L'article :
www.delpla.org/article.php?id_article=518Autant je trouve juste d'honorer les "Justes", autant je trouve vaine la démarche consistant à chercher des poux rétrospectifs sur la tête des principaux décideurs politiques et militaires pour leur reprocher de n'avoir pas fait assez pour sauver des vies juives.
Pour une raison simple : le nazisme, tout entier, consiste en une gigantesque prise d'otages. Doit-on discuter avec les preneurs d'otages ? Sans doute oui, si cela permet le sauvetage de certaines personnes, sans que d'autres soient sacrifiées en échange. Mais certainement pas si ses revendications tendent à lui permettre de prolonger une situation où il peut, sans limite, tuer d'autres personnes. Or, avec le nazisme c'est bien de cela qu'il s'agit. Tout le monde ou presque a entendu parler du chantage d'Eichmann à Budapest en 1944, proposant d'épargner des Juifs en échange de camions "à utiliser sur le front russe". C'est-à-dire en échange, non seulement d'une prolongation de la guerre permettant de poursuivre indéfiniment le massacre des Juifs, mais d'une situation diplomatique scabreuse qui tendait, en installant une méfiance mortelle entre alliés de l'est et de l'ouest, à compromettre la victoire elle-même. Toutes les possibilités de "sauver des Juifs" dont il est question dans l'article de Marc ou dans les ouvrages qu'il cite sont de cet ordre : les dés sont pipés par les nazis.
Cet article met l'accent non pas sur les considérations précédentes (qui en sont complètement absentes), mais sur des arguments de prime abord peu convaincants employés par les gouvernements alliés. Ils invoquent des questions logistiques et technologiques qui pourraient donner lieu à des palabres sans fin : il fallait se hâter de conclure, de crainte que les Allemands n'inventassent des armes redoutables; l'évacuation des Juifs aurait privé les Alliés d'une partie de leurs moyens de transport ou de leurs voies d'invasion... Sans doute, de tels arguments ont été invoqués à l'époque, mais sont-ce bien ceux qui ont joué ?
En ce qui concerne Winston Churchill, en tout cas, non : sa politique, très claire et très constante, consistait à se méfier des chantages hitlériens. A rappeler en toute occasion qu'il s'agissait de combattre et de châtier un ennemi abominable, non de palabrer avec lui sur des terrains choisis par lui.