Hitler élu démocratiquement : la formule se trouve encore couramment en ce début de 2009, au point que je fais le voeu de lui porter le maximum de coups.
Une variante un peu moins clairement fausse est volontiers émise, même par des spécialistes : il serait parvenu au pouvoir "légalement".
C'est notamment ce que Michel Boisbouvier vient d'affirmer ici même, dans le fil qu'il a ouvert sur "la démocratie, poison violent" :http://www.delpla.org/forum/viewtopic.php?p=2564#2564
Citation:
je propose de revenir en arrière et de reprendre : "Est-il vrai que Hitler soit arrivé légalement au pouvoir ?" comme cela a été souvent dit par les meilleurs auteurs dont Raymond Aron.
Les liens BBC fournis par Paul Ryckier (merci Paul Ryckier !) ne laissent plus la place au doute.
Il existait bien dans la Constitution de la République de Weimar un article 48 qui équivalait à l'article 16 de notre Constitution actuelle (merci Daniel Laurent !) et qui donnait au Président de cette république le droit de suspendre les libertés : habeas corpus, liberté de la presse...
Or, le Président ce n'était pas Hitler, mais Hindenburg, régulièrement élu à ce poste.
Il a signé l'arrêt.
Ensuite, il est exact encore que les élections de mars 33 n'ont donné que 44% des voix à Hitler et que ce n'était pas une majorité ni en voix ni en sièges, surtout que pour changer la Constitution il fallait les deux tiers des voix parlementaires, donc des sièges.
Or, pour obtenir ces deux tiers, Hitler eut recours à deux procédures aussi classiques que légales.
1/ Il fit invalider par le vote parlementaire les députés d'extrême gauche, communistes essentiellement et certains socialistes. Daladier n'en fit-il pas autant en 1939 ?
2/ Il passa des alliances avec le Centre catholique, le Zentrum.
(On comprend que Gisevius l'ait appelé: "Adolphe le légaliste".)
Hindenburg confie le pouvoir à Hitler à une condition, parfaitement catégorique : pas de nouvelle dissolution (il y en a déjà eu deux en 1932), et plus de gouvernement sans majorité à coups d'article 48 (complètement détourné, soit dit en passant, de son objet). Donc, entente OBLIGATOIRE avec le Zentrum, et on comprend pourquoi : de même que la droite allemande prétend ne pas se livrer pieds et poings liés aux nazis mais bien les contrôler en ne leur donnant "que" la chancellerie et le ministère de l'Intérieur, de même elle entend les encadrer au Reichstag en les obligeant à une grande coalition. Or dès le 31 Hitler sabote les négociations avec le Zentrum puis se précipite chez Hindenburg en disant qu'il n'y a pas d'entente possible et en lui arrachant un décret de dissolution.
De même, ce jour-là, la chancellerie publie un décret disant que l'Allemagne "reconnaît et applique les décrets qu'elle a signés"... ce qui revient à renier Mein Kampf, cette longue imprécation contre Versailles, alors même que le réarmement clandestin est immédiatement encouragé.
L'illégalité est ORIGINELLE. Et la mollesse face à elle, en Allemagne et dans le monde, parfaitement indépendante des régimes politiques. C'est de paix et de guerre qu'il est question, et tout le monde ou presque, pour des raisons diverses, a envie de croire que la guerre n'est pas fatale.
Encore un mot :
Citation:
Il fit invalider par le vote parlementaire les députés d'extrême gauche, communistes essentiellement et certains socialistes. Daladier n'en fit-il pas autant en 1939 ?
Je ne me souviens pas qu'il y ait eu des socialistes invalidés. Je suis sûr qu'il s'agit d'une mesure du ministère de l'Intérieur, nullement soumise au vote de la Chambre. Je rappelle que le prétexte, l'incendie du Reichstag attribué aux communistes, n'a rien à voir avec celui qu'invoque Daladier (le refus des invalidés de désavouer l'entrée soviétique en Pologne puis en Finlande, refus présenté comme une complicité avec l'Allemagne, avec laquelle la France est en guerre -une guerre que certes elle ne fait pas, ce qui fait apparaître la conduite de Daladier sous un jour peu séduisant et bien peu démocratique, mais pas nazi tout de même !).
Mais surtout : prétendre qu'après avoir incendié le Reichstag et orienté l'enquête sur de fausses pistes, les nazis sont dans la légalité en accusant les communistes et en les privant de leurs mandats électifs, c'est assez pittoresque !
PS : merci de donner les liens quand tu cites des internautes. Ryckier, c'est où ?