Si on veut mesurer l'importance de Churchill, il faut, dans une grande mesure, oublier ses mémoires. Ecrits entre 1946 et 1951 pour l'essentiel, ils sont une oeuvre de reconquête conservatrice sur le plan intérieur, et de guerre froide sur le plan extérieur.
Pas question de stigmatiser Roosevelt pour sa propre politique d'apaisement, qui n'avait rien à envier à celle de Chamberlain, entre 1933 et 1939. Pas davantage de s'appesantir sur les divisions du parti conservateur sur la continuation de la guerre au moment de la chute de la France, jusque fort avant dans l'année 1940 voire au-delà. Unité conservatrice, union du Monde libre ! L'Angleterre tout entière voulait continuer la guerre et les Etats-Unis se préparaient fiévreusement pour venir à la rescousse. Quant à Hitler, c'est bien sur cet Occident lumineusement démocrate et anti-totalitaire qu'il s'est brisé. Il fallait donc que la bataille d'Angleterre en ait été vraiment une, et que Hitler ait été dissuadé de débarquer par les vaillants pilotes à qui les foules devaient leur salut.
Une historiographie dans laquelle Paxton n'est pour rien est en train de bouleverser ces édifiantes données... sans les remplacer par les vues tout aussi déformantes de l'autre camp de la guerre froide. Hitler était un fou très rationnel. Sa stratégie était fort efficace :
1- réarmer l'Allemagne avec la complicité des bourgeois du monde entier en faisant mine de vouloir détruire l'URSS après avoir liquidé la gauche allemande de fort séduisante manière;
2- travailler au corps l'Angleterre par tous les moyens de la propagande et de la diplomatie pour bien lui faire comprendre qu'on admire son empire "aryen" et qu'on n'y touchera pas;
3- obtenir un état de guerre contre la France et l'Angleterre à l'abri d'un pacte-surprise avec l'URSS, sans grands effets pratiques jusqu'à ce qu'on fonde sur l'armée française avec la dernière brutalité;
4- signer une paix générale, permettant de présenter tranquillement et à son heure une facture d'"espace vital" à Staline.
Churchill surgit à point nommé pour empêcher le point 4... qui n'eût guère dérangé Pétain et qu'il appelait au contraire de ses voeux, persuadé que son propre armistice allait en entraîner mécaniquement un autre, entre Anglais et Allemands.
On ne pouvait certes prévoir l'avenir... et Churchill lui-même a avoué rétrospectivement (mais pas dans ses mémoires) un moral à zéro en juin-juillet 40. Mais lui, il a fait comme si ! Il a espéré contre toute espérance. Et sur ce terrain il a rencontré de Gaulle : chacun a été pour l'autre un lumignon dans la nuit (ce que de Gaulle n'a pas plus reconnu que Churchill !).
Cette nouvelle présentation excuse dans une large mesure Pétain... mais pas à la manière de Girard ou d'Aron !
L'affaire Hess, dont la commémoration en ce moment est passée sous silence et, quand elle ne l'est pas, montre que la thèse traditionnelle d'un Hitler pas au courant a la vie dure malgré son absurdité
viewtopic.php?f=83&t=407&p=8784#p8784http://www.delpla.org/article.php3?id_article=489 , est elle-même en plein renouvellement historiographique : il apparaît que Churchill comptait sur Barbarossa mais, ne pouvant en être sûr, travaillait à induire Hitler en tentation en mettant en scène son propre et prochain renversement.
François Delpla a écrit:
Hitler était un fou très rationnel. Sa stratégie était fort efficace :
1- réarmer l'Allemagne avec la complicité des bourgeois du monde entier en faisant mine de vouloir détruire l'URSS après avoir liquidé la gauche allemande de fort séduisante manière;
Un: le NSDAP s'attaque d'abord aux communistes allemands ses plus proches "concurrents" mais fiche la paix à Staline (chacun chez soi)
Deux: Il liquide aussi les SA et de fort... sanglante manière. Satine de son côté "épure"...2- travailler au corps l'Angleterre par tous les moyens de la propagande et de la diplomatie pour bien lui faire comprendre qu'on admire son empire "aryen" et qu'on n'y touchera pas;
Ca c'est avant 1939. A partir du moment où l'Angleterre lui déclare la guerre, pas de quartier. Il est d'accord dans cet optique avec les... communistes français (et Staline)3- obtenir un état de guerre contre la France et l'Angleterre à l'abri d'un pacte-surprise avec l'URSS, sans grands effets pratiques jusqu'à ce qu'on fonde sur l'armée française avec la dernière brutalité;
Il ne cherche pas la guerre, ni avec l'Angleterre (qu'il admire en secret), ni avec la France (qu'il méprise à cause du Traité de Versailles et de la Ruhr) Et c'est l'Angleterre suivie aveuglément par la France, qui lui déclare la guerre. N'inversons pas les rôles, STP.4- signer une paix générale, permettant de présenter tranquillement et à son heure une facture d'"espace vital" à Staline.
Churchill surgit à point nommé pour empêcher le point 4... qui n'eût guère dérangé Pétain et qu'il appelait au contraire de ses voeux, persuadé que son propre armistice allait en entraîner mécaniquement un autre, entre Anglais et Allemands.
Ca, c'est de la pure affabulation. Bravo pour l'imagination ! Pétain refuse toute alliance militaire contre l'Angleterre, malgré Mers el Kébir (5 juillet 40). Sa stratégie ? Je l'ai dit: GAGNER DU TEMPS ! Avant que l'Angleterre, depuis son île, ait le temps de reconstruire une armée capable de répondre à l'Allemagne, il peut s'écouler au moins une ou deux années. Même chose pour voir les USA entrer en guerre. Donc, il faut pouvoir attendre jusque là sans donner l'occasion aux Allemands de s'offrir une seconde "polonisation" sur le dos des Français.On ne pouvait certes prévoir l'avenir...
Je ne te le fais pas dire ! ...et Churchill lui-même a avoué rétrospectivement (mais pas dans ses mémoires) un moral à zéro en juin-juillet 40. Mais lui, il a fait comme si !
Il est tout de même peinard sur son île ! Il sait que la Kriegsmarine n'a aucun équipement de débarquement puissant, comme les Américains en apporteront en ...1942 ! Il peut donc, lui aussi attendre, en remobilisant les Anglais... Il a espéré contre toute espérance. Et sur ce terrain il a rencontré de Gaulle : chacun a été pour l'autre un lumignon dans la nuit (ce que de Gaulle n'a pas plus reconnu que Churchill !).
Avec tout de même un risque énorme; celui de voir Hitler refuser les conditions d'armistice et s'emparer de l'AFN française avec le soutien de Franco. Coup de poker ! Cette nouvelle présentation excuse dans une large mesure Pétain... mais pas à la manière de Girard ou d'Aron !
Elle n'excuse pas. Elle lui donne de larges circonstances atténuantes. Et c'est dans ce sens que je plaide !L'affaire Hess, dont la commémoration en ce moment est passée sous silence et, quand elle ne l'est pas, montre que la thèse traditionnelle d'un Hitler pas au courant a la vie dure malgré son absurdité
viewtopic.php?f=83&t=407&p=8784#p8784http://www.delpla.org/article.php3?id_article=489 , est elle-même en plein renouvellement historiographique : il apparaît que Churchill comptait sur Barbarossa mais, ne pouvant en être sûr, travaillait à induire Hitler en tentation en mettant en scène son propre et prochain renversement.
Il apparait que... C'est ça ton historiographie ? Tiens au fait, "il apparait que" le 11 septembre, c'est une fiction montée par la CIA.
Allons François, on respire et on... réfléchit !