Je reproduis ci-après la prose, sur mon analyse du Haltbefehl, de ce personnage qui signe "Le Lecteur" sur certains espaces et "WiFDaniel" sur d'autres :
http://www.mapiledelivres.org/dotclear/ ... -amateur...
(en
gras souligné, un florilège non exhaustif de déformations)
Citation:
François Delpla est un historien amateur qui a une idée originale concernant "l’ordre d’arrêt" pendant la campagne de France. Vous savez, cette singulière décision prise par Hitler, le 24 Mai 1940, de cesser de progresser, alors que les allemands ont atteint la mer depuis le 20 Mai, que les troupes alliées sont encerclées et en déroute, et qu’une partie des militaires propose de capturer immédiatement les derniers ports sur la Manche. Cet acte, par lequel les allemands donnent quelques jours de répit permettant aux soldats anglais de rembarquer (sans leur matériel, il est vrai), est discuté presque depuis le début de l’historiographie de la campagne. François Delpla a là-dessus une thèse: le geste d’Hitler était diplomatique, afin de permettre aux anglais de faire la paix. On reconnait là une des toutes premières idées avancées pour expliquer "l’ordre d’arrêt". En détail, l’argumentaire de Delpla se résume en:
1. En Avril ou en Mai 1940, les allemands ont approché, via les suédois, les français et les anglais pour leur proposer des conditions de paix. Et il ne s’agissait pas là d’une tentative d’intoxication mais d’une offre sérieuse.
2. Chez les anglais, un parti de la paix existait, personnifié par le ministre des affaires étrangères, Halifax. Halifax fut informé de l’offre de paix allemande, et la prit suffisamment au sérieux pour la discuter en Cabinet contre Churchill. (Des discussions animées eurent en effet lieu au plus haut du gouvernement anglais; on se rappellera que Churchill était Premier Ministre depuis le 10 Mai 1940 seulement et que Halifax avait justement refusé de prendre le poste).
3. Hitler, subodorant que le cabinet anglais était instable, ordonna l’arrêt des panzers comme acte de bonne volonté vers le "parti anglais de la paix".
La décision n’était donc ni militaire ("perception erronée de la situation sur le terrain"), ni de politique interne ("affirmer son autorité sur l’armée"), mais diplomatique ("convaincre les anglais de tout arrêter").
François Delpla répugne à être si synthétique, et encore plus à écrire clairement les hypothèses sous-tendant sa thèse:
Sur le point 1 - l’offre de paix via les suédois - le seul élément factuel est tiré d’une unique note dénichée au Quai d’Orsay. La note ne semble pas datée, et il n’est pas clair qui exactement l’a écrite ni qui l’a lue. Elle évoque des interlocuteurs suédois mais on ne sait pas bien lesquels. Surtout, son contenu, quand on prend la peine de le lire[1] n’a rien de crédible en général, et consiste en des conditions de paix si bénignes qu’elles n’ont rien de pertinent quand les allemands sont sur la Manche.
En dehors de cette note, il n’y a mention, même vague, d’une offre de paix, dans aucun document d’archives, dans aucun mémoires d’après guerre, dans aucun témoignage. En effet, pour Delpla, il y aurait eu "nettoyage systématique" de toutes les archives, et silence spontané de tous les témoins jusqu’à leur mort.
Sur le point 2, d’autres ont montré qu’Halifax se pose des questions, mais, même chez Delpla, rien n’indique qu’il ait été touché par une quelconque offre de paix des allemands.
Enfin, sur le point 3, à savoir qu’Hitler est informé de la fragilité du gouvernement anglais, ou la "devine", et qu’il agit en fonction, il n’y a pas non plus de document ni de témoignage.
Poser ces points suffit à montrer à la fois l’originalité et les limites de la thèse de Delpla; il n’est nulle besoin d’un commentaire approfondi pour voir la faiblesse de l’argumentation et le numéro d’équilibriste des conclusions.
Voilà qui, je crois, est utile pour montrer que tous ensemble nous avançons, mais oui ! Car on éprouve d'une part le besoin de répondre à la thèse diplomatique, de l'autre celui de la caricaturer pour faire survivre, en le précisant ou non (ici : non), les explications militaires, en un véritable acharnement thérapeutique.
Les destructions ou dissimulations d'archives ne sont certes pas une preuve de quoi que ce soit, en soi ! Mais si on peut repérer leur logique, il y a des informations à en tirer. Et d'ailleurs, ce Danielll (comme "Daniel le lecteur", pour le distinguer d'un autre) prolonge de façon à la fois comique et significative le travail des censeurs maladroits de Londres, Paris et Stockholm, en prétendant que le document miraculé des archives Reynaud (une note du 20 mai, non signée mais très probablement de Robert Coulondre, préalable à la visite, le même jour, de Nordling à Reynaud) est le seul à parler des propositions de paix transmises à Göring par Dahlerus (le 6 mai et certes pas en avril). Il y a aussi les mémoires de Nordling, et le témoignage publié par Benoist-Méchin en 1956, et avalisé à sa façon par Reynaud en 1963 (même si ce texte se réclame d'un contact direct et postérieur de Nordling avec Göring; Dahlerus n'y est pas mais les conditions "généreuses", si).
Une chose est vraie dans la prose de Danielll : il n'y a pas de document prouvant que Hitler spécule sur une crise du cabinet de Londres, ou, encore moins, qu'il en soit informé. Mais jamais je ne l'affirme ! Ce que je dis, c'est qu'il n'y voit pas clair, et donne un peu de temps au temps pour que l'Angleterre, comme la France, fassent leurs comptes, statuent sur l'offre de paix allemande et montrent, dans leur volonté de poursuivre le combat, une brèche dans laquelle il pourrait s'engouffrer.
Quant à Halifax, sur lequel j'ai quelque peu affiné ma vision dans le récent
Mers el-Kébir, il n'anime pas un "parti de la paix" ou du moins ses connexions, en dehors de son ministère, dans la classe dirigeante anglaise restent opaques (même s'il y a des indices d'une collusion avec le chef des armées, Ironside, débarqué par Churchill le soir du 25). Mais il est faux de supposer qu'il n'a aucune idée des conditions allemandes du 6 : il a eu un contact avec Dahlerus au sujet de sa conversation avec Göring, comme le prouve la discussion de cabinet du 23... mention unique, à ma connaissance, de Dahlerus dans toutes les archives londoniennes pour tout le mois de mai 40, ce qui prouve qu'il était l'une des taches (sans accent !) prioritaires du nettoyage avoué ("Une partie de la correspondance avec la Suède en 1939 et 1940 a été détruite en 1940 en raison de la menace d'une invasion étrangère" : guide imprimé des archives publiques anglaises relatives à la SGM, 1970).
Donc : Halifax a eu un contact avec Dahlerus après le 6 mai, et au sujet de la conversation de ce jour; en tant que vecteur professionnel, depuis l'éclatement de la guerre, des tentatives de rapprocher l'Allemagne et l'Angleterre, on a toutes raisons de penser, et que Göring utilise Dahlerus comme intermédiaire non seulement avec Paris (via Nordling) mais avec Londres, et qu'il s'acquitte de son rôle.
Enfin, la plus grosse énormité de Danielll, dont on trouve des traces actuellement sous d'autres plumes dans d'autres forums, consiste à écrire que les succès militaires allemands, entre le 10 et le 24 mai, auraient rendu caduque l'offre de paix, l'Allemagne devant nécessairement demander, devant un tel triomphe, des dividendes plus élevés.
Ici on en arrive au coeur du débat :
-soit Hitler est un pur opportuniste qui navigue à vue et modifie la stratégie de fond du nazisme en fonction de la conjoncture;
-soit c'est un obsédé rivé au programme antisoviétique et pro-anglais que lui a dicté la Providence, et son triomphe sedanais ne lui donne que plus de raisons d'arrêter les frais à l'ouest au plus vite, en bradant ses gains.