Question de Michel Boisbouvier :
Citation:
est-ce l'armistice ou la défaite qui a donné à Hitler barre sur la France ?
Les deux, me semble-t-il. A condition d'admettre le point de vue pétainiste suivant lequel "la France" est vaincue et de récuser celui, par exemple gaullien, suivant lequel elle
1) a perdu une bataille mais non la guerre;
2) a encore un allié puissant qui semble bien décidé à continuer le combat, qui va d'ailleurs le faire, et que sa défection découvre dangereusement.
Peut-être n'est-il pas inutile de rappeler un discours assez peu connu du Général, celui du 26 juin :
Citation:
(...) Vous avez tenu pour absurde toute prolongation de la résistance dans l’empire. Vous avez considéré comme dérisoire l'effort que fournit et celui que fournira notre allié, l'Empire britannique. Vous avez joué perdu, jeté nos cartes, fait vider nos poches, comme s'il ne nous restait aucun atout. Il y a là l'effet d'une sorte de découragement profond, de scepticisme morose, qui a été pour beaucoup dans la liquéfaction des suprêmes résistances de nos forces métropolitaines.
Et c'est du même ton, Monsieur le Maréchal, que vous conviez la France livrée, la France pillée, la France asservie, à reprendre son labeur, à se refaire, à se relever. Mais dans quelle atmosphère, par quels moyens, au nom de quoi voulez-vous qu'elle se relève, sous la botte allemande et l'escarpin italien ?
C'est aussi le moment de rappeler que Pétain n'est pas seulement responsable de l'armistice, mais aussi, très largement, des conditions dans lesquelles il a été dicté, sans marge de négociation ou presque. Je veux parler de son appel au micro à cesser le combat, qui fut à l'origine du premier des innombrables mensonges de son gouvernement, qui nous ont fait tant de mal. Cela se passe le 17 juin à midi trente, sans la moindre connaissance préalable (que l'on sache) des dispositions ennemies. C'est sans doute à cela que de Gaulle fait allusion en évoquant ce "scepticisme morose, qui a été pour beaucoup dans la liquéfaction des suprêmes résistances de nos forces métropolitaines." C'était tellement désastreux qu'il a fallu, à l'usage des journaux du lendemain, corriger la phrase en "il faut
tenter de cesser le combat".
Il faudrait aussi savoir ce que tu appelles la défaite. Car il importerait, comme toujours en histoire, de la dater. S'agit-il de la percée de Sedan à la mi-mai ? de celle de la ligne Weygand le 6 juin au soir ? d'une autre date encore ? Ce qu'on peut t'accorder, c'est que Reynaud et Weygand ont très mal géré les lendemains de Sedan, à une époque où Pétain ne jouait pas encore un rôle très actif, encore qu'il soutînt les décideurs... qui ne décidaient rien sinon de s'abandonner à la décision hitlérienne. C'est à ce moment en effet qu'il fallait planifier quelque chose, et quelque chose d'autre que cette "ligne Weygand" sur la Somme et l'Aisne, complètement en l'air et dépourvue d'une perspective stratégique autre, précisément, que l'armistice et la paix, quelles qu'en fussent les conditions et quelle que fût l'attitude anglaise.
Vues irréalistes ? hé non, justement puisque Churchill, en ce même lendemain de Sedan, a mis en place ou programmé très vite les conditions qui allaient lui permettre de tenir, notamment en affermissant son pouvoir sur le cabinet : dans le temps même où Reynaud promouvait des défaitistes, Churchill se donnait les moyens de contenir Chamberlain et Halifax.
C'est vraiment l'empêcheur d'excuser l'armistice !