Nous commençons à cerner le problème : allons-nous cesser d'être cernés par lui ?
Toujours dans le débat avec Loïc sur la place que l'historien doit faire aux questions logistiques dans la campagne de Hitler en URSS :
Il ne faut pas mélanger ce qu'on sait aujourd'hui et ce que savaient, à l'époque, les gens informés par les journaux, lesquels comportent souvent des cartes à très petite échelle.
Ce qu'ils voient, c'est que Hitler, après avoir semblé viser le pétrole caucasien, a l'air de vouloir s'ouvrir à nouveau la route de Moscou : il n'aurait fait que tourner par le sud la difficulté de l'année précédente.
Le message s'adresse à l'opinion anticommuniste du monde entier : il est encore possible d'écraser l'hydre rouge... et vous êtes en train de soutenir des gouvernements qui mettent des bâtons dans les roues de cette salubre entreprise !
Il s'agit aussi d'une pédagogie à l'adresse du peuple et de l'armée allemands : on est en Russie pour le meilleur et pour le pire, luttez au maximum pour le meilleur, le Führer est là pour recréer les meilleures conditions politiques et diplomatiques.
Bref, les données militaires sont essentielles, comme dans toutes les guerres, mais doivent être replacées dans leur contexte général, spécialement quand il s'agit du nazisme, une entreprise guerrière d'un type nouveau.
CNE503 a écrit:
(...) une grave erreur, en tout cas à partir du moment où le premier objectif de la campagne, la réédition des Kesselschlachten de l'année précédente entre Donetz et Don, est manqué (mi-juillet 1942).
Je le répète, en 1942, l'armée allemande renonce au Blitzkrieg qui a permis ses succès foudroyants des années précédentes. Elle en décline encore les principes tactiques, mais au niveau stratégique, il ne s'agit plus d'une "guerre-éclair" puisque rien dans la campagne ne permet de préjuger que l'URSS ploiera si les objectifs sont atteints. Renoncer à s'emparer des centres de décision politico-militaires, l'une des étapes principales du Blitzkrieg ouvrant la voie à l'effondrement psychologique et à la disparition de la volonté de résistance de l'adversaire, c'est renoncer à pratiquer le Blitzkrieg à l'allemande. C'est tacitement reconnaître que l'on n'en est plus capable.
Nous rejoignons ici les discussions sur l'arrêt devant Dunkerque, fait pour laisser un petit délai à la paix que Chamberlain n'aurait pas manqué de signer, autrement dit pour que les appeasers fassent les comptes et virent Winston. Bêtise, dit-on, puisque cela échoue. Autant reprocher à Ferrer de n'avoir pas déclaré forfait avant sa finale contre Nadal, qui ne pouvait que le surclasser.
A partir du moment où Churchill arrive au pouvoir, rien d'autre ne compte que de l'en chasser et toute action militaire doit y tendre, ce qui crée une équation militaire d'un type radicalement nouveau : il faut frapper assez dur pour montrer que son bellicisme ne mène à rien, mais pas trop, pour ruiner sa propagande suivant laquelle l'Allemagne en veut à mort au Royaume-Uni. Mais y a-t-il rien de plus difficile que de retenir ses coups et de faire comprendre à un adversaire qu'on l'aime tout en lui tapant dessus ? Bien plus démonstratif est le fait de concentrer l'essentiel de ses forces contre un autre adversaire, qui a des intérêts gravement divergents avec le premier, dans l'espoir de les séparer.
Ce débat est fondamental et doit être à nouveau mené sur PH, après une éclipse due à des incompréhensions que la modération n'a su gérer.