Bonjour à tous.
Je voudrais vous soumettre une idée qui m'est venue avant-hier.
Contrairement à d'autres énigmes dont je me suis mêlé, pour celle-ci les solutions ne se bousculent pas et personne ne s'offusquera qu'on n'adopte pas la sienne.
Les faits en bref : le gouvernement tchécoslovaque annonce que, d'après des informations précises et concordantes, l'Allemagne est sur le point d'attaquer la Tchéco. par surprise. En conséquence, il décrète une mobilisation partielle. Hitler pique une énorme colère, dément tout puis prétend qu'on a voulu humilier l'Allemagne en faisant croire qu'elle reculait, et qu'on ne le fera pas deux fois.
AJP Taylor écrit en 1961 dans ses
Origins of the SWW :
Citation:
Certains pensaient que Hitler reculerait devant une démonstration de force ; or il s’en produisit justement une. Le 20 mai, des réservistes tchécoslovaques furent rappelés, les postes-frontières furent garnis de troupes et le gouvernement tchécoslovaque fit savoir que Hitler avait été sur le point de déclencher une attaque-surprise, sur le modèle de ce qui s’était, disait-on, passé en Autriche. Les Allemands nièrent, avec toutes les marques de la vertu outragée ; et l’examen de leurs dossiers secrets, saisis à la fin de la guerre, confirme qu’il étaient sincères. Aucune force allemande n’avait été mise en mouvement ; aucune action n’avait été préparée. Comment expliquer ce mystérieux épisode ? Les chercheurs sont restés bredouilles. Il est possible que les Tchèques aient réellement ajouté foi à une fausse alarme. Il est même possible que des extrémistes sudètes aient planifié une action de type autrichien, malgré la stricte interdiction qui leur en avait été faite. Ou peut-être que les Allemands aient intoxiqué les Tchèques pour les pousser à agir. Aucune de ces explications ne semble vraisemblable. Il serait plus plausible que la démonstration tchèque ait eu pour but de discréditer l’appeasement et de montrer qu’on pouvait faire reculer Hitler par une démonstration de fermeté. Qui en a eu l’idée ? Les Tchèques eux-mêmes ? Certainement pas les Russes, qui furent aussi surpris que quiconque. Quelques légers indices (some slight evidence) donnent à penser que ce mouvement fut inspiré par les « durs » du Foreign Office, qui désapprouvaient la politique suivie et refusèrent alors de croire les démentis de Henderson, alors qu’ils étaient fondés.
On voit que Taylor, porté à trouver toutes les excuses à Hitler, ne craint pas d'insinuer que le coupable serait Churchill ou du moins ses amis "durs" du FO.
Le seul livre qui à ma connaissance ait fait vraiment avancer le schmilblic est dû à Igor Lukes. En 1996, après avoir épluché des archives récemment déclassifiées à l'est, il écrit dans
Czechoslovaquia between Stalin and Hitler, Oxford University Press, p. 157, que Benès était sincère et que ses services ont vraiment été abusés, "par un service de renseignements professionnel". Il soupçonne les Russes, qui auraient voulu encourager et tester à la fois la fermeté antinazie de Prague, mais avoue qu'il n'a pas le plus petit indice documentaire.
Ce que j'en déduis pour ma part : si c'est l'oeuvre de manipulateurs experts, les seuls suspects sont les Allemands. Car ce dont il s'agit, c'est de mouvements précis de régiments vers la frontière, ainsi que d'une mobilisation, à ses abords, de SA et de SS. Vous voyez des officiers tchèques, ayant fait leurs classes dans l'armée austro-hongroise, gober de telles fables si elles émanent de collègues anglais ou russes ou encore français ? Ils leur demanderaient comment ils le savent et seraient très méfiants. En revanche, en Allemagne, on sort à peine de la crise Blomberg-Fritsch, il est notoire que Hitler a violé son armée pour en prendre le commandement à la hussarde et compréhensible qu'il y ait des révoltés qui le traitent d'aventurier, lui mettent des bâtons dans les roues : ils sont crédibles en informant un agressé potentiel.
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