Voici un site où un historien de Liverpool présente une réfutation de la présence de Hitler à Liverpool en 1912-13, en citant une étude de Kershaw dont j'ignore où et quand elle est parue; elle devrait être postérieure à sa biographie de Hitler :
http://www.btinternet.com/~m.royden/mrlhp/local/hitlerinliverpool/makinghistory.htm
L'argumentation tient en deux points :
1) la présence de Hitler à Vienne serait attestée par un témoin oculaire en février 1913, ainsi que par les fiches domiciliaires.
2) aucun témoin ne dit l'avoir vu à Liverpool, si ce n'est Brigid Hitler, et aucun document ne subsiste à ce sujet.
Qui est ce témoin viennois ? Quand a-t-il déposé ? Est-il fiable ? n'a-t-il pas pu se tromper de quelques semaines (au demeurant le récit de Brigid n'est guère précis sinon sur la durée du séjour, 5 mois à cheval sur 1912 et 1913) ? Quant aux fiches domiciliaires, mes échanges de méls avec les archives municipales de Vienne montrent qu'on ne peut rien en tirer, dans un sens ou dans l'autre. Il est simplement fait état d'un séjour anormalement long de Hitler au foyer pour hommes de la Medelmanstrasse (1910 à 1913) et la Gestapo, maîtresse du sort de ces archives de 1938 à 1945 et farouche traqueuse des vestiges des années autrichiennes du Führer, a très bien pu pratiquer un tri (à tout le moins, un historien devrait se poser la question).
Reste le témoignage de Brigid Hitler, extrêmement détaillé. Le mobile d'un mensonge apparaît mal. Le propos est d'ailleurs assez nauséabond, puisque ce mobile est censé être l'argent. Or d'une part le récit n'a pas été publié, d'autre part Brigid était clairement antinazie et toute analyse de la valeur de son témoignage devrait prendre en compte ce facteur. Il peut certes l'amener à déformer les choses, les exemples contemporains (Hanfstaengl, Strasser, Hohenlohe...) sont légion, qui irriguent, souvent pour le pire, le rapport de Langer sur la psychologie hitlérienne (Langer a rencontré William Patrick mais non, semble-t-il, sa mère). Dire froidement et carrément que Brigid est intéressée par l'argent, alors qu'elle ne vend rien, tout en taisant qu'elle combat le nazisme, est d'un goût douteux. Et précisément puisqu'elle le combat, irait-elle s'exposer à un démenti cinglant en pleine guerre de Hitler qui ne pourrait laisser passer un récit aussi diamétralement opposé à
Mein Kampf et pourrait, lui, facilement prouver sa fausseté... s'il était faux ?
Reste la critique interne et externe du texte. Or il est très cohérent et ne jure nullement avec ce que nous savons par ailleurs de Hitler. En particulier, il montre un jeune homme nationaliste mais point du tout antisémite, ce qui est cohérent avec le point de vue, combattu par Kershaw, d'un certain nombre d'ouvrages récents (Hamann et Lukacs notamment, outre les miens).