Je pense avoir déjà répondu en partie lorsque j'ai exposé (sur divers forums ;[ florilège ici ->
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=305]) une idée qui m'est venue en explorant la vie affective de Hitler et en prenant conscience (mieux que je ne l'avais fait en 1999 dans la biographie) que son lien à la « Providence » était quasi charnel (il s'incarnait d'ailleurs dans des personnes remarquables, et connues par ailleurs, qui surgissaient sur ses pas comme des visitations à des moments charnières, telles Winifred Wagner, Leni Riefenstahl, Diana Mitford et Stephanie von Hohenlohe).
Ainsi donc, lorsque le projet d'une victoire rapide contre la France, conçu dès le temps de {Mein Kampf} et soigneusement poli entre 1933 et 1940, se matérialise, un imprévu trouble le scénario : la présence de Winston Churchill à la tête du gouvernement britannique et la capacité qu'il démontre de maintenir son pays dans la guerre malgré la perte brutale de l'allié français. Voyons donc tout d'abord ce que fait le chef politique et militaire de l'Allemagne, avant de nous demander pourquoi et de juger s'il erre.
Jusqu'au 3 juillet, il semble vouloir étaler sa puissance : préparation d'un défilé monstre à Berlin et d'un festival triomphal à Bayreuth, démonstration de la validité du pacte germano-soviétique (notamment en ne réagissant pas aux empiétements staliniens dans les Etats baltes et en Roumanie, ce qui laisse apparaître crûment qu'ils sont concertés avec l'Allemagne), appesantissement sur la France occupée d'un joug contraignant mais non écrasant, sondages discrets de diplomates britanniques en Suède et en Suisse, manipulation en Espagne du duc de Windsor, menace non formulée mais évidente d'un débarquement dans les îles Britanniques -non seulement par assaut direct mais peut-être aussi en commençant par l'Eire-, traités de commerce avec la moitié de la planète... Tout semble ici mis en oeuvre pour amener la bourgeoisie anglaise à faire ses comptes, et à tirer un trait sur l'éphémère expérience gouvernementale churchillienne. Voilà revenu, plus souriant que jamais, le diable tentateur des années 30, qui ne jurait que par la paix, pourvu qu'on lui accordât d'infimes concessions...
Si nous sautons au discours finalement prononcé le 19 juillet dans le cadre d'un défilé de la victoire désormais incongru, voilà qu'apparaît une menace, parfaitement nouvelle, de destruction de l'empire britannique, en même temps que, dans la coulisse, Hitler retourne en quelques étapes les esprits de ses généraux vers l'URSS (entre le 13 et le 31 juillet, selon le journal de Halder qui permet de suivre la manœuvre avec précision). Que s'est-il passé ?
Une seule chose d'importance : la canonnade de Mers el-Kébir. Elle montre un Churchill stabilisé, qui a cessé de défendre désespérément son fauteuil contre le clan Halifax, comme l'avait montré au grand jour la presse suédoise dès le 19 juin en résumant le télégramme de Prytz ([cf. ->http://www.delpla.org/article.php3?id_article=102]), un Churchill qui a trouvé un biais pour enrôler sous sa bannière les halifaxiens eux-mêmes. Un Churchill plus hostile que jamais au nazisme, et ressenti comme tel par le fondateur de la secte, puisqu'il fait couler le sang aryen (qui circule, malgré tout, dans les veines françaises) à l'heure où seul le slave et le juif doivent encore être répandus.
On continuera donc d'essayer de le faire tomber... mais on n'est pas sûr du tout d'y arriver et, en attendant, il faut bien agir. La Providence ne serait-elle pas ici encore à l'œuvre ? Elle qui a tant favorisé les entreprises nazies, n'est-elle pas en train de les stimuler plus encore ? Car enfin, ce jeu pacifiste qu'on eût bien été obligé de reprendre en cas d'assagissement franco-britannique fin mai ou fin juin 40, aurait contrarié le programme : pas de prétexte, donc pas de Barbarossa un an plus tard, pas de génocide sinon en Pologne, par des épidémies dans les ghettos affamés (j'ai rompu à ce sujet des lances avec un contradicteur forumique : il s'est accroché désespérément à l'idée que Barbarossa aurait eu lieu à la même date, avant de battre en retraite devant la volatilisation de sa preuve principale, [cf.->
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=305])... Grâce à Churchill, le remodelage biologique de l'humanité, et le rééquilibrage des puissances au profit d'une Allemagne reconnue maîtresse de l'Europe, peuvent connaître une accélération fantastique -et de toute manière il n'y a pas d'autre solution.
Alors, erreur ou pas ? Le taureau fonce-t-il bêtement sur la cape agitée par le matador du côté d'Oran ? Au lieu d'en profiter pour pousser la France vichyste, avec lenteur et mesure, vers un discours anti-anglais et d'y favoriser de timides simulacres d'imitation des institutions allemandes (de l'assemblée vichyssoise du 10 juillet au statut des Juifs du 18 octobre), ne serait-ce pas le moment d'une paix « généreuse » avec Pétain, laissant la France à ses errements démocratiques et propre à rassurer la City comme à mettre Churchill en porte-à-faux ? Telle est votre thèse, si je l'ai bien comprise. Telle est la limite, selon vous, de mes analyses sur la maîtrise stragégique du Führer, auxquelles vous rendez néanmoins un hommage appréciable -et apprécié.
Pour vous répondre, il faut se placer dans la tête de Churchill... et dans celle de Hitler, lorsqu'il se met à la place de son rival. Il détient la France en otage, comme mon livre sur Mandel va le montrer mieux encore. Il peut tout obtenir d'elle en cas de guerre longue, y compris la flotte, y compris des colonies, puisque l'armistice lui donne des moyens de pression illimités. Se défaire de cet otage en signe de bonne volonté, n'est-ce pas lâcher la proie pour l'ombre ? L'Angleterre ferait ses comptes, certes, mais <b>avec Churchill à sa tête</b>. Un Churchill qui présenterait cette paix à sa façon, tant dans ses propres discours qu'en actionnant les leviers propagandistes détenus par son ami Duff Cooper. Il aurait le choix entre deux thématiques : la couardise et la sournoiserie.
Soit il présenterait le traité comme un fruit de la lâcheté. Ah il est beau, ce cancre qui a su profiter momentanément d'une somnolence des surveillants pour assommer la France mais qui désormais tremble devant le réveil britannique et la perspective d'une réélection de Roosevelt (lui-même réveillé, suggérerait-il avec le respect pour l'oncle Sam dont il ne devait jamais, dans l'histoire réelle, se départir) ! Bref, heureusement que je suis là, Chamberlain aurait encore tout bradé pour un plat de lentilles (là encore, suggestion, patte de velours, Chamberlain est encore le numéro deux du régime, et son cancer non diagnostiqué), mais moi je vais savoir lui faire rendre gorge, à cette Allemagne qui ne sait que faire de sa victoire locale.
La variante de la sournoiserie n'est pas incompatible, et serait sans doute dominante : la paix, et puis quoi encore ? Le gangster croit-il que nous n'avons rien appris depuis Munich ? Démobilise-t-il son armée de terre ? Alors c'est pour faire des bateaux et défier les Anglo-Saxons dans l'Atlantique, en tirant le profit maximum de la perte de puissance et de prestige de la France. Garde-t-il sa population sous les armes et ses blindés en état de vrombissement ? Alors c'est qu'il compte submerger l'Europe de l'est et, si dégoûtés que nous soyons par Staline, l'intérêt vital britannique n'est pas que Bakou et l'Ukraine tombent dans l'escarcelle de l'Allemagne. Et, qui plus est, de cette Allemagne-là, insociable et infréquentable, qui nous ferait ensuite toutes sortes de misères sur la route des Indes.
Accessoirement, Churchill pourrait jouer, comme il saura si bien le faire dans l'histoire réelle en novembre-décembre 1940, sur le fait que l'Italie est en guerre et qu'elle a bel et bien, elle, l'Angleterre dans son collimateur, et elle seule, puisque la paix immédiate germano-française présuppose qu'on n'a pas donné à l'ogre mussolinien, ni à son copain Franco, la moindre miette du Maghreb (sans quoi de Gaulle aurait un boulevard pour déclarer non avenu, non seulement l'armistice, mais le traité de paix lui-même, et s'installer prestement dans ledit Maghreb : au fait, vous m'aviez posé une première petite question là-dessus et voilà la réponse : les seules offres de paix connues -par miracle !- faites à la France sont exposées à Dahlerus par Göring le 6 mai;
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=377 elles ne mentionnent que vaguement les colonies, en disant que l’Allemagne en veut, sans précision aucune, ce qui ne présage ni d’un grand appétit ni d’une grande insistance). [passage corrigé le 8/9/08] .
Conclusion provisoire : Hitler jusqu'ici a joué à coup sûr ou presque, en connaissant et en maîtrisant les facteurs décisifs. Il savait que par des divisions blindées on pouvait surprendre une France perplexe et amener à la paix une Angleterre dirigée par Chamberlain (elle l'est toujours, il est bon de le rappeler, à l'heure du déclenchement de l'offensive du 10 mai et si une crise gouvernementale fait rage, induite par la foudre que Hitler a déployée en Norvège, le favori des bookmakers se nomme Halifax). Churchill, c'est l'inconnu (qui peut dans un premier temps sembler providentiel : la paix à l'Ouest, que Hitler attend du KO de Sedan, ne sera que plus durable et complète si elle marque la déroute du patron des bellicistes). Seulement voilà, il parvient à s'accrocher au pouvoir tout en maintenant l'état de guerre. Hitler ne cessera de déplorer, pendant le reste de sa carrière terrestre, que ses interlocuteurs anglais des années 30 (de Lloyd George à Windsor en passant par Lansbury, Rothermere, Halifax et Mosley... ou ses cousines Mitford) lui aient tous dit que Churchill était un homme fini. Son surgissement est l'incarnation de la sournoiserie juive. Un tel ennemi va-t-il céder la place, ou être irrésistiblement déstabilisé, devant un simple traité de paix avec la France ? Rien n'est moins sûr, vu de Berlin en juillet 1940.
Et de mon bureau, aujourd'hui.