu de chances de se produire. (...) la question se pose de savoir qui porte la responsabilité de cet "ordre d'arrêt" lourd de conséquences.
Le général Keitel n'entre pas en ligne de compte dans cette affaire. (...) Quand au général d'armée List, il n'a joué qu'un rôle de (...) retransmission de l'ordre (...) reçu du groupe d'armées A. C'est d'ailleurs dans le haut commandement de RUndstedt qu'il faut voir l'un des "facteurs de ralentissement". Dès le 15 mai (à 23h30), on trouve dans le journal de marche (...).
Le matin du 16 mai, le général d'armée von Rundstedt décida d'arrêter provisoirement les formations cuirassées pour permettre aux divisions d'infanterie de les "rattraper". (...) Il ne peut pourtant pas être considéré comme le seul responsable de l'ordre d'arrêt de MOntcornet. Comme le Souligne Halder, c'est plutôt Hitler qui est allé plus loin en arrêtant les chars "par ordre personnel" les 17 et 18 mai." [Hitler arrête ensuite un projet d'enveloppement par le sud-ouest, et change le planning de déploiement prévu de l'infanterie pour renforcer le front sud au plus vite, ce qui va ralentir la percée]

Je saute à la page 308, sur les conséquences de la contre-attaque d'Arras.
"Mais les conséquences opérationnelles et stratégiques de cette offensive n'eurent aucun rapport avec sa cause tactique. Encore une fois, l'explication de ce phénomène est à rechercher dans une peur pour les flancs exagérée. (...) Soudain, Kleist se rendit compte qu'un "danger sérieux" menaçait l'opération. (...) il fit savoir à Halder qu'il ne se sentirait "pas tout à fait à la hauteur de la mission aussi longtemps que [la] crise d'Arras [ne serait pas ] réglée". Kluge fit stopper les mouvements de chars, en total accord avec le général d'armée von Rundstedt. Le 22 mai, alors que la contre-attaque britannique était depuis longtemps repoussée, ce dernier décida "de d'abord régler la situation d'Arras et de ne pousser sur Calais-Boulogne qu'ensuite avec [le] groupe Kleist". Mais c'est précisément au sein du haut commandement des forces armées (OKW) qu'éclata la plus forte panique (...) Dans la nuit du 21 au 22 mai déjà, à 1h30, le Führer fit appeler au [QG du] groupes d'armées A son Chefadjutant, le colonel Schmundt, pour avoir des informations sur la crise d'Arras. Il y envoya même Keitel, chef de l'OKW. Celui-ci arriva le matin à 9h et transmit personnellement, une nouvelle fois, la directive déjà communiquée oralement par téléphone par Hitler. D'après celle-ci, "toutes les troupes rapides disponibles de quelque façon que ce soit" devaient être engagées des deux côtés d'Arras et à l'ouest, et les divisions d'infanterie à l'est."

=> Donc pour le moment, Guderian est arrêté 24 heures, ce qui laisse aux Britanniques le temps de renforcer Calais et Boulogne qui sinon auraient été capturées par un coup de main, Reinhardt est obligé de faire faire demi-tour à son corps pour s'occuper d'une percée inexistante, et la 10e panzer de Guderian passe en réserve du groupe blindé Kleist.
Par ailleurs, les troupes nouvellement arrivées sont engagées "niant toute logique opérationnelle" pour protéger le secteur d'Arras au lieu de border la Somme, d'où un délai supplémentaire pour libérer l'infanterie motorisée. Comme il le fait partout dans son livre, Frieser oppose les vrais officiers du front aux généraux trouillards de l'arrière.

p.311: "Lors de cette phase critique de l'opération, Hitler et bien des généraux de haut niveau attendaient chaque jour la contre-attaque opérationnelle des Alliés, qu'ils estimaient inévitable. Le retard que prenait celle-ci n'était pas sans effet: leurs nerds étaient prêts à craquer. Enfin, la nouvelle qu'ils avaient pour ainsi dire appelée de leurs voeux arriva et mit fin à la tension. D'après les premiers chiffres annoncés par Rommel [des "centaines de chars", un peu plus haut - LC], il devait s'agir d'une contre-attaque d'ordre opérationnel, ce qui déclencha chez ses supérieurs une réaction disproportionnée.

Chapitre 8: le miracle de Dunkerque
p.313 "Cntrairement à une opinion largement répandue, Hitler n'est pas à l'origine de l'ordre d'arrêt. Le 24 mai, le dictateur ne pouvait plus arrêter les chars pour la simple raison qu'à ce moment là ils étaient déjà arrêtés".

Suite la description de sa thèse. On est d'accord ou pas, mais la chronologie est claire: le 23 mai au soir, von Rundstedt donne l'ordre d'arrêt pour 24 heures pour laisser l'infanterie recoller.
En réaction, Halder à l'OKH transfère la 4ème armée (avec tous les blindés) au groupe d'armées B - qui les fera attaquer pour soulager sa propre infanterie, valable pour le 24 à 20h.
Le 24, Hitler vient faire sa promenade matinale chez Rundstedt pour discuter des blindés (il en avait déjà été question après le coup de frayeur du 21/22), il apprend que sans que personne ne l'informe les blindés ont changé de main. Donc déjà, il doit se sentir un peu ballot... comme ça ne lui plait pas, il claque un décret immédiat ré-attribuant la 4ème armée à Rundstedt et annonçant que ce dernier est le seul juge de son emploi.
En clair ça veut dire: von Rundstedt décidera de quand les blindés repartiront à l'attaque vers Dunkerque.
Les 24 et 25, Halder et Brauchitsch font diverses tentatives pour obtenir par la bande que les blindés repartent, sans succès. Le 26 finalement, von Rundstedt se décide à les faire repartir, il va voir ses commandants sur place, et ordonne la reprise de l'offensive pour le soir. Avec les délais de regroupement, ça ne repart en fait que le 27.

A la fin du chapitre, Frieser s'amuse à casser toutes les explications de l'ordre d'arrêt concurrentes de la sienne, y compris la thèse du signal diplomatique.


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MessagePosté: Lun Jan 08, 2007 8:37 pm 
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Nous ne sommes pas d'accord et ce n'et pas un drame. En tout cas je ne voulais pas vous attaquer, ni vous classer, par exemple dans la catégorie de ceux qui ""ne pensent pas que Hitler pense". Je voulais juste indiquer où menait, selon moi, votre raisonnement.

Eh oui, Dahlerus et Göring causent le 6 mai. Nouveauté ? Pas vraiment. Il l'a dit dans ses mémoires, dès le lendemain de la guerre... en taisant l'essentiel. La conversation n'aurait porté que sur le "plan Dahlerus" de neutralisation du nord de la Norvège, pour mettre fin aux combats autour de Narvik en répartissant en frères le minerai entre les belligérants. Un comportement d'homme d'affaires plus que d'antinazi, soit dit en passant (et sans oublier, ce que peu font encore de nos jours, d'impliquer son gouvernement), mais ô combien plus avouable que le fait de se faire le commis voyageur d'une offre de paix allemande... en cas de victoire, et sur le dos des Polonais, bien oubliés dans l'affaire, c'est-à-dire en pérennisant l'occupation germano-soviétique de leur territoire.

Le double fond est révélé par Costello en 1991 dans un ouvrage beaucoup trop méconnu, Les dix jours qui ont sauvé l'Occident. Il a trouvé dans les papiers du cabinet Reynaud un document, que j'ai publié deux ans plus tard dans Churchill et les Français. Ce document fait état de cette conversation à partir du compte rendu que Nordling en fait le 20 mai à un proche de Reynaud (j'ai découvert depuis -et écris ici pour la première fois- qu'il s'agissait de Robert Coulondre, dont je possède un journal inédit).

Ici d'ailleurs Vanwelkenhuyzen a eu son utilité : Costello avait situé cette confidence lors d'une nouvelle rencontre Göring-Dahlerus survenue le 11 mai, et je l'avais suivi sur ce point -alors que le texte parle d'une future entrée en Belgique. Mais l'historien belge remonte trop la conversation dans le temps, la situant, sans aucun argument, à la mi-avril, comme s'il s'agissait d'un échange éthéré de vues théoriques. Entre-temps sont parus les mémoires de Nordling, qui permettent de conforter la datation du 6 mai : il s'agit bel et bien du volet diplomatique d'une offensive imminente.

On voit Hitler dans ses oeuvres, maniant son outil principal, à savoir la vitesse (faites-moi grâce pour aujourd'hui de la démonstration du fait que Göring fait ces déclarations en toute complicité avec le Führer). Annoncer le 6 mai que l'armée allemande compte se rendre à Calais ne peut apparaître que comme une rodomontade : personne ne pense à une percée sur Sedan et tout le monde (sauf les rares qui soient dans le secret des dieux) à un plan Schlieffen élargi, qui en cas de réussite amènerait les Allemands à Calais par le Nord. Côté allié, même si (ce que je crois) l'info va vite (au moins vers Halifax, interlocuteur favori de Dahlerus), elle ne peut provoquer qu'un haussement d'épaules moqueur. C'est le 14, jour de la percée, qu'on peut commencer à voir les choses autrement. Mais alors la grosse angoisse concerne Paris, jusqu'au soir du 16. Ensuite, les troupes allemandes glissent le long de la Somme et il n'y a pas de raison de penser spécialement à Calais. Guderian atteint l'estuaire le 21, ne sait pas lui-même s'il doit tourner à gauche ou à droite et attend quelque 24h pour recevoir l'ordre de fondre sur les ports du Nord. C'est alors seulement que l'idée d'une menace sur Calais peut prendre corps, et faire sens pour ceux qui ont reçu le message.

Mais il est bien évident qu'ils ont été secoués par tout ce qui s'est passé depuis le 14, et que leurs éléments les moins antinazis (cela fait du monde, des deux côtés de la Manche) s'affairent à trouver une sortie.

Je ne pense pas que Weygand ait eu l'espoir, à un moment quelconque, de redresser la situation; dès le départ, il veut essentiellement "sauver l'honneur de l'armée", c'est-à-dire remettre le dispositif en ordre pour faire oublier les débandades de la Meuse. Lui-même dira plus tard que dans le haut commandement il n'a trouvé que Doumenc qui ne désespérât pas et les notes journalières de ce général le confirment d'abondance, outre son mémoire sur les combats rédigé dans l'été.

Quant à Churchill, méfiance, c'est un rusé ! s'il donne des ordres d'attaque cela ne veut pas dire qu'il croie à leur efficacité mais peut-être tout simplement que, politiquement, il ne croit pas devoir ou pouvoir en donner d'autres. C'est qu'il est aux prises avec ses pacifistes et dans un premier temps le plus dangereux n'est pas Halifax ni Chamberlain, mais Gort : dès le 19, le général commandant la BEF commet un rapport disant c'est simple, soit les Français contre-attaquent, soit nous rembarquons et Churchill, au prix, excusez du peu, du changement du général en chef, Ironside, donne des ordres de contre-attaque que la grande majorité de ses officiers trouvent absurdes. C'est là que la politique intervient : embarquer le 19, c'est donner raison à la propagande hitlérienne suivant laquelle l'Angleterre a fait prendre tous les risques à la France et désormais l'abandonne dans la m..., à tel point que le peuple anglais lui-même risque de le croire, ce qui ne serait pas du meilleur effet pour obtenir la continuation de la guerre par l'Angleterre seule... que Churhcill a pourtant annoncée à Roosevelt, sans consulter personne, dès le 15 !

Donc, puisque "plan Weygand" de contre-attaque il y a, l'Angleterre, du moins au niveau gouvernemental, s'y coule docilement, jusqu'au 26 après-midi, lorsque Churchill, qui s'y est décidé la nuit précédente, fait avaliser par Reynaud (toujours le souci primordial de la solidarité franco-britannique) un projet d'embarquement.



Citation:
Hitler est loin d'être un imbécile, il a calculé un certain nombre de choses mais tout ne se déroule pas selon ses plans. Par exemple, la guerre avec la France et l'Angleterre vient plus tôt que prévu.


Ah non, pas du tout. En agressant la Pologne il sait parfaitement qu'on va la lui déclarer (cf. ci-dessus, discussion sur le dossier "Hitler")... et il n'a tout de même pas un besoin de Pologne si pressant qu'il ne puisse remettre l'affaire si elle ne lui semble pas mûre.

Cela dit, je ne pense pas que l'annulation de l'attaque prévue à la mi-novembre soit due à la météo. A mon avis (conforté par tout son comportement), Hitler voulait bel et bien attaquer au printemps et ses ordres prématurés avaient pour fonction, et de tenir les troupes sur le pied de guerre, et de tester les réacitons des officiers.


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MessagePosté: Mar Jan 09, 2007 12:48 pm 
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Inscription: Mar Déc 19, 2006 5:03 pm
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Citation:
Nous ne sommes pas d'accord et ce n'et pas un drame.


Non, en effet.

En ce qui me concerne, je dirais que je suis en désaccord sur tout un tas de points, que je ne listerai pas à nouveau mais qui se résument à la thèse selon laquelle le dossier militaire de l'ordre d'arrêt est "bidonné".

Je ne suis pas nécessairement en désaccord avec l'explication diplomatique. Pour l'instant, j'ai une explication qui me semble cohérente de l'ordre du 24 mai, mais ce n'est pas incompatible avec une tentative diplomatique: il peut y avoir eu des raisons militaires *et* diplomatiques !

En revanche, je ne suis pas encore d'accord avec elle, parce que pour ce que j'en comprends pour l'instant ne me semble pas assez solide.

Je reprends ce que j'en ai compris:

1. Dahlerus rencontre Göring le 6 mai à Berlin (selon ses mémoires) pour discuter de la Norvège et aussi (d'après Coulondre qui l'a entendu dire à Nordling le 20 mai, et ce dernier confirme dans ses mémoires, lui-même l'ayant appris par...?) pour servir d'émissaire diplomatique à ce qui serait grosso modo une nouvelle version de la proposition de Hitler du 6 octobre 39 (plus vraisemblablement quelques annexions à l'ouest).

2. Pour le moment, je ne sais pas s'il s'agit d'une proposition diplomatique sérieuse, d'une intox ou d'un ballon d'essai ("on verra bien si on la transforme en intox ou en proposition sérieuse selon les circonstances").

3. La proposition arrive aux oreilles des Alliés le 20 mai, à un moment où la situation militaire apparaît comme catastrophique. A ce moment là:

Citation:
Guderian atteint l'estuaire le 21, ne sait pas lui-même s'il doit tourner à gauche ou à droite et attend quelque 24h pour recevoir l'ordre de fondre sur les ports du Nord. C'est alors seulement que l'idée d'une menace sur Calais peut prendre corps, et faire sens pour ceux qui ont reçu le message.


Il est clair depuis le 15 que la menace sur Calais n'est plus une rodomontade, ça peut même devenir une information stratégique sérieuse. Visiblement, le message n'est pas considéré comme suffisamment crédible pour que les Français dégarnissent l'est.

Le 21 au soir, Guderian est arrêté pour 24 heures par son groupe d'armées, c'est l'effet de la panique créée par l'attaque d'Arras. Lui-même sait très bien ce qu'il veut faire: envoyer une division sur Boulogne, une autre sur Calais et la troisième sur Dunkerque.

Après cette première pause, les affaires reprennent et les deux premières divisions prennent contact avec Calais et Boulogne tandis que la troisième est mise en réserve. Guderian attaque tout de même vers Dunkerque mais les forces qui lui restent sont insuffisantes et il est repoussé.

La "menace sur Calais" est une réalité le 23 mai au soir. A partir de ce moment là, la thèse est que les Alliés se rappellent soudainement ce fameux message de Dahlerus et que les Français (les Anglais sont tenus en laisse par Churchill) cherchent à donner suite. Hitler s'en rend compte et ordonne une pause - sans pourquoi à ses militaires - pour leur laisser une chance de se rendre.

Mes questions:
a - Qu'est-ce qui permet d'affirmer que les Alliés prennent ce message au sérieux, et notamment cette histoire de Calais ? Qu'il y ait des tentatives frénétiques de calmer Mussolini (lequel fait de plus en plus de bruit dans son coin), pas besoin de ce message pour l'expliquer. Idem pour chercher à contacter l'Allemagne via une médiation possible de l'Italie ou de l'Espagne (c'est ce qui se passera en juin, bien après Dunkerque). Donc qu'est-ce qui permet de croire que ce message a été derrière tout ça ?

b - Comment Hitler sait-il que les Alliés sont en possession de son message ? Comment sait-il que le message a été pris en considération ?

c - Pourquoi, si Hitler décide d'envoyer un signe, envoie-t-il ce signe-là ? Puisque le message désigne Calais, pourquoi ne met-il pas en réserve la panzer qui est en train d'attaquer la ville ? Ce serait une allusion claire à ce message et n'aurait que des conséquences militaires minimes. Pourquoi donc, après avoir mentioné Calais, sauve-t-il Dunkerque et pas Calais ?

d - En admettant qu'il s'agisse d'un signal diplomatique, qu'est-ce qui fait croire à Hitler que le signal sera reçu ? Comme je l'ai montré, les Alliés ne remarquent aucune trève: leurs forces sont attaquées de tous les côtés, y compris avec des chars. En pratique, nous savons qu'il pourrait y avoir encore plus de chars, mais les Alliés ne le savent pas sur le moment. En particulier, à leur connaissance les Allemands cherchent à percer le long de la route Calais - Dunkerque avec des blindés, tout l'opposé d'une trêve !

e - Comment expliquer les pauses précédentes: l'ordre d'arrêt du 17 mai par Hitler, la pause du 21/22 mai, et l'ordre de "recoller" du 23 ? Est-ce que ce sont aussi des manoeuvres diplomatiques ? Les deux dernières il va falloir bien les expliquer vu qu'elles sont ordonnées par von Rundstedt. Comment Hitler sait-t-il que les Alliés vont repérer ces pauses, et surtout les reconnaître pour ce qu'elles sont ? Si les premiers ordres d'arrêt sont militaires, pourquoi espère-t-il que le dernier sera compris comme étant quelque chose de différent ?

f - Qu'est-ce qui décide Hitler à arrêter les frais le 26 ? Comment sait-il qu'un délai suffisant s'est écoulé (48 heures) ? Comment sait-il, le 24 quand il donne l'ordre, que von Rundstedt voudra reprendre l'avance le 26 et pas le 25 ou le 27 ? Après tout, il a laissé ce même Rundstedt maître de la décision...

Ce sont tous ces points qui ne sont pas logiques du tout, qui ne sont pas expliqués et qui me posent problème dans cette thèse. Les explications militaires ont l'avantage d'être plus cohérentes, en tout cas pour ce que j'en sais. Je pourrais changer d'avis, évidemment, mais pour l'instant le dossier diplomatique me semble ne pas faire le poids.

Citation:
Je ne pense pas que Weygand ait eu l'espoir, à un moment quelconque, de redresser la situation;


N'ayant pas mon diplôme de Vaudouisme, je ne me risquerai pas à la nécro-télépathie, sport dangereux... Ce que je sais, c'est que quand Weygand prend le commandement, la situation est très mauvaise, il s'en rend compte et il le dit.
Il dit même dès le 18 mai, avant d'entrer en fonction, que c'est perdu. Est-ce qu'il est sincère, ou bien est-ce qu'il conserve l'espoir de sauver la situation malgré tout et qu'il ne donne ce pronostic que pour se couvrir en cas d'échec et se faire valoir en cas de succès ? Personnellement je pense pour la seconde hypothèse (contrairement à Gamelin, c'est un battant), mais cf. plus haut sur les limites de mes facultés télépathiques.

Ce qui est important, c'est ce qu'il fait. Et ça, c'est bien documenté. Il cherche à sauver la situation. Il annonce un plan, il va sur le terrain se rendre compte de l'état des choses, il donne des ordres. Le plan va échouer, mais jusque là les politiques peuvent espérer qu'on refasse la Marne.

A partir du 25 mai, Weygand sait que c'est fichu. C'est là qu'il met le gouvernement le dos au mur, en préparant une dernière bataille dans laquelle il jouera son va tout. Cette stratégie veut dire qu'on mise tout sur la bataille d'arrêt et donc que si elle est perdue (ce qui est plus que probable) la guerre sera perdue pour le pays. Weygand, ce faisant, élimine sciemment toutes les options du style réduit breton ou résistance en AFN. C'est là qu'il met "l'honneur de l'armée" au-dessus d'une prolongation de la résistance. Mais jusqu'au 26, les deux objectifs sont complémentaires.

Citation:
Lui-même dira plus tard que dans le haut commandement il n'a trouvé que Doumenc qui ne désespérât pas et les notes journalières de ce général le confirment d'abondance, outre son mémoire sur les combats rédigé dans l'été.


Le haut-commandement est démoralisé, les commandements subalternes le sont parfois (Blanchard) ou parfois pas (Prioux).

Citation:
C'est qu'il est aux prises avec ses pacifistes et dans un premier temps le plus dangereux n'est pas Halifax ni Chamberlain, mais Gort : dès le 19, le général commandant la BEF commet un rapport disant c'est simple, soit les Français contre-attaquent, soit nous rembarquons et Churchill, au prix, excusez du peu, du changement du général en chef, Ironside, donne des ordres de contre-attaque que la grande majorité de ses officiers trouvent absurdes.


Gort dès le 18 et avec l'autorisation de Churchill prend des mesures préliminaires pour embarquer: évacuation des "bouches inutiles" (troupes non combattantes), rassemblement d'embarcations, etc. Ces mesures sont prophylactiques: si la contre-attaque réussit, on pourra toujours se maintenir à Dunkerque, si elle rate alors elles auront fait gagner un temps précieux pour l'évacuation.

Le mandat de Gort est de sauver la BEF, Churchill ne le remet pas en cause et il n'ordonne les contre-attaques que dans la mesure où ces ordres - dont il comprend bien qu'ils sont désespérés - ne risquent pas la perte de l'armée britannique. Dès que Gort, le 26, décide que les ordres de contre-attaque de Weygand (qui sont maintenus !) font courir un risque de capture à la BEF, il ordonne le repli et Churchill le couvre.

Churchill est donc plus sensible au soutien de l'allié français, d'une part à cause de ses sympathies personnelles, d'autre part et surtout parce que c'est son rôle. Les commandants subalternes comme Dowding et Gort ont une tâche plus étroite: défendre la Grande-Bretagne, et s'occuper de la BEF respectivement. Ces derniers sont donc beaucoup moins chauds pour aider les Français.

Mais ça ne fait pas d'eux des pacifistes ! C'est juste que ce n'est pas leur boulot d'aider la France, le leur c'est de se battre et de sauvegarder les moyens de se battre. C'est pour ça que Dowding refuse de trop dégarnir le Fighter Command, c'est pour ça que Gort replie la BEF. Mais sur le fond il n'y a pas opposition avec Churchill: ce dernier est d'accord qu'on ne peut pas risquer l'existence de la BEF ou du Fighter Command pour les Français.

Citation:
C'est là que la politique intervient : embarquer le 19, c'est donner raison à la propagande hitlérienne suivant laquelle l'Angleterre a fait prendre tous les risques à la France et désormais l'abandonne dans la m..., à tel point que le peuple anglais lui-même risque de le croire, ce qui ne serait pas du meilleur effet pour obtenir la continuation de la guerre par l'Angleterre seule... que Churhcill a pourtant annoncée à Roosevelt, sans consulter personne, dès le 15 !


L'opinion publique britannique ne lit pas la presse française. Elle va faire comme tout le monde: attribuer la défaite aux autres. Les Français mettent leur défaite sur le dos de leurs alliés britanniques (Pétain et compagnie ajoutent la guerre), les Britanniques la mettent sur le compte de leurs alliés défaillants. L'histoire officielle reprend d'ailleurs cette trame, développée dès 1940: la BEF s'était déployée en Belgique et se comportait bien, elle a été obligée de se replier parce que les Français n'avaient pas tenu à droite, puis de se replier à nouveau à Dunkerque parce que les Belges avaient fait défaillance, pour au final devoir rembarquer.

Citation:
Ah non, pas du tout. En agressant la Pologne il sait parfaitement qu'on va la lui déclarer (cf. ci-dessus, discussion sur le dossier "Hitler")... et il n'a tout de même pas un besoin de Pologne si pressant qu'il ne puisse remettre l'affaire si elle ne lui semble pas mûre.


Il ne veut pas reculer, il veut une guerre, et il veut la Pologne (dans cet ordre), même au prix d'une guerre contre les Alliés dont il pense qu'ils finiront par se dégonfler de toutes façons. Cf. son discours d'octobre.

Citation:
Cela dit, je ne pense pas que l'annulation de l'attaque prévue à la mi-novembre soit due à la météo. A mon avis (conforté par tout son comportement), Hitler voulait bel et bien attaquer au printemps et ses ordres prématurés avaient pour fonction, et de tenir les troupes sur le pied de guerre, et de tester les réacitons des officiers.


En quoi consiste "tout son comportement" ?

Pourquoi Hitler ne cherche-t-il plus à tenir les troupes sur le pied de guerre quand l'invasion est reportée à une date indéterminée début février ?


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MessagePosté: Mar Jan 09, 2007 4:54 pm 
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C'est votre tour de négliger beaucoup de mes remarques.

J'y ajouterai celle-ci : avant Costello, la conception militaire de l'ordre d'arrêt régnait sans partage, et sans mérite, car elle prenait pour repoussoir une conception diplomatique inepte, que son initiateur, Liddel Hart, ne présentait lui-même que comme une cause parmi bien d'autres : Hitler aurait voulu favoriser l'embarquement britannnique ou, plus généralement, "préserver les possibilités d'une entente avec la Grande-Bretagne".
Personne alors ne tenait compte de cette remarque faite par Jodl à Nuremberg : Hitler voulait "signer la paix sur le sable de Dunkerque". LA PAIX, et pas des armistices ou des traités séparés dans le temps avec la France et l'Angleterre, et plus durs envers celle-là qu'envers celle-ci.

Le livre de Vanwelkenhuyzen Miracle à Dunkerque vous a fait, dites-vous, bonne impression. Or maintenant que vous connaissez un peu mieux mon point de vue, vous devriez reconnaître qu'il travestit la vérité sur ce point, qui n'est pas mince. Il nous inscrit, Costello et moi-même, dans une tradition initiée par Liddel Hart alors que nous rompons radicalement avec lui, en parlant d'une paix immédiate entre tous les belligérants.

D'une façon plus générale, vous me prêtez plus de science que je n'en ai, et voudriez, avant de renoncer à l'explication militaire, une théorie tout armée de l'explication diplomatique, détaillant au jour le jour les calculs hitlériens avec un grand luxe de preuves. Mais mon souci premier est de faire remarquer que nous ne savons pas grand chose et, si j'y parvenais, je mourrais content en laissant le reste à mes successeurs !

Ainsi, sur la date de l'offensive allemande, je constate que rien n'est prêt en novembre, alors que tout est réglé au quart de poil en mai : j'en conclus, connaissant mon Hitler et son horreur de l'improvisation, que l'ordre de novembre était destiné à être rapporté et que la météo a bon dos. Mais je ne prétends pas expliquer au jour le jour chaque report, seulement montrer que les auteurs qui parlent de la météo comme d'une cause sont bien naïfs.

Tout de même, sur le point que vous soulevez il y a une explication assez probable : le report sine die de janvier survient après la transmisison accidentelle des plans à l'enemi, lors de l'incident de Mechelen; il faut donc refaire tous les plans, et cela explique qu'il n'y ait pas de nouvelle échéance (un accident bizarre et bien dans le style des manigances hitlériennes mais sur ce point, contrairement au Haltbefehl, Vanwelkenhuyzen a mouillé la chemise, produit l'expertise du moteur et montré que la panne était véritable).


Citation:
Le 21 au soir, Guderian est arrêté pour 24 heures par son groupe d'armées, c'est l'effet de la panique créée par l'attaque d'Arras. Lui-même sait très bien ce qu'il veut faire: envoyer une division sur Boulogne, une autre sur Calais et la troisième sur Dunkerque.


Pas du tout ! Vous attribuez à Guderian une autonomie qu'il n'a pas. Il attend bel et bien des ordres, et n'a aucune idée de ce qu'ils vont être ni aucune préférence quant à ce qu'ils devraient être. Pas le temps de relire Frieser et de voir si c'est lui qui relie cette pause à une "panique d'Arras", et prête à Guderian ces désirs, mais quoi qu'il en soit c'est du roman.


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MessagePosté: Mar Jan 09, 2007 9:22 pm 
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Pardonnez cette intrusion dans un échange fort passionant, mais je souhaite juste poser une question concernant une remarque de François:

Citation:
Si Hitler pense, il ne se lance pas dans une guerre mondiale sans calculer comment il pourrait en sortir. Il a donc prévu une guerre à l'ouest très limitée, et dans le temps, et dans le terrain parcouru, puisqu'il veut le céder aussitôt en échange de la paix. Il donne donc le mode d'emploi à Dahlerus, via Göring, le 6 mai : quand je serai à Calais (= le 23), signez vite sinon adieu les "conditions généreuses".


Cette remarque peut être comprise comme suggérant que lorsque Hitler déclenche le conflit, il a non seulement l'idée d'une guerre courte à l'Ouest, mais a aussi une idée de la façon dont il compte obtenir cette victoire rapide. La genèse de ce qui sera, dans l'esprit de Hitler, le plan de percée dans les Ardennes suivie d'une exploitation vers le Nord, commence-t-elle déjà avant le 1er septembre ?


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MessagePosté: Mer Jan 10, 2007 2:49 pm 
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Quel chantier !

Je ne m'étais même pas, moi-même, posé la question mais c'est vrai qu'elle se pose. Ce qu'on peut dire en l'état actuel des sources, c'est qu'il participe dès le début à la genèse du plan que beaucoup attribueront tout entier à Manstein, puisque dès la fin d'octobre il envisage une attaque dans la région de Sedan.


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MessagePosté: Mer Jan 10, 2007 5:07 pm 
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Citation:
C'est votre tour de négliger beaucoup de mes remarques.


Ah, toutes mes excuses.
Mais même en relisant, je me repose les mêmes questions.

Citation:
J'y ajouterai celle-ci : avant Costello, la conception militaire de l'ordre d'arrêt régnait sans partage, et sans mérite, car elle prenait pour repoussoir une conception diplomatique inepte, que son initiateur, Liddel Hart, ne présentait lui-même que comme une cause parmi bien d'autres : Hitler aurait voulu favoriser l'embarquement britannnique ou, plus généralement, "préserver les possibilités d'une entente avec la Grande-Bretagne".
Personne alors ne tenait compte de cette remarque faite par Jodl à Nuremberg : Hitler voulait "signer la paix sur le sable de Dunkerque". LA PAIX, et pas des armistices ou des traités séparés dans le temps avec la France et l'Angleterre, et plus durs envers celle-là qu'envers celle-ci.


Je crois que là où nous ne sommes pas d'accord c'est sur la méthode. En ce qui me concerne, je ne pars pas a priori d'une conception, qu'elle soit diplomatique, militaire ou psychologique. Je pars des faits, et je cherche des explications.

En ce qui concerne Dunkerque, j'ai une explication qui répond à peu près à mes questions sans que j'arrive à la prendre en défaut. Ce qui ne fait pas nécessairement de moi l'adepte d'une conception donnée: je serais tout à fait disposé à changer d'avis si une explication équivalente ou supérieure se présentait.

Pour l'instant, toujours en ce qui me concerne, ce n'est pas le cas. La thèse selon laquelle Hitler soutient von Rundstedt dans l'ordre d'arrêt afin de donner une chance à la paix soulève un certain nombre de questions (cf. mon message précédent) auxquelles je ne peux répondre et pour lesquelles je n'ai encore jamais lu de réponse.

Mais ce n'est effectivement pas une preuve, ça ne prétend pas en être une, et je ne cherche à convaincre personne. En revanche je ne suis pas moi-même convaincu parce que, une fois de plus, je vois peu d'indices allant dans ce sens à part essentiellement des postulats sur ce que voulait vraiment Hitler.

Citation:
Le livre de Vanwelkenhuyzen Miracle à Dunkerque vous a fait, dites-vous, bonne impression. Or maintenant que vous connaissez un peu mieux mon point de vue, vous devriez reconnaître qu'il travestit la vérité sur ce point, qui n'est pas mince. Il nous inscrit, Costello et moi-même, dans une tradition initiée par Liddel Hart alors que nous rompons radicalement avec lui, en parlant d'une paix immédiate entre tous les belligérants.


Il m'a fait bonne impression pour son traitement du sujet, je ne l'ai pas lu pour y trouver une confirmation d'une thèse ou une réfutation d'une autre. N'ayant pas relu le livre, je ne peux ni convenir ni disconvenir qu'il travestit la vérité sur la différence entre les versions Costello et Delpla et la version Liddel Hart: tout simplement parce que ce n'est pas cet aspect des choses qui m'intéressait à l'époque, et donc je suis incapable de me souvenir de s'il fait ou non un faux procès à des auteurs dont je ne connaissais pas les thèses à ce moment là (je parle de Costello et de vous).

Citation:
D'une façon plus générale, vous me prêtez plus de science que je n'en ai, et voudriez, avant de renoncer à l'explication militaire, une théorie tout armée de l'explication diplomatique, détaillant au jour le jour les calculs hitlériens avec un grand luxe de preuves.


Je n'en demande pas tant !

Tout ce que je remarque c'est que j'ai une explication qui est plus cohérente que l'autre.

La critique de l'explication militaire, c'est: "mais pourquoi Hitler (le 17 et le 24) et von Rundstedt (le 21 et le 23) prennent-ils des mesures contre une menace fantôme ?"

La réponse c'est d'une part que militairement ça a du sens de vouloir "assurer" le succès déjà remporté au lieu de risquer de le laisser échapper en voulant trop en faire (cf. la Marne), d'autre part et surtout que même si les reconnaissances aériennes n'ont rien détecté de menaçant, ils s'attendent une contre-attaque parce que c'est ce qu'ils feraient.
Cette attitude pourrait sembler invraisemblable de la part de gens rationnels et intelligents, s'il n'y avait pas une myriade d'exemples illustrant combien elle est répandue. Voir par exemple le plan de Gamelin qui viole bien des principes enseignés à l'école, et pourtant...

En revanche, l'explication diplomatique se heurte à beaucoup de questions, à commencer par "pourquoi ?". L'avantage de l'explication "militaire", c'est que si on part du principe que les journaux de marche sont à peu près exacts alors les mouvements ordonnés sont une réponse logique à l'intention exprimée (empêcher une contre-attaque alliée). En revanche, la réponse logique à l'intention déclarée pour Hitler, à savoir envoyer un signal aux Alliés, ne serait pas l'ordre qui est historiquement donné.

D'où mon problème. Pour prendre une comparaison dont je vais admettre d'entrée de jeu qu'elle est outrancière, je ne sais pas si des petits hommes verts sont venus visiter la Terre, je ne prétends pas être sûr qu'ils ne l'ont pas visitée, en revanche avant de croire à une histoire genre Roswell j'attendrai que cette histoire soit suffisamment vraisemblable. Sinon, si je me mets à croire à tout ce dont je ne peux pas prouver que c'est faux, je vais me ruiner en marabouts et autres astrologues ! :)

Citation:
Ainsi, sur la date de l'offensive allemande, je constate que rien n'est prêt en novembre, alors que tout est réglé au quart de poil en mai : j'en conclus, connaissant mon Hitler et son horreur de l'improvisation, que l'ordre de novembre était destiné à être rapporté et que la météo a bon dos.


Je ne prétend pas connaître mon Hitler sur le bout des doigts, mais il me vient à l'esprit un certain nombre d'exemples où il a passé outre à ses généraux qui se plaignaient de ne pas être prêts plutôt que de laisser passer ce qu'il estimait être le moment propice.

L'invasion de la Tchécoslovaquie aurait été improvisée, le report de l'invasion de la Pologne le 26 août a été improvisé, l'attaque de la Yougoslavie et de la Grèce a été improvisée, la poursuite de la 8e Armée par Rommel en 1942 a été improvisée (le plan était de s'arrêter après Tobrouk et de prendre Malte), Mortain, les Ardennes et l'offensive de l'Alsace ont été lancées "maintenant ou jamais" avant que les forces ne soient prêtes, etc.

Par ailleurs, la météo a été effectivement exécrable cet hiver là, absolument tous les témoignages, dans les deux camps, en attestent.

Citation:
Tout de même, sur le point que vous soulevez il y a une explication assez probable : le report sine die de janvier survient après la transmisison accidentelle des plans à l'enemi, lors de l'incident de Mechelen; il faut donc refaire tous les plans, et cela explique qu'il n'y ait pas de nouvelle échéance (un accident bizarre et bien dans le style des manigances hitlériennes mais sur ce point, contrairement au Haltbefehl, Vanwelkenhuyzen a mouillé la chemise, produit l'expertise du moteur et montré que la panne était véritable).


Cette explication - avec laquelle j'adhère - contredit la précédente selon laquelle Hitler avait eu dès le départ l'intention de n'attaquer qu'au printemps mais voulait empêcher son armée de s'endormir.
Si Hitler avait eu l'intention de n'attaquer qu'en mai et d'enchaîner alerte sur alerte en attendant, rien ne l'empêchait de continuer ce petit jeu après janvier. La capture des plans n'aurait été qu'un épiphénomène puisque de toutes façons il ne comptait pas s'en servir ! Donc il pouvait très bien fixer des dates rapprochées tout en ordonnant à l'OKH de plancher sur un meilleur plan.

La thèse selon laquelle Hitler avait dès le départ l'intention de n'attaquer qu'en mai 40 (mettons "au printemps", j'ai bien compris que pour vous il n'avait pas décidé de la date du 10 mai des mois à l'avance) se heurte donc à ce problème: pourquoi a-t-il arrêté de faire semblant ?

En revanche, si on part du principe qu'il voulait attaquer dès que possible, et que l'attaque était sans arrêt reportée parce que l'armée n'était pas prête (ou la météo trop mauvaise, ce qui revient au même: ce n'était pas le seul problème en novembre 39), alors il est normal qu'un problème majeur comme la capture des plans l'ait forcé à admettre un vrai délai le temps de revoir tout le dispositif.

Citation:
Le 21 au soir, Guderian est arrêté pour 24 heures par son groupe d'armées, c'est l'effet de la panique créée par l'attaque d'Arras. Lui-même sait très bien ce qu'il veut faire: envoyer une division sur Boulogne, une autre sur Calais et la troisième sur Dunkerque.


Citation:
Pas du tout ! Vous attribuez à Guderian une autonomie qu'il n'a pas. Il attend bel et bien des ordres, et n'a aucune idée de ce qu'ils vont être ni aucune préférence quant à ce qu'ils devraient être. Pas le temps de relire Frieser et de voir si c'est lui qui relie cette pause à une "panique d'Arras", et prête à Guderian ces désirs, mais quoi qu'il en soit c'est du roman.


Frieser est retourné rejoindre les mémoires de Guderian et autres bouquins sur la période sur une étagère encombrée, mais ce qu'il dit c'est que Guderian avait donné des ordres en ce sens. La 10e PzD ayant été mise en réserve contre sa volonté, il ne l'a pas envoyée sur Dunkerque comme il l'avait initialement prévu.

Autant je suis prêt à critiquer Frieser quand il s'aventure hors de son domaine et se risque à de la haute stratégie, ou bien quand il enjolive son récit pour mieux faire ressortir la gloire de son armée, autant je lui fais confiance pour avoir fait un travail solide sur qui avait donné quel ordre à quel moment. Ce d'autant plus que ça correspondait à mes souvenirs d'autres ouvrages (j'ai lu pas mal de choses sur la période).

Donc avant d'accepter un olympien "quoi qu'il en soit, c'est du roman" je cherche le début du commencement d'un indice que c'en est un et je réponds "faites-en donc voir un peu la couleur !" :wink: faute de quoi on peut toujours affirmer n'importe quoi.


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MessagePosté: Mer Jan 10, 2007 8:23 pm 
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Pour l'instant je ne suis allé chercher que Guderian sur l'étagère et voici ce que cela donne :

Le soir de ce remarquable jour [le 20 mai], nous ne savions pas dans quelle direction notre avance devrait continuer; et le groupe blindé von Kleist n'avait pas davantage reçu d'instructions à cet égard. C'est ainsi que le 21 mai fut perdu à attendre des ordres. (...)
Le 21 mai, je reçus l'ordre de poursuivre l'avance vers le nord avec la capture des ports de la Manche pour objectif. J'envoyai la 10ème PD vers Dunkerque via Hesdin et Saint-Omer, la 1ère vers Calais et la 2ème vers Boulogne. Mais je dus renoncer à ce plan car la 10ème me fut retirée, par un ordre du groupe blindé daté du 22 à 6h, pour être versée en réserve de groupe. Ainsi il ne me restait plus que la 1ère et la 2ème Panzerdivision. En vain je demandai à être autorisé à conserver mes trois divisions pour prendre tous les ports rapidement, cela me fut refusé.


(édition anglaise, p. 113-114)

Il parle ensuite de la contre-attaque anglaise d'Arras en disant qu'elle avait surpris une division novice et créé de la "nervosité" à la direction du groupe Kleist, mais que les unités subordonnées "n'en furent pas infectées".

Il n'y a rien là qui permette de relier le retrait de la 10e PD à une "panique d'Arras" quelconque, ni de dire que Guderian avait ou aurait de lui-même choisi de tourner à droite plutôt qu'à gauche après son arrivée à la côte.

Vos formulations précédentes à ces divers égards sont donc, je le maintiens, très romancées. De votre fait ou de celui de Frieser ? Voilà qui reste à examiner.


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