Suite.
François Delpla
MessageSujet: Re: Enigme septuagénaire, l'arrêt devant Dunkerque ou Haltbefehl Aujourd'hui à 9:04
Citation:
Louis Martel a écrit:
Sur le point de la nervosité feinte du "fureur", un exemple de prouve rien. Et si j'ai bonne mémoire il a été décrit comme un cyclothymique, les moments d'euphorie et de dépression se succédant rapidement.
En histoire du nazisme, rien ne prouve rien à soi seul, tant Hitler est malhonnête et tant il dirige tout ou, du moins, s'est doté de leviers pour tout plier à sa volonté dans tous les secteurs de son appareil d'Etat, pour peu qu'il en éprouve le besoin au gré de ses plans retors. La seule chance d'arriver à des conclusions historiquement solides consiste en un examen
d'ensemble, pour repérer des logiques a priori peu apparentes.
C'est ce que je fais avec succès depuis vingt ans sur l'ordre d'arrêt puisque, en mettant à part le Miracle à Dunkerque de Vanwelkenhuyzen en 1994 non confirmé par le Pleins feux sur un désastre de l'année suivante, aucun universitaire n'a contesté mon analyse, en particulier depuis son développement dans la Ruse nazie en 1997.
Les rares contestations sont donc internautiques et d'autant plus méritoires et, pour moi, précieuses. Celle de l'équipe d'ATF 40, ici ou sur mon forum
viewtopic.php?f=29&t=342&p=14240#p14240 , est de loin la plus opiniâtre, la plus fouillée, la plus cohérente et la plus utile.
Voilà qui m'amène à revenir sur le paragraphe "factuel" de Louis C :
Citation:
Citation:
Hitler dit à plusieurs reprises craindre
qu'un revers partiel ne redonne du coeur à ses ennemis. Tous les témoins
- dont des gens qui le côtoient depuis longtemps - décrivent sa
nervosité. Il a tenté d'arrêter les chars plusieurs fois, et à chaque
fois il a été passé outre à ses directives. L'annonce par Rommel de la
contre-attaque sur Arras est faite dans des termes qui magnifient
énormément la puissance du coup (le bon Erwin sait qu'on n'est jamais
mieux servi que par soi-même en matière d'auto-promotion), et dans la
foulée Hitler fait ordonner l'arrêt ou le demi-tour de la moitié du
corps de Guderian. Nous savons qu'il entend les doutes de certains de
ses commandants locaux, y compris Kleist, et que les craintes exprimées
par Rundstedt vont dans le même sens que celles qu'il exprime depuis des
jours.
Nous savons qu'il y a des raisons militaires valides à l'arrêt des chars:
-
le terrain le long de la côte n'est pas favorable à une attaque de
blindés (et d'ailleurs, seule la 9e Pz participera, brièvement et avec
peu de bonheur, à l'attaque finale)
- les pointes blindées ont besoin de se regrouper, de se ravitailler et de se réparer.
Nous savons qu'il y a des raisons militaires qui sont, avec le recul, erronées mais dont on pensait qu'elles étaient valides:
-
impossibilité apparente pour les alliés de rembarquer un nombre
significatif de troupes à partir de la poche de Dunkerque - un jugement
partagé, je l'ai déjà écrit ailleurs, par la Royal Navy,
- capacité de la Luftwaffe, jamais prise en défaut jusqu'alors, à désorganiser de manière irrémédiable ce type de rassemblement.
Dans le paragraphe qui précède, il n'y a aucune interprétation, il n'y a que des faits.
Je ne dis point du tout que Hitler a dans la tête ce qui va se passer en matière d'embarquement. Encore une fois, lui qui déteste improviser, lui qui avait lancé le 6 et le 10 mai une offensive combinée de chars et de diplomates en croyant avoir affaire à un cabinet anglais dirigé par Chamberlain, le voilà qui improvise, bien obligé, devant l'arrivée de Churchill au pouvoir d'une part, et le fait que ce même Churchill a un poids évident, mais difficile à cerner, dans les décisions politiques et militaires, d'autre part.
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François Delpla a écrit:
Churchill
régnant, il peut constater, sur le terrain, une parfaite coordination
des retraites franco-britanniques, négligeant les ports,
C'est juste grotesque. Les faits:
1. Gort se plaint - à juste titre - d'être très mal informé des intentions du commandement français.
2.
Français et Britanniques se plaignent - à juste titre - de l'absence de
coordination entre eux, chacun accusant l'autre d'en être responsable.
3.
Les Britanniques commencent à retraiter vers Dunkerque (qui est,
faut-il le préciser, un port) tandis que les Français et eux - en
parallèle plutôt que de manière coordonnée - cherchent à couvrir ce
dernier port. Les Français refusent de retraiter vers les ports, avec
pour résultat la poche de Lille.
4. Le centre et l'aile droite alliés
(donc français) ont largement retraité vers le sud, ce qui pose un
problème finalement insoluble de coordination avec les Britanniques.
Si ce que j'écris est grotesque, comment qualifier votre mélange perpétuel des débats internes du camp allié et de ce que Hitler peut en savoir ou en percevoir ? Extérieurement, ce qui se voit c'est que les trois armées anglaise, française et belge, en voie d'encerclement, continuent de se répartir les rôles dans une tentative de retraite contre-attaquante, qui n'en finit pas de ne pas arriver à se déclencher. Il y a donc là un sacrifice à la cause commune de la BEF et de ses chances d'embarquement, qu'un Hitler même moyennement intelligent ne peut qu'attribuer à l'entêtement de Churchill... à juste titre. D'ailleurs, vos formulations sur un début de dispositions d'embarquement britanniques avant le 24 sont chronologiquement imprécises et, malgré cela, beaucoup trop carrées.
Gort est à la lutte avec Churchill pour essayer d'obtenir un feu vert mais ne l'obtient pas et ruse comme il peut, par exemple en décidant l'embarquement des "bouches inutiles". Cela ne peut qu'échapper aux Allemands et leur faire conclure qu'Albion s'incruste. A l'heure du Haltbefehl, la mise en défense du périmètre dunkerquois est balbutiante, tout comme les dispositions pour acheminer vers lui les troupe britanniques, dont le gros en est encore très éloigné.
Pour l'assaillant ou du moins son chef, tout ralentissement, tout arrêt sont bons à prendre s'ils ne permettent pas à l'ennemi de trop se ressaisir militairement : cela lui laisse le temps, à cet ennemi, d'une réflexion d'ensemble sur la situation, où le message de Dahlerus peut être présumé peser d'un grand poids.
Citation:
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La question:
quel est le contenu exact d'une "paix des braves avec Londres, une
réconciliation profonde de deux cousins" etc ? et quelles sont les sources
(dire "Je, François Delpla, affirme qu'Hitler serait bien bête de..."
ce n'est pas une source) permettant d'affirmer que c'est cette paix-là
qu'il veut ?
Je rappelle la règle que j'ai érigée: tant qu'il n'y a pas de réponse à cette question, les prochains messages sauteront.
J'ai très peur mais je me risque. Tomber pour tomber, autant que ce soit au champ d'honneur de Clio !
Le nazisme est fondé tout entier sur l'idée de disputer la Grande-Bretagne à la Juiverie, déjà maîtresse de l'URSS par le truchement du "judéo-bolchevisme". Les ouvertures dans ce sens sont permanentes et perpétuelles, de 1925 à 1945, en les adaptant bien entendu au contexte. Je ne suis tout de même pas le seul à l'avoir remarqué (cf. John Lukacs, entre autres), même si sans doute, à l'heure actuelle, je présente l'analyse la plus cohérente.
Le message de Göring à Dahlerus en est une confirmation éclatante, en plein dans la période qui nous occupe : certes je vais briser l'outil militaire de votre chère France mais rassurez-vous, je ne lui prendrai que quelques arpents de terre...
Toute la question et tout le débat entre nous se ramènent à savoir si les triomphes militaires de la quinzaine suivante rendent leur auteur plus gourmand. Je ne vois aucune raison ni aucun document permettant de le supposer. Et vous ?