Le Forum de François Delpla

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MessagePosté: Dim Juin 02, 2013 9:24 am 
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Résumé d'étape



Le 24 mai à 12h 30, alors que la seule ligne de défense organisée (celle de l'Aa) qui sépare les blindés allemands du Hgr A, fonçant depuis Sedan, de leurs camarades du Hgr B traversant la Belgique à pied par le nord, est en train de céder, donnant aux uns l'espoir et aux autres la crainte que le plus grand encerclement militaire de l'histoire soit bouclé dans la soirée ou le lendemain matin, Hitler douche brutalement les enthousiasmes allemands et rend une marge de manoeuvre à l'ennemi en restaurant lui-même la ligne de l'Aa, côté allemand. Les blindés, stoppés net, deviennent en effet, explique-t-il aux généraux Brauchitsch et Halder, "l'enclume" sur laquelle viendra taper, quand il pourra, le Hgr B brusquement rebaptisé "marteau".

Hitler se répand alors, auprès de divers généraux, en justifications d'ordre militaire : il voudrait économiser les blindés pour la suite, leur épargner un terrain gorgé d'eau, resserrer son dispositif par crainte d'une contre-attaque, épargner les villes flamandes, ne pas occuper trop de terrain au sol pour pouvoir multiplier les bombardements aériens... Göring, chef de l'aviation et fier d'en avoir fait une "arme nazie", s'étant mis en avant pour réclamer cette dernière solution, et Rundstedt, chef du Hgr A, s'étant porté volontaire pour sembler avoir réclamé une pause, Hitler (qui, surtout depuis 1929, avait pris l'habitude, pour cacher son jeu et la continuité de ses desseins, de se présenter comme tiraillé entre divers lieutenants) laissait dire qu'il avait été influencé soit par l'un, soit par l'autre, soit par les deux.

Parfaitement inaperçu des journalistes et historiens de la campagne jusqu'en 1946 (parce que les vainqueurs finaux de la guerre avaient intérêt à masquer, ou à ne pas voir, les heureux hasards ou les cadeaux de l'ennemi qui avaient favorisé leurs vaillants soldats; parce qu'inversement la propagande très encadrée des nazis insistait sur l'idée d'une irrésistible marche en avant), l'épisode n'a fait l'objet d'aucune étude historique digne de ce nom avant 1991. Personne ne s'y est vraiment attelé, notamment pour dégager, documents d'époque en main, laquelle ou lesquelles des explications hitlériennes pouvaient correspondre à un embryon de réalité, et dans quelle mesure Göring et Rundstedt avaient pu peser d'un poids quelconque. Toujours insérées dans des études plus générales, les considérations d'historiens sur le Haltbefehl ressemblaient absolument toutes à des colliers de perles, enfilant sans méthode et sur le même plan un nombre variable de justifications nazies et de bredouillages rundstedtiens.

A l'heure où j'écris, personne ne s'est risqué à une explication militaire claire et cohérente. Pas plus dans des livres ou des articles que sur les forums, lorsque le débat que j'essayais en vain de susciter depuis 1992 a brusquement démarré en juillet 2012, à la suite d'un court article de moi dans un magazine en ligne. On a vu cependant apparaître un autre type d'explication militaire... renouvelé, lui, non de confidences nazies, mais de la propagande alliée : il s'agit d'un véritable négationnisme, non de l'ordre d'arrêt lui-même, mais de son effet. Les blindés auraient déjà été arrêtés... par l'ennemi ! Il est vrai que la ligne de l'Aa résistait encore, du côté de Gravelines. Peut-être les Allemands étaient-ils de grands sportifs et des tâcherons méticuleux, qui considéraient qu'ils n'avaient pas le droit d'aller plus loin tant qu'ils n'avaient pas consciencieusement nettoyé un obstacle.

La seule explication qui soit, pour l'instant, claire, cohérente et corroborée par des documents est d'ordre politique. Elle s'inscrit, suivant une logique aussi élémentaire que couramment oubliée, dans le cadre des visées du nazisme. L'offensive du 10 mai 1940, préparée et lancée alors que Chamberlain gouverne à Londres depuis trois ans, en fonçant comme un taureau naïf dans tous les chiffons rouges du matador Hitler, vise en apparence à reprendre une partie contre la France et l'Angleterre commencée par Ludendorff en 1918, mais il n'en est rien. Il s'agit d'écraser au plus vite les meilleures divisions françaises attirées en Belgique, afin de dissuader l'Angleterre à tout jamais de compter sur la France pour assurer la sauvegarde de ses intérêts; ainsi devra-t-elle se résigner à un compromis de long terme avec l'Allemagne, enfin autorisée à dominer le continent européen et à s'y étendre, pourvu que ce soit vers l'est au détriment de pays slaves auxquels l'Angleterre ne s'est jamais beaucoup intéressée. Un appât non négligeable réside dans la révolution russe, soi-disant prolétarienne et marxiste, que les grands partis anglais détestent chacun à sa façon, et que Hitler se fait fort, depuis toujours, de liquider, même s'il a provisoirement pactisé avec Staline pour pouvoir se lancer vers l'ouest.

Un auteur anglais, Basil Liddell Hart, a fait dès 1949 quelques pas dans ce sens, timides, titubants et aussi peu soucieux de coller aux documents que les explications militaires susmentionnées, dont d'ailleurs ils partageait la plupart, achevant par là de créer plus de confusion qu'il n'apportait de lumière. La première véritable clarification est venue de John Costello en 1991. Il a découvert l'existence d'une offensive couplée des chars et des diplomates, montrant que Hitler avait pris soin d'avertir l'Angleterre, et accessoirement la France, que le triomphe qu'il préparait sur la Meuse était tout sauf une revanche de 1918 et qu'il avait l'intention de se retirer d'Europe occidentale en échange d'une portion très restreinte de territoire en Belgique et en France, et surtout de la paix. Ainsi avait-il fait savoir à Londres, par le truchement d'un messager habituel, le Suédois Dahlerus, instruit par Göring quatre jours avant l'offensive, qu'il ferait une offre de paix quand ses armes auraient pris Calais (qui allait être investi le 23 mai).

Ainsi, l'ordre d'arrêt s'explique d'abord et avant tout parce qu'aucun écho de cette démarche n'est encore parvenu à Berlin, tandis que le comportement des troupes anglaises sur le terrain est militairement aberrant : elles se laissent piéger, et bientôt encercler, en Belgique, sans la moindre velléité apparente d'éviter la capture par un embarquement. Hitler, qui n'a aucun moyen de savoir ce qui se trame au sein du cabinet de Londres, peut cependant supposer qu'une telle aberration y suscite des remous et que ses vieux partenaires Chamberlain et Halifax mènent la vie dure à Churchill, devenu par surprise premier ministre le 10 mai. Cependant, une telle situation l'empêche de renouveler et de présenter de façon plus officielle, comme il l'avait annoncé, son offre "généreuse", dont Churchill risquerait de s'emparer en clamant qu'elle cache force pièges. Il ne reste qu'à bloquer le mouvement d'encerclement, mais brièvement, sans dire pourquoi (sinon à Göring) et sans même en avertir les Anglais (ce qui aurait le même inconvénient que de claironner son offre "généreuse") : à eux de constater que l'encerclement n'est pas achevé, que la paix aurait l'avantage de sauver leur armée de terre d'une captivité certaine, et qu'il urge de mettre à profit ce sursis, en renversant Churchill et en consentant à une négociation avec le Reich.

Faute de quoi il faudra conclure que Churchill a trop la situation en main et se résigner à envahir la France; la contraindre à un armistice séparé créera de nouveau à Londres, un puissant effet de souffle contre les positions de Churchill car la paix, si elle reste "généreuse" (notamment par la renonciation allemande à la flotte française), semblera plus attractive encore. Et de fait, Churchill, qui a sauvé son fauteuil de justesse début juin en présentant l'évacuation de Dunkerque comme une grave défaite allemande, sera considérablement déstabilisé fin juin et ne s'en tirera que par le coup d'audace de Mers el-Kébir, contraignant Hitler à jouer sa dernière carte contre l'URSS.


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MessagePosté: Lun Juin 03, 2013 10:56 am 
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Mon résumé a déclenché une réaction intéressante http://www.39-45.org/viewtopic.php?f=17 ... 62#p444462 ...
clayroger a écrit:
François Delpla a écrit:
Ici même, à l'heure où j'écris, personne ne s'est risqué à une explication militaire claire et cohérente.

Il ne faut pas ici réagir épidermiquement à ce genre de provocation qui n'a d'autre but que la polémique.

Il suffira de traduire cette phrase de la manière suivante :

"De nombreuses explications sur les causes militaires du Haltbefehl on déjà été fournies plusieurs fois, mais je n'en ai comprise aucune".

Pour son auteur, tout ce qui a déjà été dit ici et ailleurs, avec beaucoup de précision "manque de clarté et de cohérence" ce qui est un point de vue personnel, c'est-à-dire une opinion.
Pour ma part, opinion contre opinion, je trouve que tout a déjà été dit de manière claire et cohérente, et cela depuis le début du fil.

M. Delpla a déjà exposé de très nombreuses lacunes en matière militaire, domaine qu'il méprise souverainement. La dernière et non la moindre étant qu'il confond les notions d'encerclement et de réduction de poche.
Il ne maîtrise pas plus les questions de commandement et de logistique opérationnelle ou encore les notions de communication tactique et son corollaire, la confusion, ainsi que les questions d'attrition et de valeur combative relative.

Bref, toutes connaissances basiques qui ne lui permettent pas d'appréhender correctement des événements comme le Haltbefehl, qui se produit, rappelons-le une dernière fois, en pleine bataille.
Voilà pourquoi ce fil est un dialogue de sourd, voué à l'échec, puisque de très nombreux intervenants compétents au plan militaire passent leur temps à apporter objection sur objection à quelqu'un qui ne comprend pas ce qu'on lui explique, faute d'intérêt pour ces questions et bases pour les appréhender.

C'est bien dommage pour un historien de la Seconde guerre mondiale, mais hélas caractéristique et général.

... qui appelle un défi très simple
François Delpla a écrit:
François Delpla a écrit:
Ici même, à l'heure où j'écris, personne ne s'est risqué à une explication militaire claire et cohérente.


Si j'ai tort il y a une façon simple de le prouver : répéter cette explication ou, plus simple encore, indiquer la page et l'heure de sa mise en ligne.

Je rappelle ma demande, qui pourrait émaner tout aussi bien d'un adepte exclusif de l'histoire militaire : il ne saurait s'agir de considérations sur ce qui était possible (en matière d'attrition des blindés, d'imprégnation clausewitzienne ou jominienne dans la tête des gradés allemands, etc.) mais de documents d'époque prouvant que ce sont bien ces facteurs qui, dans le cas d'espèce, ont joué.


C'est bizarre, j'ai dans l'idée que Clayroger va, comme d'habitude, se faire oublier quelque temps.


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MessagePosté: Mar Juin 04, 2013 6:04 am 
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Tiens, revoilà Alain Adam !
Il réagit à mon résumé d'étape sur le forum de BRH http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 395#p14395 :
alain adam a écrit:
Bonsoir François ,
Je me dois d'intervenir , car je pense être le seul a avoir essayer d’établir des documents d'époque sur le sujet .
Mais personne ne m'a suivi dans la démarche , ni vous , ni les ténors d'une opposition a vos thèses .
On dirait qu'il est plus simple de se contenter d'adopter les positions de X ou Y , ou dans votre cas , de rester sur vos positions .
Pour moi , analyser l'histoire ce n'est pas ça , mais bien apporter des documents qui ont volontairement ou non été occultés par certains historiens , ou acteurs de l'histoire , et certainement pas se convaincre d'une hypothèse quelconque , au point de faire la même erreur . C'est avec les faits que l'on peut se faire une idée réelle ,et il me semble stupide de passer du coq a l’âne sans avoir tout analysé , et je crois que c'est ce qui vous est reproché .
Bref , pour moi l’hypothèse militaire garde du sens , mais ne se suffit pas en elle-même .
Désormais , je peux certifier que les réserves de guerre allemandes permettaient une attaque en profondeur , durable , mais je ne peux pas certifier qu'un canal logistique d'une ou deux routes sur 250/300 Km puisse alimenter correctement dix panzer divisions . Donc l'attrition naturelle était bien réelle a mon sens , et c'est un facteur que n'importe quel état major ne peut pas négliger . Je pense qu'au delà d'un facteur "bassement militaire" , il y a un facteur logistique que vous avez largement méprisé . J'ai quelques rapports de PzD , en terme de munitions , par exemple , qui sont édifiants ...
Mes recherches continuent néanmoins , et je ne cherche plus a vous convaincre de quoi que ce soit , car je n'ai plus vocation a perdre mon temps en futilités .
En bref , continuez a clamer vos hypothèses, et de mon coté je vais tacher de produire des éléments historiques .
Chacun son truc !

Alain

Ma réponse :
Francois Delpla a écrit:
Sur le souci des documents d'époque, nous faisons la paire, mais avec une différence : je demande qu'ils soient insérés dans le processus allemand de décision. Qu'il ne s'agisse pas de considérations générales sur le fait qu'une offensive, cela s'épuise un jour, ou que le ravitaillement en essence est indispensable. Si on démontre que ces chars-là manquaient d'essence ou que leurs voies de pénétration étaient, à ce moment précis incommodes, c'est déjà mieux mais encore très insuffisant. Il resterait à montrer que ce sont bien ces considérations qui ont amené Hitler à changer un marteau brusquement en une enclume... pour rechanger dans l'autre sens deux jours plus tard.
Tout cela est bizarre, hitlérien et non réclamé par le moindre militaire. Bref, politique. Et le bris du silence sur les aspects politiques par le merveilleux détective John Costello (élargissant en 1991 une brèche timidement ouverte par Benoist-Méchin en 1956) a non pas apporté une explication nouvelle, mais, enfin, un début d'explication clairement formulé.


Contrairement à Clayroger, Alain reconnaît qu'il faut faire coller toute explication avec les documents d'époque. Mais il se hâte lentement (il nous avait déjà promis cela en 2007 ici même viewtopic.php?f=29&t=27&start=225 ).

Pour finir provisoirement ce tour des forums, je signale que Daniel "Le lecteur" a cessé de censurer mes proses sur l'ordre d'arrêt http://www.mapiledelivres.org/dotclear/ ... -amateur... après que je lui ai répondu sur un point fondamental : Hitler est-il informé en temps et en heure de la situation militaire, en sorte qu'au moment où il décide l'arrêt il soit, comme tous ses subordonnés, débarrassé de toute inquiétude sur une contre-attaque ennemie par la victoire d'Arras le 23 au soir ?

Résumé de la réponse : il faisait ce qu'il fallait pour s'informer, notamment par le biais de Keitel et de ses déplacements aériens de grand matin vers les QG.

Enfin, je remonte une divergence de 2007 entre Louis C (Bronsky sur ce forum) et Alain Adam viewtopic.php?f=29&t=27&start=225 :
Bronsky a écrit:
La question de ce qui se serait passé sur le terrain sans l'intervention d'Hitler n'est pas tranchée. Elle ne pourra bien évidemment jamais l'être définitivement. Mais autant je ne suis pas d'accord avec la position - défendue par certains Britanniques notamment, et dans une moindre mesure il me semble par Alain et Olivier - selon laquelle les Alliés avaient de quoi arrêter les Allemands quoi qu'il arrive, autant il ne faut pas tomber dans le travers inverse qui consiste à dire que là où passent les chars allemands, l'herbe des fantassins alliés ne repousse plus.

Pour moi, il est clair que l'ordre d'arrêt a retardé la capture de Dunkerque. De combien de temps ? That is the question...


L'idée que l'ordre d'arrêt n'a rien changé, ou pas grand-chose, parce que les Alliés avaient enfin trouvé le moyen d'arrêter les blindés, ou parce que la prise de Dunkerque restait un gros morceau, nécessitant une relève, est en effet au coeur de la contestation actuelle de la thèse diplomatique (paix générale, généreuse et immédiate), tout en étant plus sous-jacente et moins clairement avancée que jamais.

Rappelons que ce qui est en jeu n'est pas la prise de Dunkerque mais la rupture de ses accès routiers, qui aurait consommé l'encerclement d'un million de combattants, dont la quasi-totalité de l'armée de terre anglaise.


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MessagePosté: Mer Juin 05, 2013 9:59 am 
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Une évolution fâcheuse mais intéressante d'Ulysse 57 sur le forum beige http://www.39-45.org/viewtopic.php?f=17 ... 05#p444705 : il a trouvé son chemin de Damas sur le site fourre-tout "World WarII day by day " http://web.archive.org/web/200407281324 ... byday.com/ et tire de grands effets (qui laissent tout le monde sans voix depuis 24h) d'une phrase écrite par on ne sait qui dans la soirée du 24 mai 40 :
François Delpla a écrit:
ulysse57 a écrit:
20:00 (...)

The fuel-supply is still far behind and the columns need two days to get the fuel. The first field-post arrives.


encore un effort pour trouver des problèmes logistiques signalés, le 24, avant l'ordre d'arrêt et non après !


C'est la centième fois que je lui demande de se borner à des signalements de difficultés logistiques, le 24, avant le Haltbefehl (11h 30 heure anglaise, ici utilisée, 12h 30 allemande). Il rétorque :
ulysse57 a écrit:
Mais bien sûr suis je si ignorant que cela pour ne pas savoir qu'une division Panzer consomme l'integralité de son carburant en 24h ... enfin s'il n'y a que ce genre de réflexion peu pertinente à la marge je m'en contenterai.

Par contre tu maitrises aussi bien la tactique que la langue du BEF : The fuel is STILL far behind... Le carburant est ENCORE loin derrière , ce qui gramaticalement parlant signifie qu'il l’était dejà la veille ( au minimum ) .


Encore faudrait-il que ce mystérieux scribe se soit amusé à synthétiser en pleine bataille, sur l'ensemble du front, les écarts entre les blindés allemands et les camions-citernes qui les poursuivent. Dans ce cas il ne s'agirait que d'une moyenne, qui ne dit rien sur les cas particuliers, à moins de supposer qu'un planificateur idiot se soit arrangé pour que tous les camions ravitailleurs aient exactement deux jours de retard; si c'est une moyenne, elle ne dit rien de la situation particulière de la 1ère Panzer lancée le matin à l'assaut vers Dunkerque et son arrière-pays (dont aucune source ne signale qu'elle ait manqué de carburant ou craint d'en manquer); et si ce n'est pas une moyenne, c'est simplement l'expression d'une situation locale, sans préciser laquelle.


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MessagePosté: Mer Juin 05, 2013 1:23 pm 
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Sur Livres de guerre http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... ndex=53933 , Emmanuel de Chambost cite longuement le récit que fait, sur le Haltbefehl, Jacques Benoist-Méchin dans Soixante jours qui ébranlèrent l'Occident (1956) et me demande ce qu'il a d'obsolète.


Un fait nouveau très intéressant... de françois delpla le mercredi 05 juin 2013 à 11h38

..., cher Emmanuel, c'est qu'en 2013 et au bout de 21 ans de mien remue-méninges, on puisse encore citer ceci sans broncher :

Le Führer convoque d'urgence ses conseillers militaires à son G.Q.G. de Charleville. Un Conseil de guerre a lieu auquel prennent part, outre Hitler lui-même, le général Keitel, chef de l'O.K.W., le général Jodl, chef des opérations, le général von Brauchitsch, Commandant en chef des forces terrestres, le général von Rundstedt, commandant le Groupe d'armées A, et plusieurs autres officiers généraux appartenant au Grand État-Major.

Le général von Brauchitsch propose une attaque de grand style des forces blindées dans la région Vimy - Saint-Orner - Gravelines. Son intention est de presser brutalement sur la poche de Dunkerque, d'isoler de la côte les troupes du G.A. 1 qui font retraite vers la mer, et de parachever leur investissement. « La plus grande bataille d'encerclement de l'Histoire, déclare Keitel, doit se terminer par l'anéantissement de toutes les troupes anglaises, françaises et belges qui combattent encore dans les Flandres. »

Mais Hitler repousse ce projet, qui représente à ses yeux une perte de temps inutile. Pour lui, le sort des forces alliées qui combattent dans les Flandres est déjà scellé. Qu'importe si quelques contingents s'échappent ? Ils n'en devront pas moins abandonner en totalité leurs armes et leur matériel. Ce qui compte, c'est de préparer sans délai le déclenchement des opérations k long de la ligne allant de la Somme à la ligne Maginot, pour ne pas laisser au Haut Commandement français le temps de reprendre haleine. Il ne doit avoir aucun hiatus entre la bataille des Flandres et la bataille de France.


C'est du roman intégral, en même temps qu'une leçon d'historiographie très intéressante.
Benoist-Méchin, un ultra de la collaboration qui a sauvé sa tête de justesse à la Libération, se refait une virginité par un gros ouvrage pétainiste et antigaulliste jouant la carte d'une érudition rigoureuse. Il ne peut théoriquement pas se permettre la moindre indulgence envers Hitler et, apparemment, ne s'en permet aucune. Or voilà qu'ici il le campe en presque-démocrate, juste un peu tyrannique sur les bords. Il décide seul et contre la majorité, mais en ayant consulté et réuni les principaux décideurs... et cela passe, et grâce à toi je suis peut-être aujourd'hui le premier à stigmatiser cette prose !

La réalité, qui a encore beaucoup de mal à faire son chemin malgré la publication intégrale du journal de Goebbels qui fourmille d'exemples, c'est que Hitler cloisonne, et n'organise plus jamais de réunions de concertation après quelques conseils des ministres de 1933 où il devait encore ménager les conservateurs.

Ainsi, à Charleville, il n'y a pas Keitel, et surtout pas Brauchitsch, tenu soigneusement à l'écart de la genèse du Haltbefehl, autrement dit court-circuité et mis devant le fait accompli. Et outre la composition de l'assemblée, le sujet de la discussion mélange plusieurs moments et plusieurs réunions, au cours desquelles Hitler a plus monologué, divagué et dicté que consulté.


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MessagePosté: Sam Juin 08, 2013 10:06 am 
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http://www.livresdeguerre.net/forum/con ... ndex=53950

Peu après avoir jugé bénignes les déformations de Benoist-Méchin, Emmanuel de Chambost semble intéressé par une synthèse sur ma position... qui ne contient rien qui n'ait déjà été dit et répété, y compris sur Livres de guerre.

Il y a bien dans cette affaire un déficit d'écoute, donc de lecture, comme le prouve caricaturalement jour après jour mon principal contradicteur (précieux au demeurant) du forum beige.

On préfère la lecture des étiquettes (écrites par n'importe qui) à l'ouverture des flacons. Le mot "militaire" joue à cet égard un rôle de pivot. Les adeptes de l'explication diplomatique initiée par Costello sont censés une fois pour toutes ne rien connaître, ni comprendre, ni vouloir entendre, dans ce domaine.


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MessagePosté: Dim Juin 09, 2013 6:54 am 
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http://www.39-45.org/viewtopic.php?f=17 ... 33#p445233

Curieux, cet Ulysse 57 du forum beige, et plus curieux encore les ménagements à son endroit des partisans d'une explication militaire (par ailleurs toujours peu pressés de satisfaire mon souhait d'en lire une définition claire). Alors qu'il devrait être critiqué de tous les côtés, et particulièrement agressé par mes agresseurs, je suis le seul à lui dire ma façon de penser.

Il se dit en effet pleinement d'accord avec Costello et moi-même sur l'explication diplomatique mais prétend... la réconcilier avec l'explication militaire, avec essentiellement un argument : il connaît ce domaine et se passionne pour lui et comme ce ne serait pas mon cas je n'y connaîtrais rien et il me rendrait grand service en attirant mon attention là-dessus. Il ne semble pas se rendre compte une seconde du poids d'insulte que le propos comporte, non seulement contre moi qui en souris mais contre mes jurys de thèse et d'habilitation et, plus grave peut-être, contre l'ensemble du lectorat et de la critique qui aurait dû depuis longtemps se détourner railleusement d'un faux historien, acharné à ne voir les choses que sous un angle.

Car dans mes livres et publications diverses sur le Haltbefehl le côté militaire se taille la part du lion. Mais Ulysse lit très peu et l'assume. Il est toujours en train de me poser des questions basiques, non seulement sur ma thèse mais sur la situation, y compris militaire. Et gare si je ne réponds pas à la première sommation : c'est évidemment parce que la question a fait mouche (sic) !

Périodiquement il dit qu'il part en permission, pour lire. Je suis très partagé à ce sujet : cela devrait lui permettre de choisir enfin entre l'explication diplomatique sauce 1991 (fondée sur la mission confiée à Dahlerus ; répudiant Liddell Hart et toute idée de "laisser les Anglais s'embarquer pour faciliter la paix plus tard") et le génie dont aurait fait preuve Hitler en transformant les blindés en "enclume" et les troupes à pied en "marteau"... dans l'improvisation la plus totale et pour 48 h seulement !

Mais en même temps cela priverait le débat de la personne la plus investie, dont les prestations montrent jour après jour la parfaite incompatibilité entre les prétextes militaires, tous de source hitlérienne, et l'explication par la recherche de la paix immédiate et générale "sur le sable de Dunkerque".


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MessagePosté: Lun Juin 10, 2013 8:56 am 
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Qu'on le veuille ou non, l'histoire du nazisme est en plein renouvellement... et chacun, sur les forums et autres blogs, en témoigne à sa façon, avec ce qu'il a d'intelligence, de courage intellectuel ou simplement de courage pour secouer sa paresse et quitter ses sentiers battus. Ce témoignage prend toutes les formes possibles, du plaidoyer pondéré aux pires insultes assorties de ruptures définitives, sans exclure les brusques va-et-vient, dans les deux sens (il en va de même dans les joutes entre universitaires).

Le meilleur exemple, concernant le Haltbefehl, est ici http://www.mapiledelivres.org/dotclear/ ... -amateur... (page 5).

Daniel "Le lecteur", pas un mauvais bougre au fond, a atteint des sommets ou touché des abîmes de partialité réactionnaire, n'hésitant pas à censurer partiellement des messages, et surtout les miens, tout en commentant ce qu'il censurait, ce qui est bien une des pires pratiques de censure jamais vues (je me suis mis à faire des sauvegardes systématiques et les ai publiées ici http://www.delpla.org/article.php3?id_article=583 ). Il a fini par me déclarer "en plein délire" mercredi 13 février 2013, 18:08... après quoi il m'a fichu une paix royale et permis une expression tout à fait libre, et fort critique à son endroit.

Si je passe un certain temps et même un temps certain, depuis le 1er juillet dernier, à répondre aux réactions qu'a suscitées mon article de Dernière guerre mondiale http://www.delpla.org/article.php3?id_article=560 , c'est, disent les mauvaises langues, dans une défense désespérée d'une thèse sur laquelle reposerait tout mon travail et, dis-je moi-même, pour une raison un peu différente.

Imaginons un instant qu'une caisse d'archives nazies retrouvée au fond d'une mine de sel bavaroise vienne soudain documenter de manière indubitable la raison pour laquelle Hitler a donné cet ordre, et que cette raison soit d'ordre militaire et non diplomatique. Il n'en resterait pas moins qu'il visait au même moment une paix générale avec la France et l'Angleterre. Il y aurait juste à abandonner l'idée que le Haltbefehl participait de cet effort, et je n'aurais, pour ma part, qu'à confesser que j'avais fait au mieux avec les éléments disponibles (à preuve, l'incapacité de quiconque à formuler clairement et documenter pertinemment une explication militaire, au moins jusqu'au 10 juin 2013 ap. J-C), mais devais, comme tout le monde, revoir ma copie à l'aide des nouvelles données.

Et il n'en resterait pas moins que l'observation des faits et gestes de Hitler depuis 1920, par les journalistes et les hommes politiques puis les historiens, aurait souffert pendant près d'un siècle d'une sous-estimation de son intelligence, de la continuité de ses desseins et de l'inscription de ceux-ci dans un projet fou mais extrêmement cohérent.


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MessagePosté: Mar Juin 11, 2013 10:47 am 
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C'est sur le forum de BRH http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 467#p14467 que le débat actuellement se déroule, la grève d'Ulysse se prolongeant sur le beige.

Mon défi tranquille (exprimer en termes simples une explication militaire du Haltbefehl) va bientôt souffler sa première bougie !

Ni Alain ni Norodom ne le relèvent en efffet.

Ma dernière réponse :

Francois Delpla a écrit:
Depuis le 1er juillet, ma claire explication par le souci hitlérien d'une paix immédiate, générale et "généreuse" est (enfin) mise en discussion sur la Toile, en dehors de mon propre forum. Deux remarques pertinentes ont été faites sur des points relativement secondaires (Göring avait annoncé une offre de paix, qui ne survient pas; la campagne de Norvège limitait les possibilités de déplacement et de communication de Dahlerus), et m'ont permis d'affiner l'analyse.

Pour le reste, j'ai assisté à des démonstrations de foi dévote en une explication d'ordre militaire, sans que jamais elle soit clairement présentée.

Répondre à ce énième rappel par une floppée de liens n'avance en rien les affaires des tenants de cette thèse, pour l'instant, fantomatique et suspecte (à mes yeux) de dériver sans rigueur des prétextes nombreux et variables émis dans les heures et les jours suivants par le duo de pointe du nazisme.

Les derniers posts, loin de délivrer l'explication claire demandée, sont plus caricaturaux que jamais dans les leçons générales sur les besoins logistiques des armées, sans aucun effort pour montrer que, le 24 mai 1940 à 12h 30 précises, l'avant-garde allemande était de ce point de vue au bout du rouleau et produire des documents, datés des heures précédentes, qui pourraient fonder à cet égard une certitude.

Je constate aussi la permanence d'une tendance à confondre l'urgence militaire (boucler un gigantesque encerclement par une projection ultime de 30 km) et ce qui peut attendre (la prise de Dunkerque).


Je demande tout bonnement que nous débattions à armes égales : explication claire contre explication claire. Mais du côté des contradicteurs, cela semble poser des difficultés insurmontables.

Cela ne suffit certes pas à prouver la validité de mon explication : on ne répétera jamais trop que les discussions de 2000 et quelques sont bien incapables de modifier la réalité de 1940 ! Mais en attendant cette explication claire (qui à mon avis a de moins en moins de chances de survenir) nous nous trouvons dans une situation bien connue depuis l'Antiquité : à celui qui innove on demande des monceaux de preuves et il n'y en a jamais assez, tandis que la foi dans les croyances traditionnelles s'en passe, orgueilleusement et agressivement.


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MessagePosté: Mer Juin 12, 2013 4:17 pm 
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Ce fil a été visité exactement 500 fois en mai et juin !

Il commence à devenir frustrant que ce soit de façon peu interactive.

Je ne vous mangerai pas si vous intervenez, promis !


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MessagePosté: Dim Juin 16, 2013 6:39 am 
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La dernière d'Alain http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 465#p14465 :

Francois Delpla a écrit:
Je dirais même plus : l'attaque contre la Pologne vise aussi la France, et il est vital pour Hitler qu'elle lui déclare la guerre, contrairement à l'opinion encore dominante (qui pollue gravement le livre de Friser Le Mythe de la guerre-éclair) suivant laquelle il en est tout surpris et déboussolé. Quant à l'Angleterre, il sait très bien qu'elle ne pourra laisser la France "y aller" seule. Il faudra donc assommer la France d'un coup sec assorti de conditions "généreuses", pour ramener la paix et dégager enfin les arrières de la "conquête de l'espace vital".

Comme ces évidences tardent à être reconnues, n'est-ce pas, Alain Adam ?

alain adam a écrit:
"
Citation:
Et il n'en resterait pas moins que l'observation des faits et gestes de Hitler depuis 1920, par les journalistes et les hommes politiques puis les historiens, aurait souffert pendant près d'un siècle d'une sous-estimation de son intelligence, de la continuité de ses desseins et de l'inscription de ceux-ci dans un projet fou mais extrêmement cohérent."

Le soucis est que personne n'a critiqué ce point , mais que personne n'a jamais apporté de preuves non plus de ce point . Or vous qui demandez des preuves , François , il va falloir vous y coller ...
Et pas des preuves de seconde zone, comme des interprétations d'ordres ou de directives, mais du concret .

Et hop .
Alain


Nous n'allons pas si facilement à ce "hop"... céder !


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MessagePosté: Mar Juin 18, 2013 4:40 pm 
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au coeur d'un dialogue sur la logistique entre Alain Adam et Norodom http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 541#p14541 :

Francois Delpla a écrit:
Je m'en voudrais d'intervenir ici, autrement que par une remarque.
Hitler ne confectionne, du moins dans sa phase ascendante, que des pièces uniques (même si beaucoup ont un air de famille) : il n'y a que confusion à appeler la nuit de Cristal un pogrom, le pacte germano-soviétique une alliance... et à appliquer au chef-d'oeuvre offensif de 1940 des règles classiques d'histoire militaire. Son concepteur et meneur n'est pas et ne prétend pas être le meilleur technicien, particulièrement attentif aux besoins logistiques (ce qu'était, je parle sous le contrôle de Bruno, Napoléon) mais un donneur d'élan, qui pousse à un sommet inégalé, un art, celui de la surprise, en mélangeant très intimement le politique et le militaire, l'endormissement de l'ennemi en semblant impuissant et dépassé et le brusque étalage d'une force irrésistible.


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MessagePosté: Lun Juin 24, 2013 2:35 pm 
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Voici un élément auquel je n'avais pas pensé.

Les livres sur le génocide des Juifs et/ou le traitement des populations slaves en Pologne font grand cas d'un texte de Himmler datant du 25 mai 40 et approuvé ce jour-là par Hitler au cours d'une discussion entre le chef du Reich et celui des SS. Il s'intitule "Réflexions sur le traitement des étrangers à l'est". Mais pas un auteur ne remarque que cette discussion a lieu au beau milieu du Haltbefehl.

Qu'est-ce qui peut donc pousser Hitler à inscrire cette question sur son agenda surchargé au beau milieu d'une campagne à l'autre bout de l'Europe et d'une crise grave avec ses chefs militaires ?

Deux choses :

-ayant percé à Sedan et tenant le fer de lance des armées alliées à sa merci, il sait qu'on ne lui cherchera plus noise à propos de la Pologne et il peut y lâcher ses molosses;

-il urge de le faire parce que la paix est proche : il faut éviter qu'elle ne détende les ressorts dans les territoires de l'est qu'on veut germaniser.

C'est intéressant, non, de voir la politique nazie comme un tout ?


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MessagePosté: Mer Juin 26, 2013 6:59 am 
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Posté chez BRH http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 754#p14754 :


Notre ami Norodom est donc à la croisée des chemins.

Il a, dit-il, accumulé depuis la fin de la guerre des matériaux et des réflexions sur ce qui avait permis l'évacuation de Dunkerque. Pour ne pas boucler un encerclement aussi bien parti, il fallait, en concluait-il, que les Allemands aient rencontré de sérieuses difficultés. A la fois chez eux-mêmes, dont l'avance rapide aurait fini en innommable pagaille logistique, et chez l'ennemi, disposant dans la zone quasi encerclée de moyens de défense considérables.

Il est probable que Roger n'ait pas envisagé du tout une explication d'un autre ordre, et qu'il ait été encouragé à ne pas le faire par la sottise, et le caractère complètement inadapté aux faits, de l'explication diplomatique initiée par Liddell Hart (dans un salmigondis indigeste avec un certain nombre d'explications militaires de source nazie) : Hitler stopperait pour laisser les Anglais s'embarquer afin de signer la paix avec eux plus tard.

L'inconvénient de l'explication militaire par des difficultés liées au ravitaillement, au terrain ou au potentiel ennemi est que personne n'évoque de telles difficultés dans les heures et les minutes précédant l'ordre. Le silence de mes contradicteurs depuis un an à ce sujet (nous allons en effet bientôt souffler la première bougie du débat déchaîné par mon article du 1er juillet 2012 dans DGM), malgré mes demandes réitérées, est éloquent.

Non moins éloquente est l'insistance récente de Norodom sur un arrêt qui serait survenu le 23 mai, soit un jour avant le Haltbefehl. Mon prétendu silence devant ses remarques à ce sujet devient le dernier rempart de l'explication militaire. Mais j'en ai autant à son service ! Rien n'est jamais répondu, non seulement, comme je l'ai dit plus haut, à mes demandes de preuves d'une inquiétude militaire quelconque, côté allemand, le matin du 24, mais à mes remarques sur le fait que Guderian attaque dans la direction de Dunkerque (et des troupes de Bock avançant par le nord, qui ne sont plus qu'à quelques dizaines de kilomètres) dès l'aube, ce qui montre qu'il n'est retenu par aucun ordre d'arrêt.

Roger, avec qui j'entretiens depuis des années des rapports de grande estime mutuelle, n'a pas craint, tant il est sûr de son fait, de faire alliance avec des gens méprisants, autrement dit de hurler avec les loups, dont Michel Boisbouvier est ici le représentant caricatural. Ces individus n'ont de cesse de démonétiser le porteur de la mauvaise nouvelle, en brodant autour de la trame suivante : l'explication est militaire, or François Delpla ne connaît pas grand-chose dans ce domaine, en tout cas beaucoup moins que moi, donc il est normal qu'il y ait un dialogue de sourds, d'ailleurs ce n'est même plus la peine d'essayer de se faire entendre.

Norodom n'est certes pas tombé aussi bas. Mais il ne peut plus se maintenir à mi-pente ! Il faut à présent aborder les véritables questions :

-voir tout ce qui sépare l'ordre de regroupement du 23 (limité à la journée du 24, destiné à rassurer Kleist, ne fixant aucune ligne à ne pas dépasser) du Haltbefehl hitlérien (sine die et bloquant l'avant-garde sur l'Aa, à tel point qu'on n'assigne plus aux blindés, absurdement, qu'une fonction défensive);

-expliquer que Guderian ne semble pas, dans les faits, concerné par l'ordre du 23 et examiner mon hypothèse que le succès d'Arras, connu dans la nuit du 23 au 24, a dissipé toute crainte.


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MessagePosté: Mer Juin 26, 2013 10:05 am 
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Déposé chez Le Lecteur http://www.mapiledelivres.org/dotclear/ ... -amateur... (le lien fonctionne mal mais dans le pire des cas débouche sur un moteur de recherche où il suffit de taper mon nom) :

Citation:
109. Le mercredi 26 juin 2013, 09:36 par François Delpla

Bonjour

Je relis ton message initial.
Le point qui t'a fait croire que tu pouvais foncer en toute sûreté dans la contestation de ma thèse est sans doute la modicité des conditions transmises par Göring : elles n'auraient
" rien de crédible en général, <ces> conditions de paix si bénignes qu’elles n’ont rien de pertinent quand les Allemands sont sur la Manche."

Où en es-tu sur ce point, au bout d'un an ou presque ? Personne n'a contesté l'authenticité de ce document et l'existence de cette conversation (même si on a parfois et brièvement mis la date en doute). L'existence d'une "offensive couplée des chars et des diplomates" peut donc être considérée comme acquise, d'autant plus qu'elle coule de source à la lecture de Mein Kampf et s'harmonise avec la totalité des actes, sinon des paroles, de Hitler dans l'intervalle. Il s'agit bel et bien de s'attirer les bonnes grâces de l'Angleterre et sa neutralité, si possible bienveillante, devant la conquête germanique d'une partie des terres slaves et la mise en coupe réglée du reste, le racisme et le colonialisme formant un soubassement idéologique qui rendrait durable ce nouvel équilibre.
Pour cela, la percée de Sedan, si elle réussit, DOIT déboucher sur une paix rapide et, si elle ne le fait pas, en raison d'une mainmise "juive" sur le Royaume-Uni, annonciatrice d'une guerre longue pour laquelle l'Allemagne est fort mal outillée, l'horizon ensoleillé devient soudain très noir. Cela vaut bien un petit arrêt pour laisser à l'establishment britannique le temps de renverser Churchill.
Hitler, je le maintiens, ne sait pas ce qui se passe à Londres et agit, sur ce plan, en aveugle. Mais ses pensées à lui nous sont connues par ce qu'il ne va cesser de seriner en public et en privé : les Juifs peuvent certes gagner la guerre si, en plus de la Russie et de l'Angleterre, il confirment leur emprise sur les Etats-Unis (que Hitler espère bien leur soustraire en empêchant une réélection de Roosevelt). Mais l'Angleterre, elle, n'y a aucun intérêt puisqu'elle devrait en passer par les desiderata américains, ce qui serait, pour l'avenir de son empire colonial, de fort mauvais augure.

Il a donc d'excellentes raisons de supposer que le cabinet britannique, où Churchill apparaît toujours aussi en flèche dans l'hostilité à sa personne et à sa politique, regorge de "raisonnables" qui (la politique apaiseuse l'a prouvé tant et plus) répugnent à se jeter par antinazisme dans les bras des Etats-Unis.

Hitler va donc laisser passer deux jours... puis se retourner vers la France et fixer aux conservateurs britanniques un deuxième rendez-vous (qui sera pour Churchill un deuxième guet-apens) : l'armistice franco-allemand.

Toujours pas d'accord ? Maintiens-tu que le triomphe sedanais lui monte à la tête et lui fait fantasmer des conditions de paix très aggravées ?


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