Le 7 septembre, pendant la Marseillaise, les joueurs de l'équipe de France de rugby à 15 qui s'apprêtaient à disputer contre leurs homologues argentins le premier match de la coupe du monde avaient l'air sombre pour la plupart, certains écrasant même de temps en temps une larme.
Or un reportage de TF1 (peu rediffusé, sinon sur le Net) a révélé que quelques instants plus tôt l'entraîneur-sélectionneur Bernard Laporte leur avait fait lire solennellement la lettre de Guy Môquet, précisant auparavant qu'elle était conforme aux "valeurs" qu'ils avaient à défendre.
Pendant le match, comme chacun sait, ils n'ont été que l'ombre d'eux-mêmes et n'ont en rien rappelé l'équipe pétillante des matches de préparation contre l'Angleterre et le Pays de Galles, qui les avaient installés en bonne place, disaient les journaux, parmi les favoris de la compétition. Face à un adversaire solide, appliqué, croyant en ses chances mais lui-même peu entreprenant, il s'en est suivi une courte défaite, due notamment à l'habileté différente des buteurs dans des situations comparables.
La part du prêche incongru de l'entraîneur dans ce ratage ne fait pas partie des sujets sur lesquels une certitude historique peut être établie. Même remarque pour le rôle du président de la République, qui était dans les parages et y était allé de sa petite interview spontanée, juste avant ou juste après la scène ici rapportée. Or il faut préciser que ledit Laporte, par une entorse aux usages les mieux établis, est un futur ministre des Sports, dont la nomination a été annoncée en mai en même temps que celle du gouvernement, mais ne doit prendre effet qu'au lendemain de cette compétition et, théoriquement, quel qu'en soit le résultat.
C'est aussi un homme d'affaires prospère et un conseiller en "management", qui passe pour le mieux payé de France. Guy Môquet, dans sa bouche, est encore plus inattendu que dans celles de la plupart de ses collègues de la mouvance sarkozyenne, qui avaient de bonnes chances de tout ignorer de lui avant que la campagne électorale de 2007, par un caprice de la renommée lui-même sans précédent, ne lui vale enfin, en pleine déconfiture du crédit de son parti, une notoriété nationale.
Les problèmes planétaires doivent être légers, pour qu'on invente ainsi des sujets de conversation. Il est vrai que les émissions relatives au sport, ou à la politique, ne font guère allusion au cheveu Môquet sur la soupe rugbystique, que ce soit dans les reportages sur le XV de France ou dans l'explication des facteurs des premiers sondages mitigés sur la popularité du président.
|