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Quant aux projets de reconquête du Tchad, relisez l'article du site, c'est on ne peut plus clair : c'est EN CELA que consiste la collaboration proposée par Pétain à Montoire et c'est cela qui est resté inaperçu pendant 55 ans, jusqu'à Burrin. Maintenant que le silence a été brisé, est-ce bien le moment de minorer la chose, plutôt que de regarder le tabou en face et de réfléchir sur sa puissance ?
Comment pouvez-vous présenter comme un scoop un projet de Vichy de reprendre le Tchad au moment de Montoire ?
Robert Aron en parle très précisément et dit qu'il y eut trois réunions de militaires à l'ambassade d'Allemagne de la rue de Lille en novembre et décembre pour en fixer les modalités. Elles furent menées côté français par le général Huntziger tandis que, côté allemand, le général Warlimont, adjoint de Keitel, se donna la peine de se déplacer pour assister à la troisième qui eut lieu quelques jours avant le renvoi de Laval. Aron dit que pour effectuer cette reconquête les allemands libérèrent des officiers français de la coloniale.
Ni Burrin ni Delpa n'ont donc lu l'ouvrage de Robert Aron-Georgette Elgey paru en 1954 ?
La vérité est très simple. Quand Rougier rentre de Londres le 9 novembre avec en poche le protocole du GA qu'il a signé avec Churchill, Pétain se trouve en porte à faux. Il n'a plus le droit de reprendre le Tchad puisque le point capital de cette négociation Rougier-Churchill énonce que les Anglais ne recommenceront pas à attaquer des parties de l'empire français comme ils l'ont fait à Dakar (qui fut une erreur, dit Churchill) mais qu'en contrepartie Vichy renoncera à reprendre les colonies passées au gaullisme. Qui c'est qui est bien embarrassé ? C'est mon Pétain. Mettez-vous à sa place : il ne veut pas trahir sa signature -celle de son plénipotentiaire Rougier- ni mettre en danger la convention d'armistice par une déception doublée d'un camouflet qu'il infligerait aux Allemands alors que des préparatifs de reconquête sont en route. Il vit un mois d'angoisse et envisage pour la seconde fois la rupture de la convention avec le départ à Alger du gouvernement et de la flotte tandis que lui-même resterait pour faire ce qu'il pourrait. D'où le limogeage de Laval en qui Pétain n'a pas confiance à ce moment-là. D'après Aron, Pétain montrera à Flandin le document Rougier qu'il n'avait pas montré à Laval. Or, l'affaire fut en effet très chaude puisque Abetz fut si mortifié par ce limogeage de Laval qu'il se rendit à Vichy revolver au poing pour faire libérer son ami Laval. Et ça a duré. A la fin du mois de décembre les hommes politiques internés à Pellevoisin furent dirigés vers Marseille en vue de leur transfert pour Alger et Hitler fit "kalte Schulter" à Darlan en février 41, mais, pour finir, le 13 décembre fut du point de vue de Pétain une opération réussie. Elle fit de Laval aux yeux des allemands un partisan incontestable de la "collaboration" ce qui permit à Pétain de se servir de lui pour organiser l'équivoque en 42.
Sans le 13 décembre 1940 les Juifs français auraient subi dès 1942 le même sort que leurs coreligionnaires de toute l'Europe occupée.