Travaillant sur la captivité de Mandel et notamment son assassinat (7 juillet 44), je lisais depuis quelques semaines tout ce qui me tombait sous la main concernant Oradour. Apparemment, la télépathie a voulu que Heinz Barth, le dernier des officiers bourreaux encore en vie, ne supporte pas le rapprochement. Il est en tout cas décédé à Gransee il y a quelques jours, remettant brusquement le massacre du 10 juin 1944 au centre de l'actualité en France comme en Allemagne.
A peu près milieu de l'intervalle entre les deux événements, il y eut le meurtre de Jean Zay (20 juin).
Sur un autre forum, à la suite d'une information de Marc Binazzi, l'attention a été attirée il y a peu sur la visite de Himmler à Montauban le 11 avril 44 et le fait qu'il avait harangué les membres de la division Das Reich :
http://www.debarquement-normandie.com/p ... php?t=8146
On peut dire tout ce qu'on veut sur les raisons locales ou conjoncturelles : ces convergences montrent que le débarquement est préparé, non seulement en peaufinant les défenses de l'Atlantique et en déchaînant la Milice contre les maquis à partir d'avril, un discours
ad hoc étant soutiré à Pétain le 28, mais en prévoyant un déchaînement spécifique de violence au lendemain de l'événement, imité de ce qui se passe sur le front est, et en prenant le maréchal en main pour qu'il reste au moins neutre si on ne peut aller jusqu'à lui faire bénir les tueurs.
Mandel et Zay sont des "Juifs" (ce n'est même pas vrai dans le cas de Zay, de mère protestante et baptisé comme tel) dont Pétain a dit publiquement du mal, et c'est bien cela qui compte : il est très gêné pour protester... et ne le fait que le 6 août, du bout de la plume, dans un mémoire non rendu public où il condamne enfin les exactions de la Milice (un texte de couverture en vue de son procès, à une époque où il ne dirige vraiment plus rien).
Ce qui est fondamentalement important c'est qu'Abetz annonce à Laval, un peu avant l'assassinat de Mandel, que Blum et Reynaud, eux aussi captifs en Allemagne, vont être pareillement "rendus à la France". D'où, à l'annonce de l'assassinat, une fureur de Laval (qui contrairement à Pétain a réussi à ne jamais dire un mot contre Mandel, un collègue parlementaire de droite avec qui il avait eu les rapports les plus courtois pendant des années) et une interdiction par lui faite à Darnand de "recevoir" les deux colis suivants. Il n'empêche : Laval comme Pétain est coincé, ils se tiennent tous deux cois et ne disent aucun bien ni de De Gaulle ni des Américains ni de l'idée même d'une libération, craignant s'ils le faisaient de signer l'arrêt de mort des vedettes politiques du régime précédent (et de Weygand, Daladier
e tutti quanti, le réservoir d'otages de marque constitué outre-Rhin au fil de l'Occupation est vaste).
Ce contexte éclaire Oradour et réciproquement : il faut terroriser au maximum la France, masse et élites confondus. Un village où il n'y a jamais eu d'action résistante, à portée de tramway d'une grande ville (Limoges), assez peuplé et très systématiquement massacré, c'est la démonstration qu'il suffit d'être français pour être suspect et que la moindre velléité d'aider les libérateurs risque de se payer comptant.
De ce point de vue les protestations vichystes mêmes -plutôt discrètes du côté des autorités mais assez importantes dans la presse- sont une aide.
Diabolique Führer !