Bonjour !
Je propose ici un fil de discussion sur la conférence de Wannsee (20 janvier 1942).
Il peut prendre pour point de départ ma critique du livre récent d'Edouard Husson :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=258, ainsi que celle de l'ouvrage un peu plus ancien de Mark Roseman :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=255De rudes discussions ont eu lieu il y a quelques mois sur certains forums. En voici un échantillon :
http://www.debarquement-normandie.com/phpBB2/viewtopic.php?t=9053L'un des problèmes cruciaux concerne le degré d'information sur le projet génocidaire, à l'issue de la réunion, des différents participants. On croit souvent qu'il est identique. Ce qui jure avec les ambiguités du compte rendu, où les questions de transport et de travail forcé dans les camps sont mises en avant, et la mise à mort immédiate, à la descente des trains, d'une partie des personnes raflées, seulement sous-entendue dans un coin de phrase (que j'ai d'ailleurs eu l'heur de repérer le premier, sans en tirer la moindre gloire mais en étant amusé chaque fois qu'on reprend l'idée sans évoquer la source).
Au fait, je puis à présent donner en clair une information jusqu'ici cryptée : le militant anti-négationniste qui m'avait félicité et remercié de cette découverte s'appelait Pierre Vidal-Naquet et je possède un écrit de lui à ce sujet.
Si on suppose que les participants à la conférence ont consciemment programmé un génocide où la mort immédiate tiendrait une grande place (par rapport à la mort lente des camps de travail suivie de l'assassinat des survivants, qui occupe la plus grande partie du compte rendu), il faut d'une part le prouver, d'autre part expliquer les pudeurs du compte rendu.
Pour la preuve, il n'y en a guère qu'une, sempiternellement invoquée : les déclarations d'Eichmann d'après son arrestation, au début des années 60. Or la distance chronologique, comme la situation du témoin, incitent à l'historien à ne citer une telle source qu'avec les plus grandes réserves, lorsqu'elle est unique.
Quant au truquage du compte rendu : cette thèse a le mérite, comme un hommage du vice à la vertu, de dévoiler le fait que le régime nazi mentait à ses propres cadres. Mais deux objections se présentent :
1) Pourquoi situer le mensonge au niveau immédiatement inférieur à celui des participants (secrétaires généraux de ministères et dirigeants SS) ?
2) Cette version implique que le compte rendu ait été destiné à une certaine diffusion parmi les subordonnés desdits participants. Or rien ne l'établit et le tirage indiqué sur le document lui-même incite à croire le contraire (30 exemplaires, cela semble indiquer qu'il y en a un pour chaque participant, un pour les ministres concernés et quelques uns pour de très hautes personnalités comme Hitler, Himmler, Wolff, Schellenberg...).
Il me paraît plus simple de supposer que certains participants savent qu'on va exécuter immédiatement beaucoup de gens (mais eux-mêmes peuvent ignorer la formidable accélération du processus au printemps suivant, mise en lumière récemment par Longerich et Brayard) et qu'on a fait venir les autres pour leur mettre le doigt dans cet engrenage, en estompant les réalités les plus crues non sans les laisser tout de même entrevoir.
Des avis ?