Voic un intéressant article : Davic C. Cassidy, A historical perspective on Copenhagen : What was Werner Heisenberg trying to tell Niels Bohr during his visit to Copenhagen in 1941, and what did he want from Bohr ?" publié dans Physics Today, july 2000, p.28-32
https://history.aip.org/exhibits/heisen ... hr1941.pdfLe titre étant sous forme de question, on s'attend à une énième esquive du rôle de Heisenberg et de son engagement en faveur des nazis, mais non ! Sans y aller aussi franchement que moi, Cassidy est persuadé que Heisenberg a essayé de se servir de Bohr :
"The
broader historical setting and a fuller appreciation of
Heisenberg’s outlook and relationship to the war and to
fission research strongly suggest that he wanted to convince
Bohr that the seemingly inevitable German victory
would not be so bad for Europe after all. The alternative,
as Heisenberg later noted to his horrified Dutch colleagues,
was a Europe ruled by the Soviet Union. Having
witnessed a traumatic Soviet revolution in Bavaria as a
teenager, Heisenberg always considered Soviet domination
an even worse evil than Nazi domination.
What he apparently wanted from Bohr was for Bohr
to use his influence to prevent Allied scientists, who were
surely far behind the Germans, from working toward
building a bomb that could be used against Germany"
résumé : 1-il vaut mieux une Europe nazie plutôt qu'une Europe communiste, il faut donc soutenir l'Allemagne et Hitler contre l'URSS et Staline (sept 41 on est en pleine guerre à l'est) ; 2-Bohr doit faire comprendre cela aux Alliés et leurs scientifiques afin qu'ils bloquent tout développement de bombe atomique qui pourrait être utilisé contre l'Allemagne. 3-Les Allemands sont beaucoup plus avancés que les Alliés sur la bombe.
On voit que sa conclusion est beaucoup plus proche de la notre que de celle de Powers et d'autres. Il est très proche de la vérité, mais il ne va pas assez loin à mon goût. Il décrit Heisenberg comme un homme dépassé par les événements etc... alors que bien au contraire, il s'est engagé en faveur de l'Europe nazie un point c'est tout et il a mûrement réfléchi tout ça. Cassidy aurait du affuter ses armes un peu plus. En effet, il ne s'agissait pas d'une simple entrevue, le contexte était réfléchi, Heisenberg agissait sans aucun doute de concert avec Weiszacker et le gvt allemand etc. (voir ce que j'ai déjà écrit).
Mais l'article de Cassidy est très intéressant, car il est beaucoup plus critique que la plupart de ce que j'ai lu sur Heisenberg jusque-là, il montre le côté conservateur de Heisenberg, déjà plutôt favorable aux nazis dès avant 1939 (!) :
" his participation from 1936 onward as a
reserve corporal in a German mountain infantry unit,
despite his personal aversion to the Nazi cause. Although
all adult men under the age of 45 were required to participate
in reserve training, for Heisenberg it was more than
a mere duty. For example, during the Sudeten Crisis of
1938, Heisenberg expressed no regret as he and his unit
prepared to strike into neighboring Czechoslovakia. War
was narrowly averted at the last moment when the Western
European nations appeased Hitler at Munich by ceding
the Sudetenland to Germany without a fight. Heisenberg’s
only reaction afterwards was one of detached resignation
toward Hitler’s war aims and toward the marching
orders that he well knew could end his life. Writing to his
mother as his unit placed its weapons back in storage for
the time being, he noted: “It is strange to think how the
fate of every individual and the deaths of many hundreds
of thousands can hang on the decision of one man"
Cassidy montre une photo de Heisenberg fier de poser aux cotés de son père en uniforme pendant la guerre de 14-18, et fait la suggestion (exacte à mon avis) qu'il a du vivre
douloureusement la révolution communiste de Bavière en 1918-20
"Having witnessed a traumatic Soviet revolution in Bavaria as a
teenager, Heisenberg always considered Soviet domination
an even worse evil than Nazi domination."
Il est dommage que Cassidy n'ait pas fait là le rapprochement avec un certain Adolf Hitler !
En conclusion, la vision de Cassidy (2000) concernant la rencontre de Copenhague reste malgré tout trop prudente à son tour, même si elle marque un progrès par rapport à Powers (1992).