Pour en revenir au sujet, voici ce que j'ai écrit sur mon forum le 30 mars 2008:
L'Islam est-il compatible avec les Droits de l'Homme ?
Cette question est historique: elle se pose au moins depuis 1945 et l'adhésion à l'Onu de l'Arabie Saoudite qui viole sciemment et en toute impunité les prescriptions de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Ca n'a pas été le seul état, il faut bien le dire! Trop de mauvais exemples ont été donnés partout sur la planète.
Mais, d'une manière plus générale, l'Islam peut-elle se conformer au respect de la laïcité, à l'égalité des droits entre l'homme et la femme et au respect des autres religions (et pas seulement aux religions du Livre) ?
Ce débat s'inserre pleinement -me semble-t-il- dans l'histoire des cultures et des civilisations au XXème siècle. A ce questionnement, un interlocuteur m'avait répondu: cela dépend de quel Islam on parle !
Faisant valoir ses nombreux voyages dans des pays musulmans (Egypte,Tunisie, Algérie, Maroc, Mauritanie, sans compter les pays où l'Islam fait partie des religions dominantes), il voulait faire ressortir de son expérience vécue, un certain nombre de réalités...
Tout d'abord, si l'on évoque l'Islam en tant que religion d'état, donc ayant un lien officiel avec la loi, alors, effectivement, il y aurait problème. Le Coran dit textuellement : "la communauté qui confie ses affaires a une femme ne connaîtra pas la prospérité." Tout en reconnaissant que l'Islam "officiel", légal (la charia) est éminemment incompatible
avec les Droits de l'Homme sous de nombreux angles, non seulement les droits de la Femme, mais également par le fait que, sous sa version étatique, le simple fait qu'elle soit religion d'état est incompatible avec les droits de l'Homme en soi, ce serait clair et simple.
Cependant, il y aurait -paraît-il- d'autres Islams. l'Islam vécu, l'Islam quotidien, celui de chacun. Et des Islams comme cela, il y en a évidemment une infinité de versions et de déclinaisons, qui vont du fanatisme le plus obsurantiste à l'épanouissement métaphysique, en passant par toutes les nuances de Lumiere intérieure.
Ainsi, dans certains pays, comme en Egypte par exemple, l'Islam est enraciné dans les cerveaux comme un moyen idéal pour réduire la femme a son état le plus avilissant. Ce qui est réellement le cas, non dans les hautes spheres d'Héliopolis, de Zamalek ou de Muhandisseen, mais bel et bien à la base, dans ces immenses quartiers du Caire comme Shobra, par exemple. Là, la femme est traitée comme ayant un statut intermédiaire entre l'homme et l'animal. C'en serait absolument terrifiant.
Seules les femmes ayant recu une solide éducation, souvent très occidentalisées d'ailleurs, bien que musulmanes
convaincues, entretiennent la flamme des Droits de l'Homme, avec un courage forcant l'admiration. Et cela dans une société
qui retourne progressivement à l'intégrisme, comme il le mentionne, puisqu'a l'époque où il vivait au Caire, il en parlait avec des gens qui y avaient vécu quelques années auparavant, et qui ne cachaient pas leurs inquiétudes devant l'évolution de la situation. Depuis, la même évolution se confirme, ayant pris des traits encore plus inquiétants.
Ce qui était possible en Egypte en 1990 ne l'était deja plus lors de son séjour d'un an en 1995, et ce qui était possible
lorsque il y était ne l'est plus aujourd'hui.
Reconnaissant que nous avons en Egypte affaire à un Islam durcissant, populaire, et dont le controle échappe a l'Etat, a son grand dam d'ailleurs. Il s'agit d'un Islam primaire, illettré, car les Egyptiens, comme moult musulmans d'ailleurs, connaissent peu ou pas le Coran. Ils sont par exemple persuadés que l'excision est directement extraite du Coran, ce qui est totalement faux. L'Egypte est, à sa connaissance, le seul pays du Tiers-Monde ou les ONG ne parviennent pas a faire reculer l'excision. Et en Egypte, l'excision provoque des ravages dont quasiment personne n'a idée en Occident : c'est un massacre a l'échelle industrielle.
En plus de cet Islam populaire, dur et vindicatif, il a la loi. La charia n'est pas appliquée stricto sensu en Egypte, sinon
ca se saurait, mais le code pénal égyptien ne contient que des lois qui ne sont *pas incompatibles* avec la charia, attention
au détail. C'est la célébrissime université d'El Azhar, un repaire d'extrémistes, qui donne son aval ou pas. Autrement dit,
une loi n'a pas besoin d'être tirée du Coran pour être validée, mais elle ne doit pas entrer en contradiction avec lui.
Il en résulte un mélange un peu schizophrene entre certaines lois qui sont exactement les mêmes qu'en Occident, et d'autres qui pêchent gravement. Ainsi, en Egypte, un homme a le droit d'interdire la sortie du territoire a son épouse, *quelle que
soit la nationalité de ladite épouse, sur simple coup de fil à l'administration égyptienne ?
Nous avons la un cas où, à la fois, l'Islam dans son influence oficielle sur l'Etat, et dans sa réalité vécue, sont tous deux
incompatibles avec les droits de l'homme. cf. les homosexuels récemment condamnés à la prison en Egypte.
En revanche, dans d'autres lieux, il y aurait d'autres Islams. Ayant voyagé dans toute l'Algérie, d'Alger a Tamanrasset et de la frontiere tunisienne a celle du Maroc, notre érudit aurait aussi vu l'Islam (bien sûr), mais un autre Islam n'ayant rien a voir avec celui qu'il aurait cotoyé en Egypte. Rencontrant en Algérie, et souvent, des gens qui prennent le Coran non a la lettre, mais dans son esprit. Une espèce d'Islam critique, pourrait-on dire, avec des personnes dont le comportement quotidien était empreint de sainteté, pour qui le mot "miséricorde", tant répété dans le Coran, prenait tout son sens, et les faisait vivre nimbés d'un altruisme permanent et d'une communication quasiment directe avec Dieu. Il ajoute que c'était absolument fascinant, surtout dans le contexte du début de la guerre qui a ravagé pendant dix ans ce malheureux pays.
En ce cas, d'après lui, les Droits de l'Homme et l'Islam se rejoignent dans leur substantifique moëlle qui n'est autre que l'altruisme. Il s'agirait d'un cas ou l'Islam vécu dans la rue fait barrage à la raison du plus fort, comme avec les Droits
de l'Homme, mais par un autre biais, celui de l'individu et de sa conscience.
Autre exemple, au Sénégal, la confrérie soufie des Mourides est une secte extrêmement puissante qui se bat pour que les jeunes aient un travail et un avenir, quelle que soit leur origine sociale. Et qui réussit. Nous avons la des mystiques musulmans qui prônent le droit à l'epanouissement personnel, dans un pays laïc et désormais démocratique comme l'ont montré les dernieres élections, et dont les lois sont les mêmes qu'en Occident. Là ou les lois occidentales échouent a
promouvoir le droit a l'épanoussement personnel, ce sont des mystiques soufis qui relèvent le défi.
Même en Egypte, il aurait vu des gens du peuple (à Shobra notamment !), qui pratiquaient un Islam personnel, individuel, intérieur, totalement articulé autour des préceptes de base du Coran : des gens qui faisaient leur cinq prieres, qui faisaient le ramadan, qui pratiquaient l'aumône; mais qui voyaient le monde justement sous l'angles de Droits de l'Homme, et
qui le mettaient en pratique, notamment vis-a-vis des femmes. Pour ces croyants profonds et sinceres, l'Islam et les Droits de l'Homme étaient complémentaires. La foi leur apportait une vision civilisée du monde humain qui allait plus loin que le noyau de base qu'exigent les droits de l'Homme. Du Coran, ils avaient dépoussiéré la lettre du texte de tout
ce qui leur paraissait négatif, pour ne garder que le sens profond de message du prophète Mohammed, un message qui leur était lumiere et qui, surajouté à l'influence de l'Occident, produisait un composé harmonieux. Pour lui, ces individus allaient plus loin que nous dans les droits de l'Homme, car ils les pratiquaient dans la vie quotidienne, dans un pays pourtant miné par l'intégrisme.
En Tunisie, il aurait vu, la nuit, dans des ruelles médiévales dignes des mille et une nuits, des femmes couvertes de
la tête aux pieds. Mais un oeil inquisiteur percevait nettement la transparence de la tenue, qui laissait voir les sous-
vêtements, en pleine nuit et en pleine rue ! Des femmes voilées de la tête aux pieds, mais qui montrent
leurs charmes mieux qu'une Occidentale, arriverions-nous à le croire ? J'avoue que j'ai des doutes...
La question de la compatibilité de l'Islam avec les droits de l'homme : dans le pire des cas, oui, il y aurait une incompatibilité rigoureuse, flagrante, totale. A ce constat, sur lequel nous étions tombés d'accord, il opposait toutefois son expérience vécue pour affirmer que, dans le meilleur des cas, c'est la pertinence même de la question de la compatibilité qui vole en éclat, car alors, l'Islam irait parfois plus loin que les Droits de l'Homme, parce que subsituant un vécu authentique de l'homme civilisé à des Droits écrits mais franchement loin d'être toujours appliqués dans la réalité des pays démocratiques.
Malheureusement -comme il le reconnaît lui-même- cette version d'un Islam apaisé et civilisé n'est pas en voie d'épanouissement dans de nombreux pays musulmans et là même où il existe, il est en perte de vitesse, notamment auprès des jeunes générations. L'exemple de la Turquie est -à cet égard- assez révélateur et ne permet donc pas de se rassurer sur l'avenir.
Il est donc incontestable que l'Islam reste une religion dogmatique et archaïque, toujours susceptible de générer un retour aux sources proche du fascisme et d'un intégrisme redoutable pour les libertés individuelles et la tolérance envers les autres religions !
_________________ "L'Histoire est un mensonge que personne ne conteste." Napoléon
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