Soyez de dociles ministres de Pétain puis défendez, après la guerre, sa politique : quelles que soient vos contorsions et vos contradictions, il y aura toujours un Boisbouvier pour vous trouver rectilignes !
C'est Abetz qui l'écrit, sur le moment, à sa hiérarchie et d'après moi (encore bien isolé sur cette position) il ne la désinforme jamais : Vichy, fin décembre 40, s'est déchiré sur la question du départ vers l'Afrique du Nord, Darlan et Chevalier influençant finalement le maréchal dans le sens du statu quo.
Or la tendance adverse, animée, nous en sommes d'accord, par Peyrouton, avait aussi Bouthillier pour pilier. Il est tout à fait inconcevable qu'il n'ait rien su, de même qu'un Baudouin, principale victime immédiate du renoncement. L'absence de toute mention de cette velléité dans les livres de ces trois messieurs (y compris, donc, Peyrouton) est emblématique de l'entente entre ces huiles pour présenter un dossier commun (même si des nuances existent, du fait que chacun défend avant tout sa paroisse).
Certes ce projet de départ avait des motivations patriotiques, qui pouvaient être utilisées (et le sont, du bout de la manche, par les avocats de Pétain lui-même) pour prouver que Vichy n'était pas si collabo que cela. Mais cette révélation était à double tranchant : comment justifier le recul ? N'était-il pas une confirmation éclatante du fait que, par l'armistice même, Vichy s'était lié pieds et poings ?
Je rappelle que les avocats du maréchal, par le témoignage de Chevalier, tentent de faire croire que c'est la prudence halifaxienne qui a fait pencher la balance : le ministre de l'Instruction, ami de Halifax, serait allé trouver le maréchal pour lui dire que Churchill prenait trop de risques et qu'Halifax probablement était moins chaud pour voir Vichy à Alger.
C'est de cet indice qu'est parti le témoin de 14 ans Robert Courrier, devenu historien amateur, dans son mémoire de 1997 : se trompant sur la date de la prise de fonction de Halifax à Washington (fin janvier, seule sa nomination étant de fin décembre), il a déduit de la présence de son nom dans le dossier qu'il s'agissait d'une intervention de Roosevelt.
Ce que j'en pense, moi ? Que Chevalier est sans doute intervenu (il en est question sur le moment dans un coup de fil entre Charles Courrier et le ministère), et peut-être avec l'argument ci-dessus, mais que probablement l'intervention de Darlan (mentionnée par Abetz) a pesé le plus lourd (puisqu'il fallait des navires, et qu'il les dirigeait tous)... c'est-à-dire l'intervention du Führer en personne, qui chapitre Darlan à Beauvais le 25 décembre.
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