Sur ATF 40
http://atf40.forumculture.net/t7057-qua ... nformation se déroule depuis quelque temps un débat sur la valeur historique de l'uchronie, à partir du fameux livre de 2010
Et si la France avait continué la guerre ?(c-r du livre sur le site :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=455 )
Empêché d'y participer par la fin de rédaction de deux livres (sur le Troisième Reich et sur la Libération), j'ai mis en ligne ce matin un passage du TR en rapport étroit avec
-le sujet,
-la période et
-le thème général du forum :
Citation:
Pour mesurer la réussite du Troisième Reich à son zénith, rien ne vaut un exercice prisé par les Anglo-Saxons : l’uchronie, dite encore le « what if ? ». Pour simplifier le propos, on fera commencer la divergence avec l’histoire réelle le 10 mai 1940.
Le stratège « brouillon » qu’était Hitler (aux yeux d’un large public qui n’a régressé, après 1945, que très lentement), avait réussi ce coup de maître, à son insu il est vrai, par son attaque-surprise du Danemark et de la Norvège : faire tomber les deux gouvernements ennemis. Paul Reynaud était en effet démissionnaire le soir du 9 mai, tout comme Chamberlain. C’est l’annonce de l’offensive allemande commencée à l’aube qui le remet en selle, tout en lui imposant une réconciliation précaire avec Daladier et Gamelin. Or Chamberlain aussi avait voulu reprendre sa démission en faisant valoir qu’il convenait de garder le pilote à la barre, le temps de voir ce que donnait cette offensive présumée viser la Belgique, la Hollande et le Luxembourg. C’est l’intervention de son vieil ami Kingsley Wood, membre du cabinet de guerre, qui avait été décisive pour empêcher cet acrobatique rétablissement et faire en sorte qu’on respectât la combinaison péniblement échafaudée la veille : Churchill premier ministre d’un cabinet où les appeasers gardaient les plus fortes positions avec Chamberlain et Halifax, respectivement deuxième et troisième dans la hiérarchie gouvernementale. Chamberlain conservait la présidence du parti conservateur et, ainsi, la maîtrise de son groupe parlementaire, où Churchill restait fort impopulaire. A part Winston, les antinazis de plus ou moins longue date (Eden, Amery, Cooper) n’occupaient que des strapontins. Imaginons donc un instant que Wood ait été victime de quelque indisposition et que Chamberlain soit demeuré premier ministre.
La contrée qu’on n’appelle pas encore « Benelux » se révèle vite n’être qu’un apéritif, et la France apparaît comme l’objectif principal. Plus exactement, ce sont sa puissance et son prestige militaires qui sont dans le collimateur allemand. L’un et l’autre sont ruinés dès le 15 mai, jour où la brèche pratiquée sur la Meuse atteint 80 kilomètres de largeur, du moins Reynaud, ainsi que Daladier et Gamelin (demeurés ses deux principaux collaborateurs en matière militaire, l’un au ministère de la Guerre, l’autre au commandement en chef), le savent bien… et ne comptent guère sur une Angleterre dirigée par Chamberlain pour les tirer de ce mauvais pas. Des propositions « généreuses » de Hitler submergent les cabinets de Londres et de Paris, et atteignent peut-être même leurs opinions publiques par des fuites distillées dans la presse. En effet, si dans l’histoire réelle Hitler est gêné, pour claironner ces offres, par la peur d’une cinglante réplique de Churchill, clamant qu’elles sont dictées par la peur, la lâcheté et le souci de dissimuler des ambitions bien plus vastes, nous supposons ici qu’au lendemain de la percée de Sedan Churchill, ministre de la Marine, est trop marginal pour peser dans la décision rapide que requiert le coup de maître hitlérien. D’ailleurs, dans l’histoire réelle, on ne sait au juste quand et comment Dahlerus transmet à Londres le message de Göring mais on sait en tout cas qu’un point secondaire de la conversation du 6 mai (un projet concernant Narvik, dit « plan Dahlerus ») est évoqué pendant plusieurs réunions du cabinet de guerre, du 19 au 23 mai. Cela suggère à la fois que Halifax a reçu les propositions « généreuses » et que, inhibé par la martiale éloquence de Churchill, il n’a pas osé lui en parler, ni les soumettre aux ministres assemblés, se contentant de tâter le terrain par un débat sur la proposition accessoire qui concerne Narvik –et d’entamer une démarche complexe pour connaître les conditions allemandes par l’intermédiaire de l’Italie. Il est difficile de croire qu’il aurait eu la même retenue vis-à-vis d’un Chamberlain demeuré à la tête du cabinet de guerre.
La paix, toujours dans cette hypothèse, est donc signée rapidement, la Wehrmacht évacue toute l’Europe de l’Ouest et du Nord, elle est démobilisée en grande partie et Hitler abandonne la chancellerie à Göring pour se consacrer, avec Speer, à l’édification de monuments exaltant le Grand Reich dans Berlin rebaptisée Germania. Staline, flatteusement traité en auxiliaire de la victoire, est invité de façon amicale mais pressante au défilé célébrant celle-ci et ne peut se dérober …ou, s’il le fait, se désigne lui-même comme responsable d’un refroidissement des relations, obligeant le Reich à arrêter sa démobilisation pour tenir en respect le bolchevisme juif décidément incorrigible. Des élections, soit prévues de longue date soit reportées pour cause de guerre, ont lieu dans l’automne à Paris, Londres et Washington. Roosevelt n’a plus aucun prétexte pour briguer un troisième mandat et un républicain admirateur de Hitler, Lindbergh par exemple, est largement élu. Reynaud, clamant qu’on l’a appelé trop tard, se fait plébisciter à Paris où la gauche tombe à son plus bas niveau historique, l’heure est à la liquidation des derniers vestiges du Front populaire et à une « révolution nationale » prétendant s’inspirer de tout ce qui, en Allemagne, avait si bien réussi à « remettre le pays au travail ». L’atmosphère n’est guère différente à Londres, où Halifax succède sans heurt à Chamberlain malade, et où Churchill, qui perd son siège de député, semble cette fois bel et bien fini.
Le traité de paix comporte la cession au Reich de Madagascar, prestement débarrassée de ses colons français. Les SS en prennent possession et des cargos aux cales bourrées de Juifs polonais commencent à arriver avant la fin de l’année ; un certain nombre sont morts de sous-nutrition et de désespoir pendant la traversée et le problème du traitement des cadavres (qui va s’avérer, en Europe, si complexe) a été simplifié par l’immensité océanique. Mais la grande île de l’océan Indien avait été présentée, lors du traité de paix, comme un futur Etat juif, et le gouvernement Halifax en profite pour faire baisser la tension en Palestine. On commence à embarquer à Haïfa ou Akaba des Juifs désespérant des perspectives palestiniennes et tentés par l’aventure malgache, au grand dam du chef de l’autorité juive en Palestine, David Ben Gourion, qui n’a guère de moyens pour s’y opposer… Ainsi, la très réaliste Grande-Bretagne a bel et bien abandonné sa politique d’équilibre européen, au profit de la recherche d’un « équilibre mondial ». Et même si on ne va pas jusqu’à un embarquement vers Madagascar des colons juifs de Palestine, force est de constater que l’Angleterre maîtresse des mers, en permettant à l’Allemagne de mettre la main sur une telle colonie et en la laissant installer des liaisons maritimes avec elle, se fait complice d’un génocide… sur lequel elle fermera probablement les yeux le plus longtemps possible.
Revenons à la véritable histoire : pendant quatre jours (du 25 au 28 mai), les gouvernements de Paris et de Londres sont en proie à la tentation de la paix, qui hante (mais on le découvrira très progressivement, et seulement à partir des années 1970 ) leurs délibérations internes et leurs conversations diplomatiques ; pendant la plus grande partie de cette période, l’arrêt des combats devant Dunkerque (dont il n’est pas question dans les débats des gouvernants –du moins ceux qui sont consignés dans des procès-verbaux ; ils savent cependant que le port n’est pas encore pris, ni coupé de son arrière-pays) leur procure un sursis, pendant lequel la signature de cette paix éviterait un sort funeste (la capture ou la destruction) à la fine fleur de leurs troupes terrestres. En définitive, même si l’offensive redémarre et semble destinée à empêcher l’embarquement de l’ennemi, un rôle majeur reste dévolu à l’aviation et les blindés sont carrément retirés du front le 28, pour se redéployer sur la Somme et sur l’Aisne en vue de la phase finale de l’offensive contre la France : Hitler, s’il ne s’est pas arrêté pour laisser s’embarquer les Anglais qui, alors, n’en manifestaient nulle intention, ne semble pas mettre une grande énergie à empêcher cette fuite.
Dire que l'accueil a été chaleureux serait exagéré.
Dire que le rejet a été argumenté serait, au plus mauvais sens du terme... uchronique !
http://atf40.forumculture.net/t7057p180 ... nformationIl semble que pour quelques-uns la bonne uchronie soit celle qui apporte de l'eau au moulin de leurs opinion, et la mauvaise, celle qui les met en cause.
Résumé de mon texte (déposé plus tard le même jour ) :
Citation:
A quelques heures près, Chamberlain était encore premier ministre au moment de la percée de Sedan et une foultitude d'éléments suggèrent qu'il aurait signé la paix, une paix en apparence indolore pour l'Angleterre mais ô combien compromettante.