Citation:
Louis : il ne faudrait pas me charger de tous les péchés, c'est Olivier qui a mis l'accent sur le Strasbourg et le Dunkerque !
Il a dit que le Strasbourg et le Dunkerque dans la nature c'était potentiellement un cauchemar pour les Britanniques, et je suis d'accord avec lui.
Vous avez répondu que l'intérêt militaire de la neutralisation du seul Dunkerque ne méritait pas une guerre possible avec les Français, à quoi j'ai fait remarquer que l'enjeu ce n'est pas seulement le Dunkerque, justement. Il peut nous arriver de nous contredire, mais a priori pas sur ce point.
Citation:
Vous deux : il faudrait savoir ! soit Mers el-Kébir procède d'un simple désir de neutraliser des navires, et alors la frigidité des amiraux anglais mériterait une explication substantielle. Soit la raison de fond est politique : à ce moment-là on s'explique bien la brutalité superfétatoire et l'empressement indû de Winston. Il voulait se montrer, déjà, un bon élève dans la classe du précepteur américain. Je crois que là-dessus Louis et moi sommes d'accord. Reste une pomme de discorde et une seule : le risque d'une guerre avec Vichy, que je crois et réel, et assumé sans angoisse par Churchill.
La vraie pomme de discorde que j'avais au départ, c'était quand vous avez écrit que Churchill cherchait délibérément à provoquer une entrée en guerre de Vichy, et que d'ailleurs il avait raison puisque Vichy a cherché à entrer en guerre, c'est Hitler qui a calmé le jeu.
Pour moi, Churchill ne croit pas au risque d'une entrée en guerre de la France, et c'est pour ça qu'il est prêt à en prendre le risque. Par exemple, toutes les semaines je prends le risque d'un manque à gagner de plusieurs millions en ne jouant pas au Loto, parce que j'estime ce risque négligeable.
Donc pourquoi Catapult a-t-elle lieu ? Il y a d'une part de solides raisons militaires: si on admet que les Allemands vont demander le retour de la flotte (c'est déjà le cas) et que les Français vont obéir (puisque c'est prévu dans l'armistice), c'est très dangereux pour la Royal Navy (cf. tous les messages précédents), qui va donc vouloir s'y opposer.
Concrètement, ça va vouloir dire empêcher physiquement le départ des navires français dans les ports d'Angleterre ainsi qu'à l'escadre d'Alexandrie. Donc forcément, à un moment ou à un autre, il va y avoir épreuve de force.
C'est là qu'il y a un hiatus entre Churchill et une partie de ses amiraux. Pour Churchill, il importe de prendre l'initiative et de forcer une décision en mettant les Français le dos au mur. C'est l'opération Catapult. Evidemment, pour qu'elle réussisse il faut qu'elle ait lieu simultanément partout à la fois. C'est ce qui se passe.
A priori, il semble que ses amiraux sont davantage persuadés qu'on peut faire confiance à leurs homologues français, ils sont donc pour une approche plus diplomatique qui évite le rapport de force. Mais c'est Churchill qui impose l'épreuve de force immédiate, malgré l'opposition de ses amiraux.
Pourquoi l'impose-t-il ? Je ne prétend pas le savoir avec certitude, mais voici un panel de raisons. Il y a d'abord les raisons militaires: Churchill pense qu'il a plus à gagner qu'à perdre de cette manière de procéder. Ensuite c'est un type agressif, assez féru du concept de "solution finale" quand on le laisse faire. Finalement, il y a les répercussions à attendre de l'attitude de fermeté britannique, tant auprès de l'opinion publique que de son Cabinet, sans oublier les autres: les Dominions et surtout les Etats-Unis.
Je ne prétends pas savoir exactement pourquoi il agit comme ça, tout ce que je peux dire c'est qu'à ma connaissance chercher délibérément à faire entrer Vichy dans la guerre ça n'a pas de sens militairement ni politiquement.
Citation:
Je le rapporte à la crainte que la guerre ne s'arrête. La notation de Liddell dans son journal le 10 septembre, à laquelle je n'arrête pas de penser depuis trois jours, vous laisse froids.
J'avoue ne pas en voir toute l'importance. Par ailleurs, comme je l'ai fait remarquer, cette fois sans ironie, le 10 septembre ça fait à peu près un mois que la bataille d'Angleterre est commencée.
Citation:
Car enfin, l'appeasement était dans les années 30 une politique tellement ancrée qu'elle devait bien avoir quelques raisons de fond. La question à se poser (et qui l'est encore trop rarement) est : les écrasants succès hitlériens du printemps 40 renforcent-ils ou affaiblissent-ils ces raisons ?
Là, en revanche, il est relativement facile de répondre car l'appeasement a été très étudié.
Les raisons sont que pour Chamberlain, qui en est le promoteur principal, une guerre amènerait la désintégration de la civilisation européenne et la ruine de l'empire britannique. Il vaut donc mieux laisser des dictateurs européens faire leurs sales petites affaires entre eux (de toutes façons, les victimes ne seront que des Continentaux) et éviter autant que faire se peut une guerre contre Allemagne + Italie + Japon et la ruine financière.
Or en juin 40, la situation a évolué. D'abord, la guerre n'apparaît plus comme évitable puisqu'on y est. Ensuite, la ruine financière est déjà en route. L'Angleterre est donc déjà dans le bain qu'elle voulait éviter, pour faire la paix il faudrait maintenant la menace sérieuse d'une défaite. Dernier point et non des moindres, avant que François le rappelle
: Chamberlain n'est plus aux commandes. Mais même s'il y était resté, je pense que c'est une erreur d'en faire un pacifiste.
Citation:
Maintenant, ce texte du 10 septembre, il faut en faire quelque chose ! Pardon si je me répète, mas je ne sais plus si c'est en ligne ou si ça fait partie des messages effacés par l'hébergeur : faire proférer des mensonges par des agents doubles, cela n'a rien d'anodin.
Disons que ça dépend de combien de messages sont proférés en même temps.
Il semble clair qu'au moins quelqu'un en Angleterre estime que ce serait une bonne chose si les Allemands tentaient l'invasion.
Citation:
Et s'il fait une chose pareille, en dépit de tous les risques, c'est bien qu'il est aux abois. Et que peut-il donc bien craindre, sinon un arrêt de la guerre ?
...une poursuite des bombardements et de l'attrition de la RAF pendant que les sous-marins couleraient les convois britanniques ? L'attente de l'invasion s'accompagne d'inconvénients assez graves.
Citation:
En fait, il en va de même depuis... la veille de cette même guerre. Il a sérieusement craint que Chamberlain se dégonfle après l'attaque de la Pologne, ensuite depuis son petit strapontin de l'Amirauté il a essayé de faire dégénérer le moindre incident naval, pendant toute la drôle de guerre il a flatté Chamberlain en le traitant d'inflexible, jouant sur sa vanité de cocu de Munich, pour écarter le froid réalisme de Halifax cherchant la moindre ouverture...
Churchill continue de houspiller tout le monde en trouvant que ça ne va pas assez vite et que ce n'est pas assez énergique bien après que Chamberlain soit mort et qu'Halifax ait été muté à pétaouchnok.
Peut-être a-t-il peur que la guerre s'arrête, mais pour le moment ce n'est pas démontré et encore moins que c'était sa crainte principale.