Voici mon message final, qui peut servir si le coeur vous en dit à un redémarrage de la discussion sur ce fil :
Bonsoir à tous
J’accepte ce rôle de voiture-balai et cette fenêtre d’expression,
par principe (j’écris partout où on veut bien de ma prose) et en passant sur l’humiliation
d’un moment et d’un sujet dictés, dont les autres intervenants ont l’air de s’accommoder.
Mais en même temps, pas question d’y passer le week-end et de me détourner de
mes autres tâches. C’est ainsi que j’ai consacré de longues heures de ce
dimanche à des investigations sur le « plan Otto », une falsification
(matinée d’hypothèses branlantes et de torsions de documents) remarquable et
jusqu’ici inaperçue, non sans rapport d’ailleurs
avec la campagne de France, ni avec la problématique du Haltbefehl, en
prolongeant une discussion éclose sur d’autres forums :
http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 346#p12346.
Je tire avant tout
une leçon de cette expérience ; de ces remous inattendus suscités par un
court article à propos d’une thèse que j’élabore au grand jour depuis vingt ans
et que j’ai développée principalement dans trois ouvrages, dont le dernier, La Ruse nazie (1997), n’a fait l’objet
pour l’instant d’aucune critique défavorable, tant sur papier que sur Toile :
après une longue période de silence et
de mépris, l’explication diplomatique du Haltbefehl suscite aujourd’hui des
comportements de fauves blessés .
Il serait d’ailleurs paradoxal que Louis C n’ait pas lu La Ruse nazie, vu son investissement
dans les débats de forums sur le Haltbefehl, qu’il rappelle et assume ici même.
De deux choses l’une : ou il fuit cet ouvrage, ou il a fini par le lire…
et préfère en ignorer les démonstrations et les documents, pour mieux ergoter à
son aise sur des formulations ou monter en épingle des silences, voire en
inventer, dans des débats nécessairement moins élaborés.
Je rappelle en passant que j’ai sauvé un stock de cet
ouvrage disparu, et en cède des exemplaires à prix coûtant.
Pour en finir avec les contradictions de Louis C, chacun
aura remarqué que dans un premier temps il prétendait se soumettre à son propre
diktat (pas plus d’un message) et que dans un second puis un troisième etc. il
s’est mis à commenter les messages des autres, de façon plus ou moins
développée.
Il a été question de la place du Haltbefehl dans l’ensemble
de mon travail, donc je peux enfin en parler sans qu’on crie au hors sujet ! Eh
bien il est grotesquement faux qu’il en soit la clé de voûte et que, si mon
interprétation était démontrée fausse, l’ensemble de mes seize ouvrages et de
mes articles s’effondrerait dans un nuage de poussière. Pour penser cela, il
faut donner dans le mythe selon lequel je présenterais un Hitler « omniscient ».
C’est, comme souvent en cette affaire, l’hôpital qui se moque de la charité. Ce
n’est pas moi qui le dis omniscient, c’est une tendance de l’historiographie,
lourde et sans doute encore majoritaire, qui se refuse à voir dans ses actes la
moindre logique et la moindre continuité. Les rares et rapides passages sur lui
du livre de Frieser procèdent
invariablement de cette attitude. Et ce livre, souvent bon sur les détails et
souvent désastreux sur les questions d’ensemble, garde une audience indue, très
préjudiciable à la compréhension du Troisième Reich. Les efforts qu’on déploie
pour m’empêcher de le critiquer me confirment que je suis sur la bonne voie.
La question des questions est là : Hitler, lorsque le
10 mai il attaque, sait-il ce qu’il veut ? D’après Frieser, non. Il
faudrait déjà trancher ici. Ce que ne font ni Didier ni les deux Louis. A la
fois ils me reprochent de maltraiter Frieser, et ils prétendent que, si Hitler a l’intention, fortune militaire faite,
de signer une paix rapide et blanche, il devrait nécessairement faire autre
chose que le Haltbefehl.
Si donc on m’accorde que Hitler, après le coup décisif
contre l’armée française qu’il escompte à Sedan, n’en déplaise à Frieser et à
ses foules d’adulateurs, n’aura de cesse de se retirer de la partie, du moins à
l’ouest, les bribes sauvées du feu (par vous inexpliqué) sur la commission dont
Göring charge Dahlerus et Nordling deviennent incontournables. Il y a bien une « offensive
couplée des chars et des diplomates », comme je l’écrivais en 1993. Il est
de première importance de souligner, aux yeux de Paris et de Londres, quoique
pour des raisons différentes, que l'Allemagne envisage des conditions de paix on ne peut
plus « généreuses ». Pour Paris, ce sera une incitation à signer au
plus vite, et la suite confirme que la tentation ne fut repoussée que par l’énergie
de Churchill. Pour Londres, il est prévu au départ que les gouvernants de cette
capitale ne trouvent pas de raison, et en tout cas pas la force, de retenir
Paris sur la voie de l’abandon. Il serait logique également que, devant le
caractère désespéré de la situation, les troupes anglaises refluent vers la mère
patrie.
Le remplacement de Chamberlain par Churchill est la clé des différences
(sur lesquels, apport intéressant de cette discussion, mon attention a été
mieux attirée) entre les dispositions du couple Hitler-Göring avant la
bataille, et leur attitude au moment décisif (ou plutôt, non-décisif) des 23 et
24 mai. Les conditions « généreuses », capables de mener par le bout
du nez un gouvernement Chamberlain comme Hitler le fait depuis son avènement, pourraient
être, aux mains de Churchill, une arme de choix. On m’a peu répondu là-dessus.
On a même prétendu qu’une comparaison avec la situation, un peu mieux connue,
de juillet, n’était pas pertinente. Je ne peux que redire : Mers el-Kébir, le 3 juillet, joue le même rôle
que le changement gouvernemental du 10 mai pour déboussoler Hitler. Avant, il
envisageait de balancer des millions de tracts sur la Grande-Bretagne,
détaillant ses conditions. Mais puisque Churchill montre à Mers el-Kébir l’ampleur
de son culot et de son autorité, on met les tracts au pilon et se contente, le 19 juillet, d'un discours vague sur ce point : Hitler aime et respecte l'empire britannique, ce qui semble indiquer qu'il ne veut pas l'amputer ni le désarmer.
L’ordre d’arrêt ? Mais il est consubstantiel à la
stratégie de Hitler, qui ne frappe à l’ouest que pour créer les conditions de
gigantesques conquêtes à l’est. Il veut donc, de toute éternité, arrêter ses
troupes en plein élan victorieux, sans le leur avoir nullement laissé prévoir.
Bon. J’ai épuisé le temps que je m’étais imparti et dois
vraiment passer à autre chose. De toute façon ce n’est qu’un début. Je réprouve
une dernière fois de toutes mes forces ce verrouillage et proclame :
ON NE PEUT VERROUILLER LA TOILE !
Et encore moins le débat. Merci à tous et au revoir.