François DELPLA

Livre d'or

Par Thierry Kron

Lisant vos commentaires sur la RdL et n'y comptant plus y avoir l'envie d'y commenter,
je signe votre livre d'or.
Toujours avec plaisir,
Thierry Kr [Suite...]

Livre d'or

 
Rss Un texte de Marc Gébelin sur ma bio de Hitler
Hitler, le troisième Reich et l’homme nouveau du XXe siècle



« L’homme nouveau vit au milieu de nous. Il est là, s’écria Hitler d’un ton triomphant. Cela vous suffit-il ? Je vais vous dire un secret. J’ai vu l’homme nouveau. Il est intrépide et cruel. J’ai eu peur devant lui. (Rauschning, « Hitler m’a dit ».
En quoi cet homme et son régime furent-il nouveaux? En ce qu’il résolut en sa personne l’énigme entre intention d’un homme et la situation historique où elle se produit. Le dictateur maîtrisa-t-il ses actes et leurs conséquences de bout en bout ou finit-il par en perdre le contrôle? Son intention de départ se réalisa-t-elle ou bien l’enchaînement des décisions faisant boule de neige, l’avalanche finale résulta plus de sa masse que de la secousse originelle qui la déclencha? Les contraintes dans lesquelles l’évènement eut lieu rendirent-elles l’intention secondaire? Hitler fit-il plus l’histoire qu’il ne fut fait par elle? Les actes des hommes n’ont-ils pas un résultat souvent autre que celui espéré ? Hitler fut-il cet « homme nouveau » à qui échut la liberté de faire tout ce qu’il voulut? Celui que l’Histoire attendait pour enfin montrer sa « face cachée » et sacrer son Acteur ?

Disons que les intentions d’Hitler ont fonctionné. Il fut le bon petit soldat qui porta haut la flamme de l’intention anti-juive européenne comme aujourd’hui l’athlète dopé porte haut le drapeau du sport financiarisé mais ne le dira jamais sauf à perdre son gagne pain. Champion inégalé d’un marathon non inscrit au programme du comité olympique, Hitler a de cette puissante flamme, illuminé les parois du long souterrain des haines qui court sous l’écorce raisonnable du monde, les a unifiées, s’en est fait le propagateur tranquille, enjoué, malin -parfois hystérique quand sa voix exaspérée galvanisait les foules dans les stades-, mais en règle générale sans haine inutile. Il disait aux "démocrates" qui le critiquaient : Vous dites ne pas être antisémites, alors prenez-les mes Juifs, si vous les aimez tant, je vous les donne! Personne n’en voulait y compris les Usa émigrationnistes dans l’âme. Aucun pays n’ouvrit ses frontières à ces sujets d’exportation qui nuisaient à l’identité nationale. A ces haines, à ce mépris, qui à son époque s’exprimait librement partout en Occident, il a donné forme, offert le creuset de son intelligence, de ses ruses, de son art de la mise en scène, de ses qualités de grand politique et de grand comédien. Voilà son intention. Il voulait une Allemagne "Judenrein", pure de Juifs. Il l’eut.

La haine, tant que sa flamme ne rencontre pas le combustible approprié, reste diffuse, diluée, n’est pas dangereuse, est la chose au monde la mieux partagée. C’est quand elle se concentre en une personne, qu’elle atteint sa masse critique et produit la foudre. C’est comme l’intelligence : dispersée dans tous les cerveaux elle est moyenne, faite de nous des êtres pensant, mais petits. Quand soudain elle décide à se masser en un seul, elle engendre le génie, génie qui estimera avoir pour mission de s’occuper de toutes les intelligences moyennes pour les hausser à son niveau. Etre un génie c’est bien, mais obliger le monde à l’être avec soi, c’est mieux. Faire le bonheur des gens malgré eux, les hausser à la hauteur de son intelligence, est le désir et le devoir de tout dictateur. Du moins, il s’en persuade. En même temps, il sait -et il a tout autant raison- qu’un cerveau ordinaire porté par cet homme moyen, ne peut prendre des décisions radicales dans un domaine aussi complexe que le domaine de la politique où le "bien" se présente souvent comme un "mal". Pour cela, il faut que l’homme moyen ait un Führer, un guide animé d’une volonté de puissance. Hitler le fut.

Il consacra sa vie à mettre en œuvre une politique que personne à sa place n’aurait osé. C’est la thèse de François Delpla dans son premier livre sur Hitler, écrit il y a déjà dix ans. Thèse qui soulève paradoxalement, rancœur et jalousie partout chez les professionnels de l’histoire et chez ceux qui n’en connaissant qu’un aspect particulier, l’instrumentalisent pour des projets douteux. Si en effet pour l’historien une telle étude peut se comprendre à la fois comme un compliment mérité et une prise de distance radicale d’avec son sujet, pour les politiques, d’hier comme d’aujourd’hui, elle est la preuve de leur incurie. Aucun n’a eu et n’a aujourd’hui le talent d’Hitler, son charisme, sa volonté. On ne trouve rien d’équivalent à Londres, Washington, Berlin ou Paris. Il n’y a absolument personne. Au fil des pages, l’auteur nous persuade qu’il fallait un chef de son intelligence, de sa trempe, de sa carrure, un être en l’âme duquel n’agissait pas la moralité d’un "humain trop humain" mais bien d’un humain surhumain capable de voir l’homme ordinaire comme un animal peu évolué préoccupé seulement de son petit moi, un homme selon Darwin au fond, primate prétentieux luttant non pour sa sélection, encore moins pour son élection, seulement pour sa survie. De cet homme là, il fallait faire un homme nouveau à la hauteur de l’Histoire.

D’un autre côté, pour être ce génie, il fallait aussi qu’Hitler soit suffisamment impressionnable, souple, malléable dans le bon sens du terme, c'est-à-dire créatif, réceptif, penseur, artiste au fond, afin de laisser agir en lui cette rancune contre la ploutocratie, les Juifs, les communistes, responsables désignés des malheurs de l’Allemagne, la concentrer comme la loupe concentre les rayons du soleil, pour ensuite les diriger sur les millions d’êtres humains choisis pour être l’aliment de l’astre purificateur. Hitler est devenu au fil des ans un porteur conscient de haine comme un autre fut porteur des péchés du monde et cette lumière qui luisait dans les ténèbres, les enténébrés de son époque ne l’ont point vue. Magicien noir, au lieu de s’appliquer à guérir les défauts de son peuple, il lui en a suggéré de nouveaux. Il a rassemblé les lâchetés cachées de son époque, en a fait un bouquet de ruses et de palinodies, à la beauté puissante duquel le monde des Lumières s’est reconnu. Hitler eut le courage enfin de dire tout haut, de hurler, ce que l’Occident pensait de lui tout bas depuis des siècles : "Nous sommes les meilleurs, nous sommes supérieurs à toutes les autres races. Il est temps d’en faire la démonstration".

Ce qui l’a perdu pourtant ce génial cultivateur d’idées simples, ce manipulateur de peuples, ce capitaine hors pair de la péniche teutonne, ce grand inquisiteur de pureté raciale, curieusement, ce n’est pas son antisémitisme, son aryanisme de pacotille, sa ridicule croix gammée noire sur fond rouge, c’est beaucoup plus bêtement son respect pour les Britanniques régents du monde. Admiratif au fond du peuple qui dominait les mers, il aurait aimé que son peuple formé de saxons, teutons, prussiens, souabes, hanovriens, mecklembourgeois, frisons, bavarois, poméraniens, ses tribus au fond, dominassent les terres, avec lui comme Chef. A l’Angleterre la mer, à l’Allemagne la terre. C’est pourquoi, tel Napoléon -arrivé comme lui sur les bords de la Manche-, après un arrêt des hostilités en aucun cas justifié par une infériorité militaire, il prit la décision non de détruire l’Anglais coincé à Dunkerque et de traverser ensuite le Channel (1), mais, après quelques fausses hésitations et une punition infligée à ces incorrigibles insulaires, dès le mois d’août 1940, il convainquit ses généraux de se battre sur deux fronts, que l’avenir de l’Allemagne se jouerait à l’Est contre le vieil ennemi slave, vers les riches terres d’Ukraine et le pétrole de la Caspienne. La deuxième chose qui l’a perdu c’est l’hybris, déesse qui veille au destin du monde et châtie les orgueilleux. Sa haine des Untermenschen, portée à son paroxysme, s’est retournée contre lui. Les haïs sont devenus haineux. D’abord les Russes dans leur contre offensive impitoyable, ensuite les Juifs, qui, bien que piégés par une idéologie fondée comme la leur sur le sang- obligèrent, par ruse et par pressions, l’Allemagne à payer longtemps après la guerre, de fortes réparations. Récemment encore, à offrir à l’armée israélienne des sous-marins lance-missiles pour intimider les nouveaux antisémites que sont devenus -d’après les brillantes analyses du trio Bernard-Henri, Alain et André-, les hordes musulmanes de l’Oumma. Enfin les Anglais, ces descendants des Angles, qui, bien que non considérés comme Untermenschen par le Führer, étaient, sont restés et resteront longtemps encore d’irréductibles mangeurs d’Allemands. Ces Angles, vaguement mâtinés de Saxons, frottés de Vikings, qui, par leur méchante politique "diviser pour régner" brisèrent autant qu’ils le purent les intérêts germaniques en Europe et ailleurs et par qui, tant de sang fut versé sur le continent pour satisfaire leur impériale grandeur. Mais cela est une autre histoire. (2)

Au premier rang des haïs donc, se trouvaient les Juifs et les Slaves, deux groupes humains s’inscrivant dans l’esprit de Hitler dans le magique et unifiant concept de judéo-bolchevisme. Un incarnait soi-disant une race, l’autre un système politique inventé par ladite race, laquelle avait pollué la russe par une longue cohabitation. Le mélange en était l’idéologie communiste. Idéologie si belle, si juive, si élective, si en avance sur son temps, qu’il fut admis de la ressusciter dans l’Israël des années cinquante pour faire croire aux pauvres migrants déportés des quatre coins du monde en "terre promise", que le soleil d’une nouvelle parousie allait illuminer une Jérusalem injustement arabe et y implanter, là aussi, un homme nouveau. Juifs et Slaves incarnaient ce judéo-bolchevisme -frère du judéo-christianisme-, deux idéologies prétentieuses qu’un Herrenvolk dominateur et sûr de lui, ne pouvait tolérer. Voilà pourquoi ils furent haïs et détruits autant qu’il fut possible avec des moyens formidables.

Dans son Drang gegen die Juden, pulsion anti-juive, couplée à son Drang gegen die Slawen, pulsion anti-slave, Hitler a exaucé les vœux secrets de l’Occident. Il s’est chargé d’exterminer la Russie soviétique avec des forces et une volonté colossales alors qu’avant, tous ceux qui avaient tenté d’abattre le monstre, Anglais compris, l’avaient fait sans conviction et sans grands moyens. C’est pourquoi il ne comprit pas que l’on ne l’aida pas suffisamment dans cette tâche qu’il estimait de salubrité publique. Le communisme ne fut-il pas perçu par les « démocraties », dès 1917 -date clé du siècle pour les Juifs (déclaration Balfour du 2 novembre) et pour les Russes qui font la révolution quatre jours plus tard-, comme l’incarnation du mal, de l’anti-Christ? Hitler eut l’honnêteté de leur dire à ces démocrates : Vous voulez qu’on s’en débarrasse du bolchevik ? C’est bon, je m’en charge mais ne faites pas les hypocrites, aidez-moi. Pétain a aidé avec des idées novatrices sur le travail, la famille, la patrie et avec une légion, une milice et une police. Les Yankees aussi en faisant patte de velours devant les triomphes nazis et en continuant à fournir au Reich, la guerre déjà engagée, capitaux et camions. Franco et Mussolini ont rivalisé d’ardeur pour témoigner de leur approbation hargneuse. Suède, Roumanie, Hongrie, Bulgarie, Belgique, Croatie, ont apporté dans le berceau de la nouvelle civilisation le présent de leur antisémitisme endémique et eugénique. Le pape Pie XII ne fut pas en reste mais avec le lait et le miel diplomatiques. Churchill, qui incarna in extremis la résistance, faillit être subjugué bien que, dit-on, le racisme biologique du Führer le révulsa. Les dix années avant 1940, l’anticommunisme était comme le bon sens cartésien, la chose au monde la mieux partagée, la vitamine des bourgeoisies de l’ouest, et la britannique qui sentait ses colonies menacées par l’URSS, était en première ligne pour vouer l’ours communiste aux gémonies. Dieu merci, l’ange gardien de Winston, pas anti-communiste pour un sou, lui inspira au dernier moment une forte haine du cousin saxon. Haine qui s’affermit dans la conviction que les Anglo - moins Saxons que jamais - doivent continuer à régir le monde. Par la hargne de Sir Winston, "God saved the Queen" et England blieb "über alles" (3)… Si Pie XII eut tant de "discernement" dans une tâche difficile, c’est qu’il vit d’abord ce moustachu à la mèche rebelle et au regard de glacier, comme le Sauveur du monde chrétien menacé de communisme athée. Menacé non seulement de communisme (ce christianisme "mis à la portée des caniches"), mais, à plus long terme d’orthodoxie byzantine. On peut être sûr que si Hitler avait vaincu l’URSS avec la bénédiction papale, le monde unanime eût pardonné les massacres de millions d’innocents dont on aurait mal apprécié le nombre dans le bilan général de la guerre. Les camps de concentration auraient été démantelés soigneusement, les fosses communes approfondies, la chaux vive versée à profusion. Plus aucun vestige ne serait venu prouver quoi que ce soit et un Jan Karski (4) serait passé pour un affabulateur. Le secret se serait gardé assez longtemps pour que tout se fonde dans le ragoût d’une Histoire au fumet maudit, comme se sont fondus traite négrière et massacre des Indiens et comme se fondront bientôt en elle, faute de communicants bien payés, Vietnam, Laos et Cambodge détruits pour plusieurs générations à l’agent orange, Rwanda purifié de ses « sous-nègres », Afghanistan martyrisé, Irak amputé et irradié à l’uranium appauvri, Palestine cancérisée et tous les Darfour des haines à venir. On n’aurait même pas eu besoin de révisionnistes et le sieur Gayssot, ce communiste bénévole, aurait pu tranquillement limiter son activité aux transports métropolitains. Certes, il y aurait bien eu quelques absents à l’appel, certains Français de souche auraient parlé de leurs voisins en disant étonnés aux enquêteurs venus frapper à leur porte dans les années quatre vingt : « Oui, en effet, depuis un certain jour de juillet 1944 les Goldstein sont partis et ne sont pas revenus, ils ont dû, comme beaucoup, regagner la Terre Promise »... C’eût été le vœu d’Hitler qu’après lui on s’exprimât ainsi, d’où son intelligente discrétion dans le montage de la Endlösung. Aucune déclaration officielle, aucun document signé de sa main. Seuls des discours brûlants aux foules joyeuses des stadium, des airs de Wagner fredonnés sur les pentes de l’Untersberg, une présence appuyée à Bayreuth, des visites à la sœur de Nietzsche, des confidences à Martin Bormann, des propos de table... Rien. Pas grand chose. Pas de journal officiel. Pas la moindre intention n’est entrée en officiellement en fonction.
Delpla citant Burin, p. 370 de son livre, dit: « Le 31 juillet [en pleine offensive victorieuse donc contre l’Urss] Göring demande par lettre à Heydrich de proposer un plan de « solution d’ensemble de la question juive » mais ajoute pertinemment: « Cette demande ne prouve pas l’existence d’un projet où l’extermination prendrait définitivement le pas sur l’expulsion ou l’enfermement ». Citant encore l’historien suisse pour lequel « La décision du génocide germe dans l’esprit du Führer en septembre 1941 au moment où il constate que la progression en Urss est trop lente pour en finir avant l’hiver et que dès lors d’immenses difficultés attendent la Wehrmacht. Le massacre des Juifs est donc une vengeance préventive et une compensation magique de la défaite », il précise en substance et avec raison : "Quand Hitler attaque la Russie croit-on qu’il est sûr que l’entreprise sera facile ? Est-il assez bête pour sous estimer les Russes, ne doute-il pas que son armée aussi bonne soit-elle, va avoir du mal à mener une offensive éclair sur un front de 3000 km, qui va de la Baltique à la Caspienne" ? La Russie en effet, n’est pas la Pologne, atteindre Moscou ne se fera pas par une "percée de Sedan"... Mais s’il n’avait pas attaqué la Russie, peut-on être sûr que le sort des Juifs eût été meilleur ?

Une bonne analyse doit séparer les deux -échec en Russie/Endlösung- tout en les tenant ensemble. On constate simplement que la solution finale avance avec la guerre à l’est, est à sa remorque, suit sa progression, que les Einsatzgruppen n’ont pas fait la campagne de France. Dans l’esprit d’Hitler, il semble que chaque soldat allemand tué à l’est doit avoir son compendium en un Juif assassiné. Hitler pratique la magie, est une sorte de dieu sanguinaire mais de dieu juste. Il opère un sacrifice dans la bonne tradition païenne pour se concilier les dieux de la guerre, accomplit, à une échelle démesurée, une sorte de messe noire. Œil pour œil, sang pour sang, cadavre pour cadavre… Mais tout cela, loin de l’autel. Ces sacrifices, il ne les voit pas de ses yeux, ne les accomplit pas de ses mains, ne reçoit vraisemblablement pas de rapports quotidiens ni de statistiques de Treblinka ou de Sobibor au moment où la Machine tourne à plein régime. Il est le grand sorcier mais pas le grand boucher, il délègue, fait confiance à ses SS, n’a jamais visité un vrai camp et quand il visite Mauthausen dans son pays natal, il ne manifeste aucunement le désir d’assister à une douche de "démonstration" dans un sanitaire modèle. En 1924, l’intention d’éliminer les Juifs ne fit pas germer dans son esprit l’idée du Zyklon B, il n’en imagina pas personnellement la formule. En 1939, les camions gazeurs c’était peut-être son idée mais il faut avouer qu’un si pauvre artisanat n’aurait jamais pu donner la solution finale. Peut-être qu’à un moment il crut sincèrement au projet Madagascar puis à la solution trekking mortel en Sibérie. L’idée acide prussique, même si elle éveille un souvenir de 1918 où il perdit provisoirement la vue, est avant tout un trait du génie des chimistes allemands. Sans eux, qu’aurait fait le puissant Führer? Sans les firmes allemandes qui construisirent les installations funèbres perfectionnées, son génie aurait-il pu inventer un gazage de plein air? On aimerait un jour qu’un historien fouineur subtilise les protocoles des firmes qui inventèrent et construisirent les fours et les douches à gaz et nous raconte qui passa commande, quels ingénieurs firent les propositions les plus en pointe quels problèmes techniques furent surmontés après les premiers essais, bref quelle intelligence humaine technologique se mit à la disposition des abattoirs à hommes pour en provoquer le rendement maximum. On aimerait un jour qu’un initié nous conte par quels canaux il suivit le massacre et si, avant de se tirer une balle dans la bouche en avril 1945, il sut combien d’hommes anciens avaient péri dans les abattoirs de l’homme nouveau.
L’afflux de prisonniers russes et le nombre d’Untermenschen polonais déjà parqués dans des ghettos surpeuplés depuis fin 1939, représente une masse considérable dont il faut bien faire quelque chose. La déportation à marche forcée initialement prévue vers l’Oural est impossible. Les Russes y sont. Ne reste que l’extermination sur place où les nazis sont sans témoins. Pratiques comme le sont les Allemands, ils n’oublient pas de rentabiliser. Les camps d’extermination proprement dit, comme Belzec, Chelmno, Treblinka, etc, sont l’exception. Ces camps sont une thérapie de choc réservée aux SS, les Sous-Sorciers, les Sans-Scrupules, qui avaient besoin de jouir en dirigeant pour la première fois dans l’histoire, des abattoirs à humains. Ce sont les camps de prisonniers employés à la production de guerre qui sont essentiels. Le modèle est Auschwitz-Birkenau au cœur de la Pologne, le camp qui fait saliver les "démocraties" par une prescience de ce qu’un capitalisme pur et dur pourrait produire si les hommes avaient l’audace d’un "Arbeit macht frei" musclé et non d’une concurrence mal faussée qui cause un insupportable gaspillage. Mais Volkswagen en Allemagne même, n’était pas moins Arbeit macht frei avec les prisonniers russes que les kapos de Birkenau. L’Allemagne était la concentration personnifiée. Un concentré de Konzern, d’Allianz, de ploutocratie Krupp, de Thyssen et de VW, noble firme qui donna aux générations d’après guerre le cafard (Käfer en allemand), baptisé chez nous Coccinelle, et qui, par un salutaire secret d’entreprise, une coquetterie bien germanique, refuse toujours de livrer ses archives aux chercheurs, mêmes allemands!… Pourquoi la justice allemande si pointilleuse parait-il en ce qui concerne le racisme, l’antisémitisme et tout le flon flon humaniste, n’ordonne-t-elle pas à la VW de livrer ses archives? Quel Simon Wiesenthal lèvera le lièvre? Mais ne jetons pas la pierre, Volkswagen n’est pas la seule! Une autre firme qui ne construit pas de véhicules-du-peuple, de Volk-s-wagen, s’y refuse aussi. C’est une firme mondialisée qui sait d’expérience que les conducteurs d’autos de toutes marques auront un jour besoin d’être conduits eux aussi mais par des chauffeurs d’autant plus compétents qu’ils sont peu nombreux. Pour cela, il faut qu’elle reste blanche comme neige le plus longtemps possible, que la béatification de ses managers, se fasse sous les projecteurs. Le peuple chrétien les attend.

Le Herrenvolk fit donc la Guerre Sainte, l’ultime croisade des Temps Modernes. Les autres Volk l’alimentèrent par les camps qui concentraient et les différents STO qui obligeaient. Hitler, anthropologue averti, connaissait la tripartition indo-européenne: les guerriers faisaient la guerre, les paysans et les ouvriers fraisaient et labouraient pour eux, tandis que les Sans Scrupules, prêtres noirs de la Weltanschauung nazie, lisaient les signes du Temps dans la fumée des corps incendiés. Prêtres dont le Dieu Visible était Hitler flanqué de son dieu Invisible, son Ami de longue date, qu’on appellera pour simplifier Démon de la Jouissance de la Mort. Cet Etre que les historiens ne veulent pas voir car il ôte le rationalisme à leur recherche, conduit l’Histoire dans "l’impasse du mysticisme", cet Etre que Speer sent en mars 1943 quand Hitler lui rend visite pour son anniversaire. Delpla, p.402 :

« Je me levai lorsqu’il entra dans la pièce. Il vint d’un pas vif vers moi, me tendant la main. Cependant lorsque je lui tendis la mienne, je fus pris d’une extraordinaire impression d’étrangeté. Cela faisait presque six semaines que je ne l’avais pas vu, mais ça ne tenait pas à cela. Mon Dieu, cette tête effrayante, cet affreux gros nez, cette peau rude et blême… Qui est cet homme ? Et comme ces pensées traversaient en un éclair mon esprit, je fus pris d’une sensation de fatigue comme je n’en n’avais jamais connu ».

Cet Etre que Rauschning observe attentivement dans son livre, "Hitler m’a dit", cité par Delpla, p. 447 : « L’homme nouveau vit au milieu de nous. Il est là, s’écria Hitler d’un ton triomphant. Cela vous suffit-il ? Je vais vous dire un secret. J’ai vu l’homme nouveau. Il est intrépide et cruel. J’ai eu peur devant lui. En prononçant ces mots étranges, Hitler tremblait d’une ardeur extatique. Il me revint à l’esprit un passage de notre poète allemand Stefan George (4), la vision de Maximin. Hitler avait-il eu aussi sa vision? »
Hitler fatiguait ceux qu’il approchait... Hitler était visionnaire… Hitler voyait l’homme nouveau... en avait peur à cause de sa cruauté !... Voilà un aveu que peu ont relevé. Hitler apeuré par l’homme nouveau ! En fait, il se voyait lui-même se voyant dans un jeu de miroir magique, et les autres, sentant qu’il se voyait tel qu’il était, prenaient peur... Ils voyaient qu’il était hors de lui-même en compagnie de son Ami. En voilà une recherche historique originale. Assez éloignée des concepts terriblement abstraits d’Homme et d’Histoire, d’Intention et de Fonction!
Delpla ajoute, sans doute pour atténuer la lumière que la brutale "vision" qu’il eut d’Hitler à ce moment, lui procurait: « C’est en isolant ce propos de Hitler du commentaire qui le suit qu’on fait de Hitler un « initié », ou du moins, un homme se croyant en relation avec l’au-delà ».
Gardons-nous d’isoler et soyons rassurés. Hitler n’avait pas de relation avec quoi que ce soit, était totalement en deçà, un homme comme vous et moi. Socrate aussi était un homme. Jésus également. Hollande n’y échappe pas. Rien de ce qui est humain ne nous est étranger.

Voilà l’obscure clarté qu’a répandu et que répand encore sur le monde l’Homme Nouveau qui y règne plus que jamais.

Marc Gébelin

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NOTES

(1) Les spécialistes argumentent qu’Hitler manquait de moyens maritimes. Ce n’est vrai qu’en partie. Il maîtrisait le ciel et aurait pu de ce fait protéger efficacement ses transports de troupe contre la marine anglaise dans un corridor de 40 km de large où les vedettes rapides et les sous marins auraient fait plus de dégâts que les croiseurs. De plus, si l’armée anglaise avait été entièrement annihilée à Dunkerque que serait-il resté aux Anglais pour négocier, quand bien même Churchill eût déployé toutes ses ruses? On ne refait pas le monde avec des si mais les historiens de plus en plus font des hypothèses qui permettent de comprendre ce qui s’est passé « par défaut ». Delpla en est l’exemple. Sa démarche renouvelle nos idées sur la période. Hitler n’a pas attaqué l’Angleterre parce qu’il se sentait de la même race que les Anglo-saxons, mais il a attaqué les deux races inférieures unies en « judéo-slavisme ». Le bolchévisme étant la cerise sur le gâteau.

(2) "Bien avant 1914 les objectifs géopolitiques de la Grande-Bretagne comprenaient non seulement l’écrasement de sa grande rivale industrielle, l’Allemagne, mais, via les conquêtes de la guerre, l’acquisition d’un contrôle britannique sans conteste sur cette matière qui se révélait comme la matière première stratégique du développement économique à venir, le pétrole." (A Century of War, F. William Engdahl, p. 38). D’où l’idée Balfour en 1917 du foyer juif en Palestine dont la chaleur se fait de plus en plus brûlante aujourd’hui et qui est à l’origine d’un antijudaïsme que l’Europe, quelques trente ans plus tard, par la création d’Israël, vidangera au Moyen-Orient. Lequel antijudaïsme, appelé à tort antisémitisme par les Juifs de souche, sera le ferment du si bienvenu conflit des civilisations cher aux Etatsuniens, avec toujours à l’arrière plan, le pétrole.

Dans les années trente, les Juifs furent instrumentalisés par Hitler pour mener sa politique de revanche et d’expansion. Ils le sont maintenant par les Usa. Instrumentalisation qu’aucun dirigeant européen ne sent, presqu’aucun historien un peu averti de l’inconscient à l’œuvre dans l’histoire, ne détecte. Malins, les Usa, la main sur le cœur, font croire le contraire. Et ça marche! Comme le dit l’amusant proverbe juif : « Est-ce le chien qui remue la queue, ou la queue qui remue le chien » ? On ne peut encore dire qui gagnera à ce jeu du « bon toutou » mais les Juifs devraient savoir par expérience qui sera le perdant.

(3) "Dieu sauva la reine et l’Angleterre resta au dessus de tous". Hymne britannique mélangé au Deutschland über alles.

(4) Jan Kozielewski, né en 1914 à Lodz, en Pologne, meurt en 2000 à Washington sous le nom de Jan Karski, son pseudonyme dans la Résistance qu'il a rejoint après s'être battu lors de l'invasion allemande de septembre 1939. De janvier 1940 à août 42, Karski est l'émissaire de la Résistance auprès du gouvernement polonais en exil à Londres. Arrêté et torturé par la Gestapo en mai 1940, il tente de se suicider. La Résistance réussit à l'arracher à ses tortionnaires et il replonge dans la lutte. Fin août 1942, deux chefs de la résistance juive de Varsovie lui demandent de transmettre aux Alliés et aux responsables juifs une demande d’aide. Il rencontrera Roosevelt pour le mettre au courant. De cette entrevue qui n’eut pas la suite escomptée, naitra l’idée que les Alliés n’ont pas fait ce qui était possible pour ralentir, entraver, le génocide des Juifs.

(4) Stefan George, poète allemand, 1868-1933. Sa poésie est « ésotérique », lyrique par la tonalité mystérieuse par la langue. Il s'inspire des formes grecques, en réaction à la tendance réaliste de la littérature de son temps. Convaincu que le but de la poésie est la distance au monde, défenseur de l'art pour l'art, influencé par Nietzsche, Stefan George peut être rattaché à Mallarmé.



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Ecrit par: François Delpla, Le: 26/11/14