François Delpla a écrit:
Jean, infiniment moins noyeur de poisson que Michel, l'est quand même quand il pinaille sur la destination de la lettre de Stülpnagel, publiée en annexe du premier des cinq volumes de documents de la délégation française à Wiesbaden : elle est logiquement adressée à Huntizger, son homologue français. Si Weygand se trompe ou tire la couverture à lui dans ses mémoires en se disant destinataire, tant pis pour son livre qui n'est déjà pas d'une fiabilité absolue mais ment en général, ou truque, sur des objets plus importants.
Non ! La lettre est bien destinée au gouvernement français et le canal, c'est Wiesbaden ! Weygand est ministre de la guerre, c'est donc à lui qu'est destinée la lettre de Hitler. Quel intérêt aurait-il a écrire un tel ultimatum, car c'est bien un ultimatum à un simple général français ?
Pour y venir, justement, une petite nuance aux saines mises au point de Léon : Hitler ne cesse pas fin 1940 de ménager l'Angleterre, il le fait jusqu'à la veille de son suicide, suivant des modalités diverses induites par le déroulement de la guerre.
Où est-ce que tu as vu ça ? Le premier projet de Hitler après la campagne de France, c'est d'en terminer avec le seul ennemi qu'il lui reste: l'Angleterre ! Après l'échec de la bataille d'Angleterre, prémices à un futur débarquement, après l'échec de Hendaye et de Montoire, il va changer de stratégie en essayant de jouer l'Angleterre contre les soviets. Hitler au summum de sa gloire ne veut ménager personne. Ni les Anglais, ni les Français, comme il n'a pas ménagé les Polonais ou les Tchèques
Dans cette forme bien particulière des rapports humains, celui qui veut la paix est bien obligé de cogner, tout est dans le dosage des coups et la porte de sortie qu'on laisse à l'adversaire.
Barbarossa est décidé, et obtient l'exclusivité dans les projets d'attaque, en juillet 40 (directives orales de Hitler aux généraux rapportées par le très fiable journal de Halder). Cela signifie une chose : on n'attaquera pas ailleurs, sauf a minima en cas de besoin extrême, et sauf si cela permet de déployer des troupes contre l'URSS (cas des Balkans en mars-avril 41).
Un effort suprême pour la paix avec l'Angleterre est fait en mai, avec des coups de boutoir et des intrigues destinés à faire chuter Churchill et l'envoi à tous risques de Hess pour hâter le processus.
Je suis donc d'accord sur un seul point avec Michel et peut-être Jean, concernant le 13 décembre : le renvoi de Laval, provoqué par l'affaire du retour des cendres (donc par Hitler) l'est en raison de l'avancement des projets contre le Tchad... parce que Hitler n'en veut surtout pas, mais ne veut pas non plus qu'on sache que c'est lui qui stoppe le processus : voilà pourquoi Napoléon 2 ne repose pas en paix dans sa crypte viennoise.
Le "retour des cendres" a été suggéré par Benoist-Méchin par Abetz interposé. Ce n'est pas une initiative d'Hitler, mais une "idée" de rapprochement franco-allemand. Le Maréchal va tout faire râter. Cérémonie lamentable !
Mais dites-moi, nous sommes en train de voir Hitler comme un stratège ? eh oui. C'est l'image archaïque (et également induite par lui-même) du gosse mal élevé fonçant sur tout ce qui lui fait envie qui a paralysé la recherche pendant un bon demi-siècle, fait prendre au sérieux les projets contre Gibraltar etc.
Hitler avait un solide Etat-Major qui lui présentait différentes stratégies. Mais c'est lui qui avait le dernier mot. A ses généraux qui foncent dans la motte de beurre française, certains de n'avoir plus rien devant eux, il ordonne de s'arrêter. Il répond favorablement à la demande d'armistice française, laissant échapper la flotte des ports de l'Atlantique et arrêtant encore ses généraux là où ils sont arrivés au jour de l'armistice (les faisant même reculer en certains endroits!) Pourtant, c'est vrai, en s'emparant de Gibraltar, il faisait de la Méditerranée un espace stratégique italo-allemand. Erreur ! C'est ce qui provoquera d'ailleurs la colère de Rommel, et sa défaite.
De ce point de vue, Paxton et Robert Aron méritent le même Purgatoire !
Oh que non ! On est prié de ne pas mélanger les torchons et les serviettes !