François Delpla a écrit:
L'inconvénient de cette analyse est de faire cadeau à Hitler de son intention d'écraser la France pour "assurer les arrières" de la conquête de "'espace vital" oriental et de le croire sur parole quand il dissimule cette intention.
Vous faites des procès d'intention maintenant ?
Citation:
Son avantage est de stimuler ma réflexion.
Dans Mein Kampf, tome 2, il a vraiment l'air de penser possible une coalition anglo-germano-italienne pour isoler la France, à la Bismarck. Sauf que Bismarck entendait calmer le jeu européen et se garantir d'une revanche française, tandis que Hitler entend éclipser définitivement la France dans la domination du continent.
Mais Bismarck était gentil car la France lui avait donné 6 milliards et l'Alsace-Lorraine ! Et Napoléon III avait rapidement collaboré.
La France de 18 est méchante : elle dépèce l'Allemagne à Versailles, et l'occupe avec des nègres en Sarre... et elle reprend l'Alsace-Lorraine... et elle prend des milliards à l'Allemagne ! Hitler était donc un Bismarck des temps modernes. Et Hitler lui-même conscient de la puissance française ne cherche pas à s'étendre à l'ouest mais à l'est.
Citation:
C'est exactement ce qui se passe (et qui dure encore), à ceci près que le flirt du Troisième Reich avec l'Angleterre apaiseuse (Macdonald, Baldwin, Chamberlain) n'est pas poussé jusqu'au mariage, du fait du Reich principalement. Les trois premiers ministres appeasers successifs sont en effet confrontés à un tricheur assumé, qui viole méthodiquement la parole donnée sous la contrainte à Versailles et confirmée en toute liberté à Locarno, puis à l'avènement du Troisième Reich (période où Hitler affirme, et souligne en gardant Neurath à la Wilhelmstrasse, que la politique extérieure de Weimar ne sera pas modifiée) : réarmement clandestin (et révélé de manière provocatrice concernant l'aviation en mars 35), désertion sous un prétexte futile de la SDN garante des traités, rétablissement du service militaire, remilitarisation de la Rhénanie, velléités d'Anschluss...
L'Angleterre ne s'est jamais marié à la France. L'Angleterre comme je le disais n'a qu'un but : diviser l'Europe, empêcher un pays de dominer. En 18 l'Angleterre est contente car l'Allemagne est abattue. Pour l'Angleterre désormais c'est la France qu'il faut surveiller : la France et sa soit-disant meilleure armée du monde
. C'est pourquoi l'Angleterre empêche tout durcissement à l'égard de l'Allemagne, et c'est pourquoi elle tend la main à l'Allemagne jusqu'en 1939.
Citation:
Très habile à jouer de sa propre turpitude, Hitler se présente ostensiblement comme un mauvais garçon peu fiable et oblige quasiment l'Angleterre à se méfier de lui dans la recherche du nouveau traité, plus favorable à l'Allemagne que celui de Versailles, auquel elle aspire de toutes ses élites (sauf Churchill).
A un moment quelconque, Hitler adopte la stratégie qu'il mettra en oeuvre en 1939-40 : interrompre le flirt avec Londres par une querelle qui ne touche pas à l'essentiel, de façon à se retrouver brièvement en guerre avec l'Occident et à en profiter pour mettre KO la France, après quoi une paix durable et aryenne sera signée avec une Grande-Bretagne résignée à ne plus diviser l'Europe, faute de partenaires. Résignée donc à s'assurer de la paix du continent en recourant, pour tout gendarme, à l'Allemagne. Ainsi seront, selon l'expression de Mein Kampf, "assurés les arrières" de la conquête orientale.
Reste à savoir quand et pourquoi Hitler change d'avis et, tout en se fiançant à Londres dès la prise du pouvoir, décide d'accumuler sans arrêt devant le mariage un dernier obstacle.
Le signe le plus tangible est sans doute dans le discours sur la France ou plutôt son absence. Il se met à en parler le moins possible vers la fin des années vingt, sauf à dire qu'il veut une réconciliation, sacrifie sur son autel l'Alsace-Lorraine, n'a plus de litige avec ce pays sauf la question, vite réglée, de la Sarre, etc.
Jusqu'à sa démission du 10 mai 1940, Neville Chamberlain aura une politique et une seule : signer un traité plus favorable que Versailles avec une Allemagne fiable, jouant désormais le jeu; à partir de la grande tricherie du 15 mars 39 (entrée à grand spectacle de Hitler à Prague en violation de Munich) cela passera par le remplacement de Hitler -un Halifax étant moins regardant sur ce point : une fissure que Churchill réussira à élargir pour s'y glisser.
Il me semble donc -et je mets ici cette hypothèse en discussion- que Hitler prend conscience dès 1927-28 que son axe Berlin-Londres-Rome autoriserait peut-être un conflit frontalier avec la France, mais pas l'écrasement souhaité, le "règlement de comptes définitif" annoncé dans MK. En lisant de près la documentation, on devrait arriver à cerner mieux ce virage, qui conduit à l'attitude précitée : flirt avec l'Angleterre sans consommation, préparation jour et nuit d'un instrument militaire terrestre et aérien propre à surprendre et cerner l'armée française en touchant le moins possible à l'Angleterre.
Tout cela fait de la France un objet d'obsession de Hitler qui confine à la folie. Or, rien de tout cela n'est vrai. Hitler pour aller au pouvoir doit faire parler de lui, doit plaire et doit comprendre le peuple allemand, c'est un nationaliste, populiste : la honte nègre doit être vengée ; la France est le principal voir seul pays à pourrir l'Allemagne continuellement pour les réparations de guerre. Dans les années 20, la France est l'ennemi principal. Il est logique que Hitler lui fasse une place de choix dans sa propagande, car noyé dans tous les mouvements nationalistes d'alors, Hitler ne peut que reprendre ce sujet. Mais, une fois qu'il est connu, une fois qu'il est à une marche du Capitole, il abandonne cette rhétorique, car il est conscient que loin d'attiser le feu entre l'Allemagne et la France il faut se concentrer sur l'essentiel : l'est. En effet, un affrontement avec la France serait couteux, il parait que c'est la meilleure armée du monde, les Anglais surtout verraient ça d'un mauvais oeil, il faut donc éviter tout affrontement avec la France. Hitler serait de s'attacher à un conflit avec la France alors que son intérêt est à l'est, et que la conquête à l'est sera bien plus facile : l'armée polonaise n'est pas la meilleure du monde, l'URSS est un régime qui marche de travers, tout ira comme sur des roulettes.
La seule chose qui compte est que l'Angleterre soit satisfaite. C'est pourquoi Hitler fait à peu près tout dans les règles : 1935 traité naval, occupation de la Sarrre ratifiée, pouvoir d'Hitler ratifié par referendums, Anschluss ratifié, Sudètes ratifié, occupation de Boème Moravie ratifiée... et il va jusqu'à manigancer une attaque polonaise (le coup de Gleiwitz) pour justifier son expansion à l'est.
Malheureusement ce dernier coup ne marchera pas. Les Anglais cette fois déclenche le blocus, la guerre, sans vraiment attaquer toutefois... Hitler est surpris, il ne s'attendait pas à cela, son plan "comme sur des roulettes" ne prévoyait pas cela. Les Anglais auraient du lui foutre la paix sur sa route jusqu'à l'Ukraine. Hitler aurait laissé la Moscovie libre et puis voilà...
Maintenant il doit ramener l'Angleterre à la raison : il fait des propositions de paix raisonnables pour lui et l'Angleterre, mais elle refuse. Hitler n'aime pas ça, ça va l'obliger à attaquer à l'ouest alors qu'il ne voulait pas, ça va l'obliger à occuper l'ouest alors qu'il ne voulait pas... La France reste l'arme au pied comme l'Angleterre, Hitler pourrait continuer à l'est comme si de rien n'était, mais la France reste comme une épée de Damoclès dans son dos, "la meilleure armée du monde"
, Hitler doit en tenir compte ; il règle donc la question française ; mais il ne veut toujours pas de l'ouest... il concède une paix très large avec la France, lui laissant un gouvernement autonome dans la moitié du pays... cela pourra rassurer les Anglais se dit-il. Mais rien n'y fait, les anglais à l'abri sur leur île de ne craigne rien et se moquer reinement du sort de leur "allié" (poupée) français.
Hitler continue alors son expansion à lest comme il l'avait toujours voulu. Etc. Malheureusement les Anglais n'avaliseront jamais son grand projet d'une Europe dominée à 50/50 par l'Angleterre et l'Allemagne. Ce sera donc la fin de l'Europe et des pays développés. Une fin que l'on peut constater aujourd'hui d'ailleurs.