Recension de « Pétain trahison ou sacrifice ? »
Pétain - De Gaulle.
Tout n’a-t-il pas été dit et depuis longtemps sur ce sujet ?
Pétain contre de Gaulle quand il le fait condamner à mort et de Gaulle qui le lui rend bien quand il le fait juger en 1945 par un jury ad hoc.
Mais aussi Pétain avec de Gaulle quand il ajoute au verdict que la sentence ne doit pas être exécutée au cas où de Gaulle serait pris, et de Gaulle avec Pétain quand il le gracie après avoir demandé (secrètement) au jury que la condamnation n’excède pas cinq ans de forteresse.
Pétain secrètement d’accord avec de Gaulle quand il dit que s’il avait eu le même âge que de Gaulle en 1940 il aurait fait la même chose que lui, et de Gaulle secrètement d’accord avec Pétain quand il dit à Rémy qu’il fallait que la France ait deux cordes à son arc : Pétain pour le cas où Hitler gagnerait la guerre et lui, de Gaulle, pour le cas contraire ?
Oui, tout n’a-t-il pas été dit et depuis très longtemps sur ces thèmes rebattus, controversés, repris, éculés même ?
Pour deux raisons au moins il a semblé à Michel Boisbouvier qu’il fallait les reprendre à la base et pousser l’analyse plus loin qu’il n’avait été fait jusqu’à maintenant.
D’une part, le matraquage médiatique qui s’est acharné sur Vichy et sur son chef depuis la parution de « La France de Vichy » de l’Américain Paxton en 1974, couplé avec la montée en puissance de la prise de conscience (tardive mais intense) de la Shoah dans laquelle la police française fut compromise, exigeait une mise au point détaillée.
Il fallait démonter les allégations mensongères qui ont résulté de ces deux phénomènes et montrer la fausseté de la plupart des publications qui les ont accompagnés.
D’autre part, au-delà de tout ce qui a été dit au sujet de la complicité politique de fond entre Pétain et de Gaulle, il ne semble pas que la notion de sacrifice ait été suffisamment vue, reconnue, identifiée, évaluée.
Pétain et de Gaulle partageaient la même idéologie militaire du sacrifice total envers la patrie.
Cette idéologie exigeait quelque chose qui va bien au-delà d’une divergence politique apparente et superficielle : elle exigeait que le perdant (ce fut Pétain) perdît plus que la vie, son honneur… au moins pendant un certain temps.
Apprise à Saint-Cyr et dans les tranchées, cette idéologie militaire nous a donné deux hommes d’une valeur exceptionnelle tant par l’esprit que par le cœur. Ils ont donné tout ce qu’ils pouvaient pour sauver, l’un le corps même de la patrie, et l’autre son âme.
Ils se sont répartis les tâches.
S’ils ont paru jusqu’au bout en lutte l’un contre l’autre c’est que le corps et l’âme ne peuvent qu’être séparés par la loi morale elle-même.
Pour que l’âme existe il lui faut le corps, -cette carcasse qui se traîne et qui pèse d’un poids si lourd- contre quoi se définir et entrer en querelle.
Sans cette dichotomie de principe, sans ce manichéisme principiel, la loi morale perd son efficacité et se perd dans les sables. Ce qui est vrai au temps du catéchisme l’est dans tous les cas de conflit moral intense.
Ceci est un premier point.
« On n’obéit plus à un chef qui est entre les mains de l’ennemi. »
Cette apostrophe de Napoléon à l’encontre du général Vedel qui avait capitulé sur l’ordre du général Dupont qui avait lui-même capitulé suffit à justifier le gaullisme.
Faut-il en déduire que la politique de Vichy était illégitime dès le départ ?
Evidemment non puisque l’armistice ménageait des aires d’indépendance : la zone libre, l’empire, la flotte, un embryon d’armée… Les principales puissances ne s’y sont pas trompées : elles ont envoyé des ambassadeurs à Vichy.
Mais, ensuite, quand l’Allemand occupe la zone libre, que l’empire entre en dissidence et que la flotte se saborde, ne fallait-il pas que l’Etat se transporte à Alger, en terre française, pour échapper à l’emprise de l’ennemi ?
Le Maréchal a décidé de rester pour être fidèle à une promesse qu’il considérait comme sacrée.
Or, ce faisant, ne commettait-il pas une de ces graves fautes politiques qui font dire que l’enfer est pavé de bonnes intentions ?
Sans doute, puisque, en restant à son poste devenu inutile, le Maréchal prenait le risque de diviser la France en deux partis : celui de la « Résistance » et celui de la « Collaboration ».
Et c’est bien ce qui advint en effet.
Or, c’est là qu’intervient la notion de sacrifice.
Le Maréchal avait compris que Hitler n’était pas un adversaire ordinaire, qu’il n’était ni un vieux gentilhomme comme Guillaume I° ni un diplomate de carrière comme Bismarck ni, même, un bravache complexé comme Guillaume II. Qu’il était l’Antéchrist.
Sa perversité qui, en novembre 42, ne s’était pas révélée dans toute son ampleur (car les massacres industriels dans des chambres à gaz ne furent révélés que quelques semaines avant la fin de la guerre) s’était déjà montré en Europe orientale et balkanique par des opérations mobiles de tuerie qui, elles, furent connues des chancelleries.
En outre de graves inconnues demeuraient : combien de temps la guerre allait-elle durer encore ? Quelle arme nouvelle n’interviendrait elle pas susceptible d’en changer la nature ?
Des paix séparées ne seraient-elles pas signées qui dissoudraient la coalition ? La bataille de l’Atlantique (elle ne fut gagnée qu’en mai 43) n’empêcherait-elle pas de joindre les deux continents ?
Imaginons un instant que Hitler ait eu la bombe atomique avant sa défaite et qu’il l’ait lancée sur Londres.
Qui peut dire ce qui se serait passé ?
Pour ne donner qu’un exemple de l’utilité du sacrifice du Maréchal : de toutes les grandes communautés juives d’Europe occupée, la française a été la plus épargnée. Contrairement à des allégations mensongères, c’est à Vichy qu’elle le doit.
Ce livre le démontre pour la première fois avec précision.
Les pétainistes détestent de Gaulle. Or, ils ont tort, dit l’auteur, car derrière un antipétainisme patent se cache un pétainisme latent de De Gaulle. Il suffit de voir ce qu’il dit en certaines occasions à Ordic, à Rémy et à J-L Murat, à Le Hideux.
En laissant condamner Pétain malgré qu’il en ait, de Gaulle ne fait qu’obéir à sa mission de rendre à la France son statut de vainqueur à part entière. Pour que de Gaulle ait raison il faut que Pétain ait tort. Telle est la loi de la guerre, manichéenne par nature… comme l’alternative entre la vie et la mort. Car il existe un Himalaya entre le discours militant et la recherche historique universitaire.
De Gaulle ne serait pas si grand s’il n’avait pas compris cela.
Et si le temps du gaullo-pétainisme était arrivé ?
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