Grimm
affirme à plusieurs reprises que les propos francophobes de Hitler
dans Mein Kampf doivent tout au contexte de 1924, lorsque
les Français, intransigeants sur le paiement des réparations, occupaient
la Ruhr. Peut-être
n’est-il
pas inutile d’en rappeler l’essentiel,
ce que ce livre, bien entendu, ne fait pas (les chiffres entre
parenthèses renvoient à l’édition française de 1934) :
Citation:
Car il faut qu’on se rende enfin clairement compte de ce fait :
l’ennemi mortel, l’ennemi impitoyable du peuple allemand est et
reste la France. (p. 616.)
C’est uniquement en France que l’on remarque aujourd’hui un
accord secret, plus parfait qu’il n’a jamais été, entre les intentions
des boursiers, intentions dont les Juifs sont les représentants, et
les voeux d’une politique nationale inspirée par le chauvinisme. Et
c’est précisément cette identité de vues qui constitue un immense
danger pour l’Allemagne. C’est pour cette raison que la France
est, et reste, l’ennemi que nous avons le plus à craindre. (p. 621.)
Ce peuple, qui tombe de plus en plus au niveau des nègres,
met sourdement en danger, par l’appui qu’il prête aux Juifs pour
atteindre leur but de domination universelle, l’existence de la race
blanche en Europe. Car la contamination provoquée par l’afflux de
sang nègre sur le Rhin, au coeur de l’Europe, répond aussi bien à
la soif de vengeance sadique et perverse de cet ennemi héréditaire
de notre peuple qu’au froid calcul du Juif, qui y voit le moyen de
commencer le métissage du continent européen en son centre et,
en infectant la race blanche avec le sang d’une basse humanité, de
poser les fondations de sa propre domination.
Le rôle que la France, aiguillonnée par sa soif de vengeance et
systématiquement guidée par les Juifs, joue aujourd’hui en Europe
est un péché contre l’existence de l’humanité blanche et déchaînera
un jour contre ce peuple tous les esprits vengeurs d’une génération
qui aura reconnu dans la pollution des races le péché héréditaire
de l’humanité. (p. 621.)
Autant nous sommes tous aujourd’hui convaincus de la nécessité
d’un règlement de comptes avec la France, autant demeurerait-
il
inefficace pour nous dans son ensemble, si nos buts de politique
extérieure se bornaient à cela. On ne saurait l’interpréter que
comme une couverture de nos arrières pour l’extension en Europe
de notre habitat. (p. 651‑652.)
A ce flot d’anathèmes, aucun démenti n’est jamais apporté
dans les discours de Hitler à ses compatriotes, lors même que
le tirage de son livre atteint, à la veille de la guerre, 5 millions
d’exemplaires. Il ne tempère ses jugements sur la France que
dans des déclarations à l’usage de ses habitants. La principale,
citée ou résumée en de nombreux endroits du livre de Grimm,
est une interview accordée au journaliste et politologue Bertrand
de Jouvenel, publiée dans
Paris-Midile 21 février 1936. Non
seulement elle figure intégralement dans les pages 107 à 114,
mais son passage sur Mein Kampf est reproduit par Grimm dans
l’introduction, avant d’être cité dans deux des articles censés
représenter la « voix de la raison » :
Citation:
J’étais en prison quand j’ai écrit ce livre. Les troupes françaises
occupaient la Ruhr. C’était le moment de la plus grande tension
entre nos deux pays. Oui, nous étions ennemis ! Et j’étais avec mon
pays, comme il sied, contre le vôtre. Comme j’ai été avec mon pays
contre le vôtre durant quatre ans et demi dans les tranchées ! Je
me mépriserais si je n’étais pas avant tout allemand quand vient le
conflit. Mais aujourd’hui il n’y a plus de raison de conflit. Voulez-vous
que je fasse des corrections dans mon livre, comme un écrivain
qui prépare une nouvelle édition de ses oeuvres ? Mais je ne suis
pas un écrivain, je suis un homme politique. Ma rectification ? Je
l’apporte tous les jours dans ma politique extérieure toute tendue
vers l’amitié avec la France ! Si je réussis le rapprochement franco-allemand
comme je le veux, ce sera une rectification digne de moi !
Ma rectification, je l’écrirai sur le grand livre de l’Histoire !
Or, dans Mein Kampf, l’hostilité de l’auteur envers la France
était justifiée non par des motifs conjoncturels, mais par une
analyse portant sur des siècles. Du reste, ces pages font partie du
second tome, rédigé en 1926 dans la quiétude de Berchtesgaden,
loin de la prison de Landsberg et après l’évacuation totale, en
1925, de la Ruhr par ses occupants. Mais il ne semble point
qu’un Français quelconque ait remarqué la supercherie : les
« voix de la méfiance » se contentaient d’évoquer la malhonnêteté
de Hitler. Ainsi Wladimir d’Ormesson, commentant dans
Le Figaro le 6 mars 1936, soit deux semaines après sa parution,
l’interview de Jouvenel, relevait la duplicité d’un chancelier qui,
devant un journaliste, se disait prêt au dialogue et, aux diplomates
français accrédités, refusait tout entretien. Il est vrai qu’on
était juste à la veille de la remilitarisation de la Rhénanie !